[Live] YOB et Wiegedood à l’Épicerie Moderne

Salle dédiée aux musiques alternatives plutôt indie rock et pop, l’Épicerie Moderne de Feyzin accueillait en cette fin d’octobre deux groupes de metal, et pas des moindres : les Belges de Wiegedood d’un côté, pour un concert de black metal massif, et enfin le trio de doom / stoner YOB, qui a publié cette année un excellent album du retour après que son leader ait frôlé la mort il y a deux ans. Retour sur une soirée riche en surprises et en émotions.

YOB – crédit : Lukas Guidet

Wiegedood tout d’abord. Le supergroupe belge, trio composé de membres d’Amenra, de Oathbreaker et de Rise and Fall, a publié cette année le troisième volet de sa trilogie mystérieuse « De Dodden Hebben Het Goed », et Amenra vient de boucler une tournée européenne – on se souvient de leur incroyable prestation au Hellfest, ils étaient à Lyon récemment avec Céleste et Obscure Sphinx (pas nous, à regret…). Le groupe joue dans le noir, Levy (guitare, chant) à droite, quelques projecteurs rouges dans leur dos. Dès l’entame, on sait que l’on va prendre cher, voire souffrir, mais que le groupe va délivrer une performante puissante et cathartique. Ce black metal sauvage et massif, entrecoupé de parties instrumentales quasi acoustiques et mélancoliques, est privé de basse. Les deux guitaristes construisent des murs de son extrêmement denses et agressifs, avec quelques aigus ravageurs, et nos tympans prennent cher. Bouchons obligatoires pour survivre à un tel assaut.

Le jeu est précis, et le groupe excelle dans les changements de plans, les revirements rythmiques (excellent batteur qui vient amener à cette musique assez monolithique un peu de fraîcheur et d’originalité en variant beaucoup ses tempos et son jeu sur les toms et les cymbales – la double pédale est bien sûr de rigueur du début à la fin pour les grosses caisses) et surtout les conclusions de morceaux, souvent en forme de fuites en avant obstinées et répétitives, à la limite de l’aliénation mentale. Les aficionados semblent adorer, certains parlent même de la setlist alors qu’on a un peu pour notre part l’impression d’avoir entendu cinq ou six fois des variations sur un même thème, question d’habitude sans doute. En revanche le son déçoit, la voix criarde de Levy étant complètement noyée dans le vacarme des guitares, du moins pour les gens devant ou à gauche (ce qui fait pas mal en proportion).

Après une pause bien méritée pour nous remettre de toute cette violence, on retourne dans la salle ou les membres de YOB s’installent, font quelques réglages, serrent la main d’un ou deux fans, prennent même une démo qu’on leur tend avec un grand sourire, bref des mecs sympas et accessibles. Puis, dix minutes plus tôt que prévu et en pleine lumière, le groupe entame presque sans prévenir « Ablaze », la première de leur dernier opus « Our Raw Heart ». Ce sera l’unique déception du concert. Peut-être que l’ambiance n’était pas encore idéale, peut-être l’éclairage cru n’a-t-il pas aidé, ou peut-être est-ce simplement le son de guitare, fort mais décharné, presque sec, sans réverb’ ou écho, et les rythmiques syncopées du titre qui le rendent difficilement appréciable à froid. Tour de chauffe donc, vers la fin duquel on voit que Mike (le leader du groupe) s’est mis dans l’atmosphère, se balance d’avant en arrière, fait des moues, rejette ses cheveux. Effectivement, dès le morceau suivant, c’est un autre monde. L’éclairage se règle un peu et la gestuelle se précise, mais ce sont surtout les riffs titanesques assénés par « The Screen » qui commencent à dérider le public, à faire courber les échines et s’agiter les bras. Le titre est tout simplement prodigieux, et c’est le sommet du dernier disque, mais en live, l’amplification démesurée du son couplée à un paradoxal dénuement instrumental (c’est un power trio tout ce qu’il y a de plus classique), crée un choc esthétique : le son est à la fois pachydermique et agressif, mais ça reste une guitare et une basse supportées par une batterie herculéenne. La voix est quant à elle audible, c’est bon signe. Le morceau se poursuit, riff monstrueux, pont, refrain, bis repetita, et s’achève sur une session de riffing féroce et dévastatrice. La machine est définitivement lancée.

Viennent alors deux compos qui attestent de « l’ancien » style du groupe, moins rentre-dedans, plus psychédélique et progressif. Ce seront « Ball of Molten Lead » et « The Lie That Is Sin », issus d’albums parus en 2004 et 2009 respectivement, prévue que le groupe n’a pas peur de plonger dans son répertoire plus ancien. Ces deux morceaux amènent chacun une nouvelle dimension au concert, plus méditative, plus émouvante, tout en témoignant de la virtuosité des ces trois musiciens, Mike Scheidt en tête, qui sort de sa guitare et de ses innombrables pédales d’effets des sons hallucinants. Le jeune bassiste Aaron Riesenberg quant à lui affectionne les poses de « bass hero » spectaculaires et bien senties. Après ces deux baffes qui semblent s’affranchir des limites temporelles, le groupe marque une pause et remercie le public d’avoir permis sa présence et son retour sur scène après la maladie de Scheidt – qui aura inspiré « Our Raw Heart ». Est alors jouée la chanson éponyme, cette pièce magnifique d’une vingtaine de minutes (dans la version live), extrêmement mélancolique et émouvante, que le guitariste interrompt rapidement pour accorder sa guitare et la rejouer depuis le début, marmonnant « It has to be right » plusieurs fois et ne laissant aucun doute sur l’importance personnelle que ce morceau représente pour lui.

La première partie renoue avec un son doom traditionnel tel que le groupe a pu avoir par le passé, ou en conclusion de son précédent album avec le titre « Marrow » (dont il y avait peut-être des éléments à la fin ?) mais plus le titre avance, plus il se densifie, prend une dimension spirituelle et évoque une prière ou une élévation mystique, pour un final tout simplement superbe qui aura arraché quelques larmes à bon nombre de personnes présentes. Un titre vraiment poignant. Après ce virage surprenant, le groupe invite Levy de Wiegedood pour chanter avec eux un titre phare de YOB, « Grasping Air », et c’est sans doute le moment le plus agressif et le plus puissant de tout le concert, la carrure impressionnante du Belge, sa voix vociférante et les riffs implacables de YOB constituant un tableau sonore d’une violence rare, psychédélique et effrayante à la fois. Le dernier titre du concert sera « Breathing From the Shallows » et débouchera sur une coda de riffs à s’en décoller la tête et qui aurait pu durer, durer, durer que le public n’y aurait rien trouvé à redire tant c’était dantesque. À la fin de ce concert d’une heure et demie – pour finalement peu de morceaux, le groupe reçoit un triomphe mérité et vient serrer la main et remercier les fans des premiers rangs, confirmant leur capital sympathie en dehors de la représentation sur scène. Leur prestation restera très certainement dans les mémoires de ceux qui y auront assisté en tout cas.


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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique