[LP] Djazia Satour – Aswât

Le second album de Djazia Satour est une véritable merveille, émotionnellement et mélodiquement parfaite. Ou comment voir grandir une artiste qui, avec son premier effort, nous avait d’ores et déjà captivés.

« Aswât ». « Des voix ». Celles qui s’entrelacent dans la majorité des titres du nouveau disque de Djazia Satour. Une collection de chants, d’invocations portant le timbre de celle qui, avec dix nouvelles pistes chaleureuses et intimes, s’inscrit comme la figure indispensable d’un art arabe ne perdant à aucun moment son impact sur nos corps (on se plaît à danser, traversé par ces rythmes enjôleurs et entraînants) et nos esprits. Mais, plus que tout, la créatrice a risqué une écriture toujours plus intense, prolongeant la magie chamanique de l’inoubliable « Alwane » sur des sables certes mouvants, mais dont elle nous libère grâce à des pulsations instrumentales majestueuses et humaines.

La suite de tableaux et de paysages dessinant l’essence d’« Aswât » est à couper le souffle : des chœurs essentiels et affirmés de « Neghmat Erriah » à la chorégraphie ethnique des percussions d' »Ida », le chemin parcouru par l’auditeur est en mouvement constant, regardant vers l’Orient sur quelques mesures et sur la pop sur les suivantes. Le travail de Djazia Satour brille notamment grâce à ces changements de genres, qu’ils soient séparés par quelques secondes de silence ou qu’ils se produisent au sein de la structure harmonique de ses compositions. « Ma Damni » s’étire, s’allonge sur les tapis doux et confortables d’une poignante confession, porté par un solo de guitare imprévisible et parfaitement ancré dans le propos de sa source d’inspiration. L’apothéose de « Souâl », où la grande dame impose une incontestable virtuosité lyrique, prolonge son impact au-delà de l’ultime accord. Et, intemporels et puissants, « Ghounia » et son introduction sont la quintessence même d’une mélancolie fixant, vers l’horizon, un regard où s’imprègne le phrasé, entre blues et souffrance, entre délivrance et réconfort, nous hantant, nous déstabilisant, nous possédant.

Exposition sensorielle de contes vivants, « Aswât » est l’une des œuvres les plus variées et personnelles de cette fin d’année ; mais elle demeure plus que tout universelle, revendicative et réfléchie. Djazia Satour met sa féminité au service d’un discours dont l’impact moral et émotionnel n’a pas fini de nous marquer. Et de regarder le monde changer autour de nous, en y prenant enfin notre place.

crédit : Yannick Siegel

« Aswât » de Djazia Satour, sortie le 26 octobre 2018 chez Alwane Music / Differ-Ant.


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Raphaël Duprez

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