[Live] Rock en Seine 2018

King Gizzard & The Lizard Wizard, Fat White Family et The Regrettes

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King Gizzard & The Lizard Wizard, Fat White Family et The Regrettes

Si on a quelque peu perdu le rythme à force des sorties studio indénombrables King Gizzard & The Lizard Wizard, les Australiens restent toujours un immense plaisir en live, justifié par leur performance en milieu d’après-midi sur la grande scène. Surplombant depuis la Grande Scène une fosse conquise et bouillante, le garage-psyché du groupe renverse Saint-Cloud au fil des partitions délirantes sorties de l’imaginaire d’un band débordant d’idées et d’énergie rock. Si 2018 est un temps mort dans leur discographie, les artistes de Melbourne ont enchaîné cinq full-length l’an passé de quoi assurer une setlist riche en sensations. Mais si on a profité des séquences romanesques du concept album « Murder The Universe » entre science-fiction et fantasy (dont la sublime « Vomit Coffin » qui raconte les aventures d’une machine crée pour vomir) le band de Stu Mackenzie a préféré cette fois-ci regarder dans le rétro en ressortant les partitions des plus « anciens » « I’m In Your Mind Fuzz » ou « Nonagon Infinity ». Le tout avec un duo de batteur phénoménal, qui en fait sûrement avec Thee Oh Sees, l’un des groupes les plus excitants et les plus prolifiques de la scène indie-rock actuelle.

À la tombée de la nuit du samedi, le Bosquet s’est enflammé pour le rock un brin alcoolisé de Fat White Family. Quelques heures après le set du side project Insecure Men, les Anglais ont ainsi fait leur retour tonitruant à Paris, avec le bazar sonore que l’on connaît. Champions du garage britannique au sens premier du terme, les nouveaux artistes du label Domino Recordings ont mené un set comme on l’espérait ; c’est à dire foutraque et bruyant, qui sent la sueur et la bière. Leur chanteur excentrique (ou tout simplement ivre), Lias Saoudi, répond dans un esprit punk à l’instru lourde et puissante qui donne à leur musique une portée quasi cataclysmique. Seul regret, il n’y a pas grand-chose de neuf à noter depuis trois ans : le set a notamment consisté en un retour sur la collection de titres provocateurs de leur dernier album « Songs For Our Mothers » ou du plus ancien « Champagne Holocaust ». Mais le live-band s’est pour l’occasion élargi avec la présence du saxophoniste d’Insecure Men, mais aussi, petite surprise, Mairead O’Connor, la bassiste des Moonlandingz, autre projet parallèle du guitariste Saul Adamczewski et de Lias Saoudi. Comme quoi, chacune de leur performance peut-être un nouveau délire.

Autre grande découverte de l’édition, on a été renversé par l’énergie des Californiennes de The Regrettes. Avec un EP et un album dans ses bagages, le quatuor rock féminin enrage sur scène avec des riffs acérés à la Deap Vally ou à la Bleached pour rester fidèle à l’identité première du festival. La Cascade s’est vite laissée prendre au jeu de ces reines du garage qui, encore méconnues en France, rappellent les beaux jours de la culture rock’n’roll à la sauce West Coast. Avec jeunesse et désinvolture, le quatuor riot grrrl enchaîne les partitions certes plus fraîches qu’originales, mais aux délicieux accents autant punk que pop. Leur point fort, c’est l’urgence et l’immédiateté de leurs chansons, la plupart extraites de « Feel Your Feelings Fool! », premier album conçu une poignée de mois après la formation du groupe. Et cela se sent malgré la répétition des scènes depuis, car une fois lancées à Saint-Cloud, c’est comme si elles ne réfléchissaient plus et envoyaient instinctivement ce qu’elles ont dans le ventre. On n’en demandait pas plus pour démarrer l’ultime journée du festival.

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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens