[Live] Download Festival Paris 2018, jour 2

Nous attendions le Messie Manson, mais ce sont finalement ses apôtres qui nous ont séduits plus que lui. Notre samedi au Download Festival Paris nous a permis de mesurer quels groupes expérimentés ne tiennent pas à se reposer sur leurs lauriers.

Avatar – crédit : Cédric Oberlin

La chemise brune n’a jamais vraiment disparu, la démocratie vacille sur son socle et les textes de Tagada Jones demeurent plus que jamais d’actualité. Le punk enragé et engagé des Bretons a la particularité de ne pas s’essouffler au fil des tournées. Dans la même veine que Les Ramoneurs de Menhirs ou Guérilla Poubelle, Tagada Jones réunit un public intergénérationnel politisé, convaincu que le punk est toujours capable d’animer la rébellion sans pour autant sombrer dans la caricature. Ainsi la Warbird, unique scène abritée, concentre les pogos et mosh pit tandis que le reste des camarades, moins téméraires, s’agglutine de chaque côté pour exprimer sa colère.

Après avoir repris nos esprits au doux son des basses trop élevées de Betraying the Martyrs, nous nous rapprochons de la Main Stage. Avec leur musique de gentils bourrins et leur humour gras, Hollywood Undead sont un peu nos beaufs bien aimés. Ici le trash est édulcoré, nous aurions tendance à penser que l’alliage du rap au metal donne nécessairement naissance à un univers sombre et agressif. Or les compositions des Californiens sont certes imprégnées de violence, mais les couplets chantés suintent le pop-rock et s’accompagnent de mix électro façon FM grand public, à l’instar de « War Child ». Le groupe répand instantanément sa bonne humeur ; « Whatever It Takes » et sa mélodie entêtante capte l’attention des festivaliers non avertis, tandis qu’« Undead » et « Day of the Dead » font headbanger les fans. Avant de convier Matthias, jeune spectateur,  à jouer de la guitare sur scène, Hollywood Undead propose une reprise de « Enter Sandman » couplé à « Du Hast » (définitivement l’hymne du week-end) ainsi qu’au refrain de « Livin’ on a Prayer ». Nous nous en allons rejoindre NOFX, en dansant sur « Everywhere I Go », avant dernier morceau du set.

Voilà trente-cinq ans que Fat Mike et ses compères baladent leur punk cosmopolite aux accents sarcastiques. Célèbres sans ne s’être jamais trop prêtés au jeu de la promotion, les cinq Américains sautent aisément du punk au ska en passant par le reggae, le tout ponctué d’anecdotes et plaisanteries. Bien entendu, le punk domine le concert, pensons à « Linoleum » et « Stickin’ in my Eye », parfois politique et révolté sur « Franco Un-American », parfois intimiste, comme cet hommage à un ami disparu « I’m So Sorry Tony ». Le show est imbibé de modestie, le décor n’est composé que d’une petite pancarte, et si Fat Mike interprète ses textes de façon légère, c’est pour mieux trancher d’avec leur côté désabusé et lucide. Le punk juvénile des débuts semble plus désillusionné que jamais, chacun n’hésitant pas à exprimer son dégoût des États-Unis. Et comme NOFX ne fait rien comme personne, un technicien français est convié sur scène pour reprendre ensemble « Les Champs-Élysées » devant le « seul public à en comprendre les paroles ».

Depuis leur dernier passage au Download, les Suédois d’Avatar ont bien changé. Comme Ghost hier, tout est mis en œuvre pour impressionner les sujets, et non plus les fidèles. Le dernier album tourne uniquement autour de la royauté, le monarque de leur pays imaginaire devenant le second personnage du groupe, après le clown interprété par Johannes Eckerström. « A Statue of the King » ouvre la danse, chaque musicien sort de sous la scène par ascenseur, le Roi sur son trône les domine. Le spectacle est flamboyant, tout est chorégraphié, les costumes et maquillages occupent une place importante, si ce n’est nécessaire. Car là où l’artifice est proéminent, la subtilité musicale du groupe pèche quelque peu. Certes les dissonances des intros sont entraînantes, mais à y écouter de plus près, rien n’est particulièrement exceptionnel. Le rythme d’« Avatar Country » s’agrippe à vous, marque votre esprit bien que les couplets ne soient pas fins, une sorte de masse sonore à l’enveloppe charmante. Cependant le film promotionnel à la gloire du Roi et les feux d’artifice séduisent ; et puis reconnaissons que « Smell Like a Freakshow » est efficace pour faire headbanger le peuple.

Nous n’attendions rien d’exceptionnel de la part de The Offspring, et avons été agréablement surpris. Le concert n’est certes que l’accumulation des nombreux hits pop-rock du groupe, agrémentée d’une reprise, quelconque, de « Whole Lotta Rosie » d’AC/DC et d’une courte apparition de Fat Mike. En dépit de l’attitude stoïque de Dexter Holland (vous avez dit « rock’n’roll » ?), les Californiens étaient opérationnels, ni mauvais, ni époustouflants, idéal pour réveiller les foules avant la star de la soirée.

Il devait être notre Messie, le seul à encore proposer une performance viscérale, sombre, captivante. Un pal rockeur bedonnant à la voix légèrement faiblarde a remplacé l’image superbe, provocante et dépravée que nous nous faisions de Marilyn Manson. Comme une formalité, « Irresponsible Hate Anthem » ouvre la danse. En changeant de costumes tous plus chic les uns que les autres, nous pourrions penser que l’homme s’est assagi. Les désormais incontournables « Sweet Dreams » et « This Is the New Shit » sont presque vidés de leur véhémence tandis que « Kill4Me » et « Say10 » s’adaptent mieux à l’énergie déployée. À la fin de « Coma White », Marilyn Manson file dans les coulisses, serait-ce pour changer de costume ? Non, les spots se rallument après une petite heure et demie de concert. Sans salut, sans doigt d’honneur ou d’applaudissement à destination des techniciens et des festivaliers.


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Alice Tabernat

Alice Tabernat

Étudiante passionnée par la création musicale et les beaux textes.