[Live] Bully à l’Espace B

On avait quitté Bully avec un premier disque qui ravivait la flamme du grunge et d’une certaine nostalgie 90’s. Le band d’‎Alicia Bognanno n’a pas changé la formule sur « Losing », second long-format brûlant, présenté dans le cadre tout trouvé de l’Espace B. Retour sur cette performance électrique.

crédit : Cédric Oberlin

Folie grunge de Nashville, Bully joue sur la corde sensible des sonorités regrettées des 90’s avec ses deux albums rageurs. Chanteuse blonde rebelle, sorte de fille spirituelle de Cobain avec sa voix éraflée, ‎Alicia Bognanno est l’âme de cette formation brûlante qui, sur l’hymne « Trying », a défrayé la chronique il y a deux ans. Un titre symbolique de « Feels Like », premier essai jouissif porté par des tubes aux couleurs aussi inattendues et inespérées dans la sphère indie rock d’aujourd’hui. C’est avec cette première impression folle qu’on l’avait laissée au festival Pitchfork Paris 2016, dans le sous-sol la Mécanique Ondulatoire, quand le groupe avait fait ses débuts dans la capitale. Ne cherchez ni nouveauté ni innovation : Bully manie des ingrédients déjà bien connus, emmenés avec une fougue et une envie folles. Un peu comme si Wolf Alice avait entièrement assumé le grunge de ses premiers morceaux.

Désormais revenu avec un second album dans ses bagages, « Losing », Bully balance maintenant des sons un brin inégaux, mais délivrant une vraie énergie live à revendre : ses douze nouveaux titres sont autant d’uppercuts lancés par sa leadeuse charismatique. Si la force du premier disque ne s’est pas entièrement retrouvée sur le second, c’est parce que « Losing » est un album moins immédiat, qui s’essouffle plus vite mais triomphe encore sur une poignée de sons efficaces et addictifs. Moins sucré, moins pop et plus porté sur des textes sombres, il apporte un contraste intéressant, mais peut-être trop décalé avec le précédent pour éclairer le concert sur une setlist mixte, à l’image de « Seeing It », titre aux guitares grasses qui obscurcit les nuages au-dessus des têtes spectateurs parisiens. Le groupe joue en fait sur des intensités nuancées, entre partitions euphoriques et posture plus slacker.

Bognanno, également productrice et ingénieur du son, a fait ses classes dans le studio de Steve Albini, ancien collaborateur de Nirvana et de PJ Harvey. C’est peut-être ainsi que tout s’explique quand on interroge la démarche de la jeune formation, qui se lance dans un show express de quarante-cinq minutes. Un choix de formule se justifiant peut-être par l’exigence vocale que s’impose Bognanno. Elle s’arrache la voix sur quasiment toutes les chansons, comme pour appuyer des textes cathartiques où s’exaltent les passions et déceptions de relations compliquées. Ses morceaux content ainsi ses angoisses dans un monde devenu trop complexe ou absurde en arrivant à l’âge adulte. Elle crie sa haine et sa rage comme pour inviter ceux qui ressentent la même chose à faire de même. « I Remember » et « Feel The Same » sont, ainsi, deux sommets d’immédiateté, deux courts titres qui martèlent des refrains et une agressivité jouissive. Un peu à l’image du second, dont le texte traduit un malaise un brin explicite : « I cut my hair, I feel the same, masturbate, I feel the same. »

Embarqué dans un disque plus revendicatif et punk, Bully s’attache à séduire l’Espace B à coup de protest songs comme « Hate and Control ». Le remuant « Brainfreeze » et le tube « Trying » sont, eux, plus prompts à exciter une fosse hésitante à se perdre dans un pogo furieux. Parti finalement assez tranquillement, le show s’emballe vraiment sur le tard, sur un dernier titre repris à McLusky et où la chanteuse vient enfin à la confrontation avec le public. Dommage que les Américains ne se soient pas laissés aller à autant de folie pendant l’essentiel du concert.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens