[Live] Goat Girl à l’Espace B

Deux ans après un premier passage remarqué, les Anglaises de Goat Girl sont passées à l’Espace B défendre leur premier album éponyme. Il passe comme un petit vent de fraîcheur sur la scène indie rock londonienne, entre rage punk et imperfections garage.

crédit : Cédric Oberlin

Les sorties parisiennes de Goat Girl ne sont pas très courantes, il faut donc savoir en profiter. Le quatuor londonien, depuis sa signature chez Rough Trade, ne nous avait gratifiés que d’une petite visite au festival des Inrocks en 2016. L’occasion d’un premier jet pour saisir toutes les promesses de ces jeunes rockeuses venues retourner la scène UK rien qu’avec leur premier single deux titres, « Scum – Country Sleeze ». Elles se retrouvent alors vite portées par la maturité précoce de leur son garage nonchalant, à la fois brouillon et jouissif, un brin tendu mais mélodique. La posture très laid-back de la chanteuse Clottie Cream sur des compositions parfois rageuses évoque autant Courtney Barnett que The Big Moon. Entre santé mentale, misogynie et sexe, tous les sujets abordés dans les paroles se font l’écho d’une jeunesse désabusée et qui n’a aucune peur de se déprécier elle-même, non sans une teinte d’humour.

L’ambiance fond du pub de l’Espace B a donné à la performance la dimension d’un show télé-transporté dans le sud de Londres, d’où est originaire le groupe. La fosse, tassée dans la salle à guichets fermés, a vite fait monter la température au gré des riffs aiguisés lâchés par les musiciennes, ou grâce au rythme effréné donné par la batteuse. Avec les figures de monstres démoniaques essaimées un peu partout sur la scène pour accompagner, les incantations du quartet se sont vite mises au diapason de la suite de courtes partitions à l’efficacité dantesques – quarante minutes chaotiques pour vingt titres sur l’album – qui permettent à Goat Girl de s’imposer comme une révélation scénique dans la famille indie rock. Une brochette de tubes évidents alterne ainsi avec des tentatives plus expérimentales et éphémères, quand des pistes d’une à deux minutes sans refrain ne semblent avoir ni début, ni fin. Le tout est agrémenté d’interludes instrumentaux décalés, ou complétés de séquences de spoken words mises en avant sur scène par la projection de visuels derrière les artistes.

Ainsi, « The Man » fait partie des titres les plus frénétiques de la vaste setlist, avec son refrain faussement enjoué, tandis que « Throw Me A Bone » et « Slowly Reclines » évoquent l’autre côté de l’Atlantique, avec leurs mélodies plus typiques de l’Ouest sauvage. Entre deux moments saturés de guitares, une violoniste, pas forcément attendue dans la prédisposition du show, vient nuancer les partitions de quelques morceaux, comme « Creep » aux airs bien plus pub. Enfin, « Lay Down », ballade nonchalante, voit les cordes et le rythme ralentir comme dans les moments transitoires du disque, avant que n’intervienne la douce intro de la cover de Paul Williams, « Tomorrow », extraite du film « Bugsy Malone ». Une perle assez inattendue dans leur première collection de productions. Autant de couleurs étalées sur une jolie palette permettent de rendre ce disque jeune, furieux, un brin décalé et, plus important, vivant.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens