[Interview] The Blind Suns

The Blind Suns vient de sortir son deuxième album, « Offshore » le 20 avril dernier. Le trio français y poursuit sa psych-pop avec l’aide de Charles Rowell (Crocodiles) à la production. Et, à l’occasion de sa tournée, il en a profité pour répondre à nos questions, sous la voix de Dorota, histoire d’en savoir un peu plus sur ses origines, sa visibilité dans l’Hexagone comme à l’étranger, ainsi que son lien avec ce soleil qui irradie sa musique.

crédit : Antoine Villiers
  • Je suis toujours fasciné par le fait échanger avec des projets ayant des membres venant de différents pays. Dorota, es-tu venue en France avec l’idée de monter un groupe ? Avec Romain et Jérémy, comment vous êtes-vous rencontrés ?

Oui, je n’en parlais pas trop auparavant mais aujourd’hui, cela me gêne de moins en moins. J’ai rencontré Romain lors d’un échange scolaire, quand nous avions à peine 18 ans. Nous nous sommes trouvés des affinités musicales très fortes, puis je suis venue en France pour écrire des chansons avec lui. Notre premier groupe s’appelait Scarlet et nous avons eu de nombreux musiciens différents, dont Jérémy, avec qui le courant est très vite passé. Nous avons donc rapidement pensé à lui quand nous avons cherché un batteur pour notre nouveau projet : The Blind Suns.

  • Vos deux albums ont été produits par de grands noms du rock international : Clive Martin tout d’abord, ingénieur du son pour Queen et The Cure, avec « I Can See You », et Charles Rowell, de Crocodiles, avec « Offshore ». Peux-tu me parler de cette collaboration avec Charles Rowell ? À quand remonte votre première rencontre avec lui ?

Nous avions vu le groupe de Charles, Crocodiles, en concert en 2012, et ça nous avait clairement marqués et influencés pour la création de The Blind Suns. L’an dernier, on s’est retrouvé en concert commun à Austin. On lui a fait part de notre admiration, mais il était plutôt attiré par notre projet, il nous a vu en live et a adoré. On s’est vite retrouvés autour de pas mal de bièress à se rendre compte qu’on partageait plus que des influences communes. Une vraie amitié s’est nouées et c’était tout naturel de travailler avec lui sur cet album, « Offshore ».

  • Votre musique est très solaire. On pourrait même la qualifier de très « californienne ». Pourtant, vous êtes originaires du Grand Ouest français, qui est loin de bénéficier du même climat. Où trouvez-vous ce soleil que l’on ressent sur vos morceaux ?

On s’amuse à dire qu’il y a un microclimat par chez nous : on parle de la douceur angevine, mais tu as raison, on est loin de la Californie. En revanche, Romain a eu la chance de passer beaucoup de temps à l’Ile d’Oléron via ses grands-parents, et Jérémy sur la côte vendéenne. Tous les deux surfaient pas mal. Même si ce n’est pas Los Angeles, ça a joué dans le côté « océanique » et surf music de nos titres.

  • Vous avez joué à un festival psychédélique pionnier en France, Levitation France, importé du Texas par The Black Angels. Est-ce que cela a joué dans votre processus créatif – un peu comme un autre groupe, Sheraf, né après que ses membres s’y sont allés pour la première fois ?

Peut-être ne le sais-tu pas, mais Romain est le fondateur d’Eagles Gift, groupe de musique psychédélique qui a joué lors de la première édition du Levitation France (en Off) et au Levitation Austin en 2014, six mois après la création du groupe. Eagles Gift a également enregistré son deuxième album avec le producteur de The Black Angels, Brett Orrison. Suite à cela, des membres d’Eagles Gift ont décidé de créer leur propre groupe, qui s’appelle donc Sheraf. Donc oui, il y a eu des connexions qui se sont faites, et des influences/découvertes via ce festival. Mais, pour The Blind Suns, c’est vraiment le festival SXSW, qui nous a le plus inspirés et qui nous a donné de vraies opportunités outre-Atlantique.

  • L’origine multiculturelle du groupe amène-t-elle un éclectisme musical qui vous permet de sortir du lot des groupes français et de séduire à l’étranger ?

On peut surtout dire que ça nous empêche d’avoir quelque complexe que ce soit d’aller tourner et de nous développer à l’étranger. Les Français sont de nature assez timide, à mon humble avis, et se font par exemple une montagne des histoires d’accent en anglais. Les Français se critiquent entre eux, alors que les Américains trouvent ça charmant. Le côté « exotique » plaît toujours à l’étranger. Nous avons brisé ces barrières dès le début, donc oui, c’est un avantage.

  • Certains titres de votre dernier album auraient très bien collé à la bande-son de la série Californication. D’ailleurs, certaines de vos compos se sont-elles déjà retrouvées au générique de films ou de séries ?

On nous a dit la même chose très récemment, c’est drôle (rires) ! On a eu l’occasion d’être synchronisés pour la marque parisienne KOST et un autre titre est présent dans la bande son du film « L’Embarras du Choix », avec Alexandra Lamy. On a aussi, à titre personnel (mais pas sous le nom The Blind Suns), composé des titres pour des publicités. On aimerait beaucoup synchroniser plus de titres et, peut-être, faire de la composition originale pour des films.

  • Vous êtes en pleine promotion de votre nouvel album, et vous étiez récemment invités à jouer deux titres sur France Inter le 16 avril dernier. À quelle émission de radio ou programme télévisuel rêveriez-vous de participer, en France ou à l’étranger ?

Sans aucune hésitation, la radio KEXP aux US. Chaque session enregistrée chez eux est vraiment au top, naturelle mais assez produite, et c’est une sacrée carte de visite.

  • Parmi toutes les critiques, tous les retours que vous avez reçus sur ce second album ainsi que vos précédents disques, y en a-t-il une qui vous a particulièrement touchés ?

Ce n’est pas pour faire de la lèche, mais Raphaël d’indiemusic fait des chroniques extraordinaires. En particulier sur nos derniers clips : ses interprétations sont justes, et je suis persuadée qu’après avoir lu ses mots, on ne les regarde pas sous le même angle, il décrypte, analyse, traduit des choses qui sont, pour certaines, même inconscientes.

  • Vous êtes un groupe qui tourne finalement beaucoup, en France comme aux États-Unis, où vous retournez chaque année à l’occasion du SXSW, un festival américain majeur dédié aux musiques actuelles. Quel est votre meilleur souvenir de tournée ?

On a presque que des beaux souvenirs en tête ; la tournée, c’est notre vie, du plus petit concert à celui qui a le plus d’enjeu. Au SXSW cette année, on a joué pour une soirée organisée par l’important magazine Do512 à l’Hôtel Vegas. On a particulièrement bien joué, c’était torride et le magazine Hot Press nous a décerné la palme du « sexiest band of SXSW 2018 » : la classe !

  • Après une tournée aux États-Unis en mars, vous revenez faire de nombreuses dates en France, avec notamment deux release parties dans votre région d’origine : le 18 avril au Chabada d’Angers et le 30 mai au Ferrailleur de Nantes. Quel sens ont ces dates pour vous ?

On a beaucoup joué dans la région au début du projet, avant de faire une pause pour nous développer dans d’autres régions et à l’étranger, aux US notamment. C’est donc assez étrange, comme sentiment ; cela fait longtemps alors qu’on connaît beaucoup de monde ici. C’est l’occasion de faire de grandes fêtes et de montrer aux locaux qu’on a bien évolué depuis nos débuts (rires) !

  • Votre nouvel album, « Offshore », se clôt sur un morceau unplugged, « Astral Flight ». J’ai cette impression que le titre est arrivé un peu par hasard à la fin de l’enregistrement de l’album. Peux-tu nous en parler ?

Oui, c’est vrai, on a reçu un texte d’un ami anglais qui s’appelle Richard Smith ; c’est la première fois qu’on compose autour d’un texte qui n’est pas le nôtre, et on avait effectivement terminé le reste de l’enregistrement. On a improvisé un petit truc guitare-voix, et ça nous a beaucoup plu donc on l’a gardé tel quel. Le texte est très beau et, avec cet arrangement sobre, c’est une jolie façon de terminer l’album.

crédit : Antoine Villiers
  • Si je devais écouter votre album pour la première fois (la question va vous paraître incongrue, mais n’est pas innocente pour moi), peux-tu me donner un créneau optimal pour l’écouter ?

J’irais plus loin : soleil levant par une chaude journée, dans un bon vieil autoradio, deux heures de route devant toi. Comme ça, tu peux l’écouter et ensuite mettre The Surfaris, Crocodiles ou The Black Angels pour finir le trajet. Un trajet vers où ? Vers l’océan, quelle question… ! Avec une planche de surf dans le coffre ou, au moins, quelques bières fraîches – des Lone Star (bière officielle du Texas, NDLR).

  • Une dernière question que j’affectionne particulièrement : peux-tu nous conseiller un groupe que vous avez découvert sur la route ?

Kolars, un groupe américain qui partageait l’affiche du concert dont on parle plus haut. Si on n’avait pas joué, la palme du groupe le plus sexy aurait été pour eux (rires) !


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Nicolas Halby

Parce que notoriété ne rime pas forcément avec qualité. J'aime particulièrement découvrir l'humain derrière la musique.