[Play #3] Dirtmusic, The Soft Moon, Car Seat Headrest, Anna von Hausswolff, GusGus, etc.

Chaque semaine, nous vous concoctons une sélection de dix albums sortis récemment et qui ont (pour l’instant) échappé au radar des chroniqueurs d’indiemusic. On commence avec quelques-uns de nos dix albums préférés sortis depuis début janvier et qui n’ont pas eu l’honneur d’une chronique en ces lieux.

Dirtmusic – Bu Bir Buya

26 janvier 2018 (autoproduction)

Le projet assez dingue d’un ex-Bad Seeds et d’un acolyte, partis enregistrer des disques en Afrique subsaharienne avec des musiciens locaux et implantés pour cet album en Turquie. En résulte un album singulier qui mélange rock psychédélique turc tel qu’il existe là-bas depuis les années 60, et sonorités rock plus sombres qui évoquent fortement Nick Cave (tiens tiens) ou Tom Waits. Le râle d’outre-tombe du chanteur se greffe à merveille sur des riffs ténébreux et enfumés, les voix féminines amènent un contrepoint sensuel remarquable. Le disque le plus obsédant de janvier.


The Soft Moon – Criminal

2 février 2018 (Sacred Bones Records)

Un petit chef d’œuvre de ce début d’année : un disque puissant et sale, assez parfait de bout en bout et qui navigue entre beats entraînants et décharges sonores crades à souhait.


Car Seat Headrest – Twin Fantasy (Face to Face)

16 février 2018 (Matador)

Remake d’un album de l’époque bandcamp / autoproduit. Peu de réels changements, quelques ajustements dans les paroles – Will Toledo est beaucoup plus enclin à parler de son homosexualité désormais – mais le génie manifeste de ces compositions qui vont de la chanson power-pop calibrée au rock alternatif inventif qui s’étire sans forcer sur 16 minutes est inchangé. Un des grands disques de ce début d’année, même si techniquement il n’est pas nouveau.


Anna von Hausswolff – Dead Magic

2 mars 2018 (City Slang)

Le disque OVNI, diamant noir de ce début de mois, à mi-chemin entre Chelsea Wolfe en moins énervée, Jenny Hval en plus expansive et Diamanda Galás en moins stridente. Deux morceaux très longs constituent l’épicentre des ténèbres nimbées d’orgue et de piano dans lesquels résonne la voix incroyable de la Suédoise, tandis que « The Mysterious Vanishing of Electra » ferait presque office de tube au milieu de cet enfer magnifique. La fin du disque est une redescente ambient après l’épique morceau central, l’odyssée malveillante « Ugly and Vengeful ». Un petit chef-d’œuvre, l’air de rien.


Sole – Let Them Eat Sand

2 février 2018 (autoproduction)

Le disque majeur de rap de ce début d’année. Les instrus sont ultra chiadés et complexes, le sampling est merveilleux, le flow démonte, c’est brillant, très inventif et intelligent, passionnant de bout en bout. On vous promet qu’il va tourner en boucle celui-là.


Mamuthones – Fear on the Corner

23 février 2018 (Rocket Recordings)

Le groupe tire son nom d’un carnaval, et ce disque commence presque en douceur si l’on songe au double charivari qui le conclut. C’est très bien amené et construit, remarquablement varié, très entraînant et bizarre. On pense à Hookworms (en mieux), à Avec le soleil sortant de sa bouche, à Electric Electric, ou bien sûr à leurs pères à tous dans deux registres différents mais cousins, CAN et les Talking Heads. Bref j’ai adoré ce disque, en particulier parce qu’il ne cesse de grimper et de se bonifier à mesure qu’il avance. Les écoutes ultérieures promettent énormément.


Grand Veymont – Route du vertige

16 février 2018 (Objet Disque)

Ironie du sort, on a écouté ce disque juste après un album présenté comme « un renouveau » de la pop psyché française, et on s’est pris une leçon de musique après un gros pétard mouillé. Voilà un album avec une direction claire, une radicalité musicale, du mystère et de l’étrangeté. Les mélodies limpides et répétitives qui se noient dans leur propre écho accompagnent un chant charmant et lunaire, on s’abîme dans cette contemplation sonore hypnotique qui rappelle Cluster ou certains Neu ! curieusement privés de leur rythme frénétique, un peu à la Stéréolab. Petit passage « à vide » (mais bien quand même) au milieu avant la vraie pièce de résistance que constitue l’époustouflant morceau final. Et tout ça passe en concert un peu partout en France, la vie est belle des fois.


GusGus – Lies Are More Flexible

23 février 2018 (NoPaper Records)

Eux, ils font de la (bonne) musique depuis 1995, ils sont toujours cruellement méconnus du grand public et ils viennent juste de lâcher une petite bombe musicale de musique électronique, influencée de façon évidente par la house et la techno, avec plein de twists intelligents et passionnants, qui ramène de la pop, des expérimentations et une lecture très queer à tout ça. Vraiment un disque très convaincant, et irrésistible du point de vue « shake your booty on the dancefloor ».


Fu Manchu – Clone of the Universe

9 février 2018 (At The Dojo Records)

La grosse baffe de début février. Pas de chichis, pas de détours, que de l’efficacité, 36 minutes au compteur pour sept morceaux, répartis en six titres courts d’un côté, percutants et variés (deux morceaux plus lents mais tout aussi réussis que les uppercuts de deux minutes), et une odyssée finale de 18 minutes avec guest de luxe (le guitariste de Rush, Alex Lifeson). Maîtrisé du début à la fin, qui séduira tous les amateurs du genre par son habileté à incarner tous les types de stoner ou presque sur un seul album.


Monolithe – Nebula Septem

26 janvier 2018 (Les Acteurs de l’ombre Productions)

Imaginez que « Nonagon Infinity » de King Gizzard and Lizard Wizard était en fait un album de doom français et que le nonagone perdait deux côtés. Blague à part, il s’agit là d’un concept album de sept chansons de sept minutes (et oui, il y a sept heptagones concentriques sur la pochette). Très prenant, avec deux morceaux très au-dessus du reste qui fond basculer le disque dans les coups de cœur. Et pourtant on les avait trouvés ultra chiants en live, comme quoi.

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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique