[Live] Kagoule et Trainfantôme au Bras de Fer

En guise d’amuse-bouche avant l’édition 2018 qui aura lieu les 20 et 21 avril, les organisateurs de l’Ère de Rien ont investi le 15 février dernier le Bras de Fer, bar à vin idéalement situé dans un vieil entrepôt pas loin des bords de Loire, pour une soirée dédiée au rock borderline à travers les prestations attendues de Trainfantôme et Kagoule.

Kagoule – crédit : Fred Lombard

Bienvenue à Trainfantôme dont c’est le premier concert. Après une installation à la cool derrière leurs instruments, les musiciens entament une lente introduction émaillée d’accords plaintifs au service d’une voix qui l’est et le restera tout autant. En renfort, un synthétiseur aux nappes antiques appuie le propos et apporte une couleur mélancolique à ces morceaux pas vraiment sages. La guitare donne le ton, les accords râpent les tympans et c’est un clair-obscur de pop bruyante qui déboule des enceintes.
Le mix n’est pas parfait, on aurait notamment aimé que la voix ne se planque pas derrière les instruments. Toutefois, les compositions qui font leur entrée en piste ce soir-là forcent le respect et toisent l’auditeur d’un air narquois. « Frisbee » s’inscrit sans mal dans le répertoire des morceaux noisy-pop efficaces à l’énergie brute et à la fragilité assumée. Soupçons de mélodie et accords en papier de verre, la recette est appliquée durant le set et séduit le public peinard qui encourage fort justement les nouveaux venus.

« Sad Dance » s’élance sur le chemin balisé nonchalamment par la batterie. On voit presque le rythme rebondir de la charleston à la caisse claire et on le croit vaciller comme K.O. avant de toujours se relever. Faussement décalé, le morceau convainc et laisse la place à des bribes de new wave ainsi qu’à une ballade brisée en plein vol qui, une fois à terre, hurle son désespoir et trouve dans des accords de guitare sauvages la force perdue dans la chute.
Parfois brouillons, toujours sincères, Trainfantôme a fait de ce premier concert un bon moment et on leur souhaite une longue route.

Sans perdre de temps, Kagoule prend place face aux spectateurs et le trio démarre aussi sec prenant de court les bavards ayant profité de l’entracte à l’extérieur. Rappelons que le trio venu de Nottingham a enregistré un album absolument remarquable (« Urth » 2015) que tout amateur de rock underground (par opposition au mainstream et ses hymnes pompiers) se doit d’écouter tant le groupe fait preuve d’inventivité et d’énergie. L’osmose dont témoignent les enregistrements studio du groupe est bien présente ce soir et c’est incroyable de constater comme le groupe réussit à retranscrire chaque détail de ses morceaux faussement complexes et vraiment géniaux. Cela tient d’autant plus de l’exploit que nous ne sommes pas dans une salle de concert, mais dans un entrepôt affichant plusieurs décennies au compteur.

Le duo de voix de Cai (guitare) et Lucy (basse), signature du groupe, nous enchante à nouveau sur l’extraordinaire « Glue » à l’éclairage variant de l’intense au tamisé entre couplets et refrains. Ce morceau seul suffirait à gonfler notre enthousiasme au risque d’éclipser le reste de la setlist. Il n’en est rien. Le miracle opère et nous avons droit à une succession de diamants bruts.
Sorti à l’automne 2017, le single « Monsieur Automaton » prouve leur montée en puissance et nous conforte dans l’idée qu’il est grand temps que le trio goûte à une plus large reconnaissance. En live, ce titre, digne des plus emblématiques du rock indépendant, joue sur les changements de tons et est d’une efficacité incroyable.

« Adjust The Way » et son riff rampant alterne également avec brio rafales et accalmies sans qu’à aucun moment, Cai ne perde de son flegme comme ce sera le cas tout le concert durant. Alors que l’énergie est déployée avec force et que Lawrence assomme ses fûts et gifle ses cymbales, le chant frappe par sa constance comme un onguent sur les brûlures infligées par les envolées de guitare aux multiples effets. Les voix s’entrelacent à merveille sur « Centralwing » pendant que les coups sur la caisse claire semblent disparates et annoncent la grêle qui n’épargnera personne durant le refrain. « Made of Concrete » est, paradoxalement, le titre le plus aérien du set servi par la voix chaude de Lucy à laquelle répond la guitare shootée à l’éther de Cai. Cette démonstration de rock abrasif est la meilleure vue depuis bien longtemps. « Gush » clôt, en guise de rappel cette excellente prestation et injecte une dose de ce rock alternatif salutaire et jouissif qui combat l’ennui à grand coup d’accords dissonants.

Merci à l’Ère de Rien d’avoir joué les défricheurs de talent en faisant venir ce trio d’une classe folle et bon festival ! Rendez-vous les 20 et 21 avril…


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Olivier Roussel

Olivier Roussel

Accro à toutes les musiques. Son credo : s’autoriser toutes les contradictions en la matière.