[EP] Morning Drops – Morning Drops EP

Il est aisé de se plonger dans des univers shoegaze déjà essorés et surexploités ; il est bien plus difficile d’en tirer son épingle du jeu en proposant une lecture à la fois inspirée et originale. C’est exactement ce que fait Morning Drops avec cet EP éponyme alternant les ambiances dans une cohérence émotionnelle marquante et tout simplement belle à en pleurer.

crédit : Gentaro Murakami (logo : Kevin Berny)

La rosée matinale. Une averse de quelques secondes, donnant vie à des landes s’éveillant à peine. Et des mélodies, simples, vivaces, grimpant le long de nos colonnes vertébrales et provoquant dans nos corps une vibration, un frisson. Bienvenue face à Morning Drops : une douceur que les élans électriques viennent renforcer, piliers immuables d’une sincérité et d’une pureté que l’on découvre à chaque nouvel accord ou arrangement, pour un délice qui, tandis qu’il aurait pu être interdit, nous est donné avec cœur et affection. Quatre pistes rêveuses et jamais très loin d’un rock malin et savant, notamment de par la diversité des instruments qui y sont convoqués, pour une solution idéale à la morosité et à la solitude.

Une menace sourde, lointaine, nous encercle et ne nous laissera plus nous enfuir, faisant de nos êtres les prisonniers d’un cadre entre feu et caresses. « I Never Made Myself » invoque les dieux de la langueur, de la lenteur et de la profondeur ; ceux-là mêmes qu’une simple étincelle parvient à faire renaître, et qu’une flamme brûlante incite à chanter, dans une sobriété et une discrétion inévitables pour mettre en valeur les éclats rythmiques et distorsions qui l’accompagnent. Puis, sans crier gare, la valse de « Drift In The Night » nous emporte dans des vents alizés, où orgues et batterie se consolent, se parlent, se complètent. « your flesh in my heart / and we’re alive » : c’est bien la chair qui se voit imprégnée de la présence de l’aimé, du tendre, de la poésie des mots et des sons. Plus loin, la mélancolie fiévreuse de « Do You Realize » vibre, tourment physique et sensoriel de la perte de conscience, de la maladie sentimentale qui nous ronge dans la dispute et l’incompréhension. Colère et affirmation. Pardon et doute, avant l’éblouissement final : l’onirisme progressif de l’étiré et passionnant « Winter Hours », conte nocturne sage et enfantin que le chant, sans effet et en pleine lumière, rend exaltant et immersif en diable, prémisses d’une extase harmonique maniant à la perfection la violence des six cordes et percussions et l’humanité de pistes plus en retrait, mais amenant à l’ensemble une vision immortelle d’un style qui n’appartient qu’aux Dijonnais.

Une sublime collection de songes éveillés et miraculeux, faisant prendre conscience à l’auditeur qu’il faut impérativement avoir un propos pour insuffler tant de volonté et d’envie à un projet certes jeune, mais au potentiel exemplaire et fascinant. Une belle leçon de rock dans tous ses états ; les meilleurs, bien entendu.

crédit : Lucas Mailhol (logo : Kevin Berny)

« Morning Drops EP » de Morning Drops est disponible depuis le 11 novembre 2017.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.