[LP] Heilung – LIFA

Quand la performance live se transforme en cérémonie chamanique, symbolique de temps reculés mais n’ayant jamais été aussi passionnants et rassurants ; Heilung signe bien plus qu’une simple captation de concert. Un moment unique, entre transcendance et désincarnation.

crédit : Kees Stravers

Sur le papier, le projet fait peur : encore un groupe s’inspirant de la culture viking et d’influences celtiques, utilisant des traductions runiques ou des textes originaux afin de créer un univers à part et bien particulier. On pense immédiatement à toutes ces entités revendiquant un patrimoine qu’ils ne comprennent pas la majorité du temps, mais qui est supposé les démarquer du tout-venant, notamment dans le monde merveilleux du metal. Pourtant, chez les Danois de Heilung (terme signifiant « guérison », en allemand ; on comprendra très rapidement pourquoi…), rien de tout ça : ni guitares saturées, ni basses profondes et blasts percutants. Non, ici, tout se fait avec respect et imprégnation. Témoignage d’un show unique et fascinant dans le cadre du festival hollandais Castlefest, « LIFA » est une passionnante épopée dans les rituels anciens d’aînés trop souvent malmenés. Une déferlante mystique et puissante dont on ressort totalement sonné, mais en se sentant enfin fidèle à soi-même, après ces nombreuses et claniques invocations.

Reprenant une importante partie de son excellent album « Ofnir » sorti en 2015, Heilung entame sa danse en ouvrant sur un « Opening Ceremony » dans lequel la communion de tous les musiciens est bénie et en parfaite osmose. Puis, tout change et se mue en une chorégraphie mélodique et vocale – entre cris animaux et rauques, monologues et timbres clairs – s’insinuant dans nos esprits, comme pour en deviner les tourments et les exorciser. « In Maidjan » impose une pulsation cardiaque et mentale qui ne quittera jamais les feux brûlants et éblouissants autour desquels on se surprend à se mouvoir, en transe et sans pouvoir contrôler le moindre de ses mouvements. Tout, chez Heilung, est affaire de progression, lente mais précise (la moitié des titres dépasse largement les dix minutes), comme lors de la transition de la première piste avec le collectif et dévastateur « Alfhadirhaiti », chant de guerre qui ferait fuir même la plus fière des armées et dont l’énergie retentira à nouveau sur l’inoubliable et affirmé « Hakkerskaldyr ». Au milieu de cette effervescence magique et intrigante, Maria Franz s’impose comme le spectre d’une vie enfin unique et sensée, grâce notamment à la beauté fulgurante de sa voix sur « Krigsgaldr » et au cœur du magnifique « Othan », inédit jusqu’ici et introduisant, pour Heilung, de nouveaux territoires qui n’appartiennent qu’à lui, avant d’achever le set sur un second titre encore inconnu, « Hamrer Hippyer », où le chant masculin fantomatique achève une fois pour toutes de nous désincarner.

Jamais une performance publique n’aura été aussi dense et majestueuse, tout en nous invitant à nous délecter et pénétrer de tout notre être dans un spectacle inédit. Du jamais vu que l’on vous invite à découvrir en intégralité sur Youtube afin de comprendre, grâce aux vêtements, maquillages et mise en scène, ce que représente véritablement Heilung dans le paysage musical actuel : un exemple culturel et harmonique à la profondeur inégalée et à l’extase tribale et intérieure parfaitement communicative.

« LIFA » de Heilung est disponible depuis le 1er novembre 2017.


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Raphaël Duprez

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