[EP] Saâne – Plume

Une montée en puissance folk d’une beauté à couper le souffle, quelque part entre l’apaisement d’une brume enveloppant nos corps et le chant angélique de créatures séduisantes et aimantes. Saâne signe un premier EP remarquable en tous points et délicieusement enivrant.

crédit : Isabelle Beaussant de Pas

Elles sont deux. Deux sœurs qui, d’après leur biographie, écrivent et chantent ensemble depuis maintenant quinze ans. Il aura fallu le temps de la certitude et de la maturité, celles que l’on ressent au plus profond de soi, pour qu’elles se décident à donner vie à leurs compositions : deux années de travail intensif et la naissance d’un premier EP, « Plume », annonciateur d’une seconde offrande prévue dans le sillage de son prédécesseur. Et, à l’écoute de ces cinq comptines à la fois humaines et rêveuses, l’auditeur sait immédiatement que quelque chose se passe ; une étrangeté confortable, un charme malicieux et mélancolique qui étreint et captive, sans crier gare mais avec une sagesse et une humilité rares. Une légèreté travaillée à l’extrême, dont la splendeur intime n’a pas fini de nous séduire.

Ce qui frappe, au premier abord, c’est ce son de guitare cristallin mêlé à deux timbres vaporeux et magiques ; dès « Fantasy », le charme agit, inexorable et profond, dans une succession douce et mesurée d’accords et de mélodies prenantes et lumineuses. Mais, sous cette apparente simplicité, se dissimule une irrésistible envie d’expérimenter, de dépasser le cadre du format guitare-voix. De ce fait, l’opus cache de nombreux secrets qui amplifient son originalité de la plus unique des manières, à l’image de la sensibilité tragique de « It’s Okay », où un piano et une nappe de clavier discrets mais d’une importance cruciale s’enroulent autour des deux jeunes femmes, avant que « Plume » ne fasse de la langue française le terrain de jeu adéquat d’un rythme de bossa nova destiné à retentir dans les enceintes de nos radios, bruit blanc imprévu et ravissant. L’agitation gagne alors « Working », lorsque une batterie sobre et légère s’empare des chœurs et des six cordes pour mieux les mettre en valeur et les diriger vers des cieux à la fois gris et paisibles, notamment dans d’ultimes secondes à rebours, parfaites et envoûtantes. De ces tourments dramatiques et phosphorescents, « Whim » se mue en conclusion limpide et liquide, pluie fine et caressante qui apaise nos maux et nos douleurs de l’esprit. Un songwriting grisant, bien que, avec humilité, Saâne jure du contraire sur « Plume », intelligente réflexion sur le processus d’écriture.

« Plume » est, sans aucun doute, l’un des plus beaux disques de ces derniers mois. Une œuvre aussi simple que puissante et ciselée, dont les myriades de visions enchanteresses et rassurantes nous invitent à la méditation et à la contemplation d’un monde beaucoup moins rebutant qu’il n’y paraît. Entre innocence et vérité, Saâne a réussi le difficile pari de faire vivre l’espoir en nous, tant ces cinq poèmes harmoniques résonnent et perpétuent, à chaque écoute, une motivation nouvelle, un désir de pureté et de sagesse. Inoubliable.

« Plume » de Saâne est disponible depuis le 23 novembre 2017.


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Raphaël Duprez

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