[Live] Aldous Harding au Point Ephémère

Sur son nouvel album, « Party », sorti au printemps, Aldous Harding a réussi à faire un équilibre assez unique entre un folk grave et épuré par moments, mais que ses voix multiples peuvent également rendre excentrique et singulier à d’autres, témoignant d’un univers bien plus complexe que ce qu’on pense voir en surface. Tel un symbole, le titre « Horizon » a précédé la sortie du disque pour mieux en dévoiler les contours fascinants et magnétiques, autant au travers de la performance vocale de la chanteuse que de son clip étrange. Également secoués par la prestation de la Néo-Zélandaise sur la radio américaine KEXP, nous nous sommes donc rendus sans hésiter au Point Ephémère afin de voir jusqu’où elle pourrait nous emmener avec ses chansons d’amour pour le moins mélancoliques, pour ne pas dire ténébreuses.

crédit : Cédric Oberlin

Le show démarre sur « Swell Does The Skull » en guise d’ouverture en douceur puisque interprété par la Néo-Zélandaise assise sur une chaise, dans un noir quasi complet. Dans un silence de cathédrale, elle prend son temps pour se lancer, presque par timidité. Quelques notes de piano viennent s’ajouter sur « I’m So Sorry » peu après, grâce à un musicien qui prend place à son tour, alors qu’une faible lumière rouge maintient la scène dans un semblant d’obscurité. Une introduction aussi froide que bouleversante donc, avant qu’Aldous Harding entre en fait dans le vif du sujet avec « Elation », qui voit enfin se mettre en marche les premiers spots lumineux. Elle transforme ainsi la prestation en performance plus théâtrale, portée notamment par sa voix mutante qui passe de paroles presque susurrées à une forme de lyrisme brisé et ultra expressif. Comme si elle se livrait totalement avec ses tripes, elle nous fait désormais face sous la lumière au moment de dessiner sur son visage des multiples mimiques qui perturberaient même les habitués de la « bass face » d’une Este Haim.

« Je suis un peu timide ce soir », nous prévient-elle comme si elle avait l’intention de se replonger dans le noir immédiatement passé ce morceau. Mais, dans un premier temps, le concert fait un nouveau bon en intensité quand la jeune artiste se lève sur le sublime et minimaliste single « Blend », après avoir confié sa guitare à son acolyte pour s’emparer du micro des deux mains. Mais, tout de suite après, elle retourne à la position assise avec son instrument sur « Imagining My Men », morceau introductif de son nouveau disque et où elle paraît plus distante et se repose uniquement sur sa voix. Elle passe de cette façon, successivement, de l’ombre à la lumière dans les différentes phases du set, alternant entre l’émotion brute et une forme plus théâtrale pour la transmettre. Ainsi, « Living The Classics » est interprété sobrement en format ballade solitaire à la guitare dans une salle enveloppée dans une quasi-obscurité.

Puis, Aldous mute à nouveau pour « Weight Of The Planets », parce que, selon elle : « C’est mon meilleur morceau et je ne suis pas timide quand je le joue ». Elle abandonne donc encore son instrument et, soudainement bien plus habitée, se dresse pour mieux affronter son public du regard, mais aussi par ses expressions et ses gestes dans un vrai moment fort et, à juste titre, annoncé. Elle décide de poursuivre sur sa lancée quand elle enchaîne sur le déroutant « What If Birds Aren’t Singing They’re Screaming » qui redouble sa voix d’émotions et d’intensité glaçante, avant de revenir paisiblement se rasseoir pour l’intimiste « World Is Looking ». Au moment de se séparer, « Horizon » n’a toujours pas résonné dans la salle à guichets fermés du Quai de Valmy, provoquant un rappel soutenu des Parisiens. La Néo-Zélandaise revient alors pour s’exécuter, cette fois-ci dans un piano-voix magnétique. La performance, brillante de bout en bout, n’en a pas moins été schizophrène, à l’image d’une artiste bouleversante qui se prétend enfermée dans timidité le temps d’un morceau, avant de se livrer totalement sur celui d’après. Sincérité et sensibilité se voient ainsi complétées d’une forme d’instabilité qui justifie en tous points la fascination suscitée par Aldous Harding.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens