Extrait de l’album éponyme sorti le 6 octobre dernier, « Paprika » de No metal in this battle s’amuse à mélanger les atmosphères, tant musicales que visuelles, afin de créer un spectacle inédit et radicalement immersif. Sept minutes fascinantes, précises et soignées, qui nous entraînent dans des contrées cinématographiques où l’on se sent revivre, pleinement, sereinement, puis de la plus troublante des manières.
Autant vous prévenir tout de suite : « Paprika » n’est pas une vidéo ordinaire. Non, on parlera ici d’œuvre cinématographique à part entière, scénarisée autour de la composition du quatuor luxembourgeois No metal in this battle et mise en images avec un soin presque maniaque par les génies de Skill Lab. Introduit comme un film, générique à l’appui, le tout porté par des accords langoureux mais déjà entraînants, la pellicule suit les préparatifs d’une femme dans un décor où l’ancien et le moderne se côtoient sans jamais s’écraser l’un l’autre ; comme cette machine à écrire d’un autre temps, mais qui semble avoir été posée à cet endroit précis pour nous aider à comprendre qu’une histoire est en train de se jouer sous nos yeux, un fantasme littéraire devenu réalité – et dont la présence s’avèrera cruciale. Et ce n’est qu’un début…
L’ambiance qui se dégage du mélange son – cadrages rappelle celle de films noirs, créature de rêve venimeuse en tête (admirable Sophie Mousel, totalement dans son rôle). Disséminant les indices et les imbrications temporelles avec patience et concision, Gwen François distille une atmosphère entre tension sensuelle et crime, suspense et charme. Les apparences, d’abord passionnelles et charnelles, se révèlent rapidement trompeuses lorsque la veuve noire passe à l’acte, au rythme tempétueux des mesures harmoniques du groupe ; accélération du mouvement et des battements cardiaques, montage découpé et dynamique, tout est mis en place pour faire basculer le mystère dans la vengeance et le meurtre, puis l’enquête (menée avec autant de sérieux que de distance émotionnelle par l’impeccable Gabriel Boisante) sur une disparition soudaine de la meurtrière, mais que l’on sait programmée. Car, quoi qu’on en dise, la femme aura toujours une longueur d’avance sur l’homme ; preuve en est faite ici, et d’une admirable manière, dans un jeu du chat et de la souris à la conclusion glaçante. On n’ose imaginer les heures entières de travail que « Paprika » a dû prendre ; mais le résultat dépasse ses ambitions, et transforme un exercice de style en œuvre d’art intemporelle et addictive. Exemplaire.
