[LP] Trailer Trash Tracys – Althaea

Surprenant et totalement inattendu, le nouvel album de Trailer Trash Tracys s’écarte délibérément de ses productions précédentes, favorisant une approche artistique ethnique et inspirée offrant une liberté totale d’interprétation à ses membres, soucieux de réinventer la pop en la faisant briller de mille danses. Osé, mais terriblement audacieux et passionnant.

Les souvenirs que l’on garde des Londoniens de Trailer Trash Tracys sont assez clairsemés : un premier album, « Ester », merveille de shoegaze sorti de nulle pas et largement sous-estimé. Puis, une série de concerts, dont un passage à Paris, certainement trop rapide et précipitée car ne laissant pas au projet le temps nécessaire pour parfaire sa prestation et son interprétation. Ainsi, on a eu peur que le Phoenix ne renaisse pas de ses cendres, et pourtant… Quelques années sur les routes avec les plus grands noms, beaucoup d’introspection et un virage émotionnel à 180 degrés pour enfanter « Althaea », ode aux humeurs ensoleillées puis brumeuses de paysages sonores mouvants, parfois rassurants mais toujours mystérieux. On oublie les influences originelles, et l’on se concentre sur des rythmes plus chaloupées, des mélodies frôlant les continents en conservant leur essence et leur présence acoustiques, et le numérique apportera l’humanité nécessaire à ces ballades délicieuses et sensuelles. Un risque, certes, mais pour un résultat fascinant et sublime.

Ce qui frappe au premier abord, c’est la place prépondérante de la voix de Susanne Aztoria, ayant délaissé les échos encombrants qui la mettaient en retrait – bien que cela soit justifié, au vu du genre exploré à cette époque – sur « Ester ». Ici, elle vit, vibre, invoque, parle, murmure puis s’élance dans des extases subjuguantes (« Casadora », « Siebenkäs »). Aidée en cela par les compositions parfaites et souvent surprenantes de Jimmy Lee, elle danse, évolue, crée des univers virtuels pourtant palpables et rassurants (le pénétrant « Eden Machine », entre soul et synthétique) et s’offre même une quête hallucinogène à couper le souffle (formidable et profond « Singdrome »). En un peu plus de quarante minutes, Trailer Trash Tracys réécrit sa propre histoire, ouvre un nouveau chapitre certes sans brûler ses pages précédentes, mais en les enluminant, dessinant des arabesques et décors attirants et brillants (la danse tribale de « Kaleesa » et la mélancolie chargée d’espoir de « 100 Aspects of the Moon »). Immanquable et inattendu, « Althaea » pourrait être à la musique ce que Tim Burton est à la rêverie cinématographique : un concentré d’idées imprévisibles et splendides, qui restent longtemps imprégnées en nous-mêmes.

Chapeau bas ; et bien bas, même. Car, en ayant insufflé la vie à « Althaea », Trailer Trash Tracys a prouvé ses remarquables pertinence et dépendance à la nouveauté, à l’interrogation, à l’expérimentation ; tout en rendant ces dernières abordables et vitales. Un disque aussi séducteur que dense, et beaucoup moins simple qu’il n’y paraît. On imagine les années de travail qui ont été utiles pour aboutir à un tel résultat ; et l’on est prêt à accorder encore cinq ou six ans aux compositeurs pour nous surprendre, à nouveau, d’une aussi belle manière.

crédit : Amanda Fordyce

« Althaea » de Trailer Trash Tracys est disponible depuis le 11 août 2017 chez Domino Records.


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Raphaël Duprez

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