[Focus] Anne Darban, Chicano Batman, Tallisker et The Portalis

Il arrive, parfois, que l’on se sente dépassé par tous les actes visuels et musicaux auxquels on est confronté au fur et à mesure des avancées artistiques et techniques. Révélatrices de ces performances alliant modernisme, passion et dévotion, ces pépites musicales vont très certainement vous conquérir – du moins, on l’espère – en vous présentant les moments forts de l’actualité créatrice de ces derniers jours. Entre onirisme, cruauté et errances spatiales, visite guidée de mondes parallèles qui ne vous laisseront pas indifférents !

Anne Darban

« Montgolfière » nous avait énormément émus, et c’est toujours un véritable plaisir de retrouver Anne Darban, artiste française dont les mots, la voix et les harmonies se fondent littéralement en une seule et même créature. Vivant son art au jour le jour comme si celui-ci était le dernier, elle ose, dérive, cherche et se dévoile sans jamais, un seul instant, s’interroger sur le bien-fondé de ses actes et choix. Ce qui fait sa force, et ce que l’on ressent en découvrant cette session acoustique de « Loin » : avec une proximité cinématographique nous permettant d’admirer la performance habitée et sobre de la musicienne, ce moment calme et prenant se révèle beaucoup plus immersif qu’il n’y paraît, établissant un dialogue entre le spectateur et Anne, sans fard ni a priori. Une confession intime dans le sens le plus noble du terme, où piano et voix élèvent la compositrice au rang de muse ; l’attente de l’être aimé, l’impatience mêlée de crainte, s’adressent à nos peurs solitaires les plus intimes, troublant la quiétude introductive lorsque la chanteuse prononce la phrase lourde de sens « Tu me perdais dans le naufrage ». Désillusion, amertume et inquiétude s’entrelacent mais, au final, laissent entrevoir une lumière salvatrice qui, dans les yeux et le timbre d’Anne Darban, nous consolent de la plus belle des manières. Divin.


Chicano Batman

Leur album « Freedom Is Free » nous avait passablement remués il y a quelques mois, et c’est avec joie que l’on retrouve nos doux dingues de Chicano Batman pour leur nouvelle fantasmagorie, accordée cette fois-ci au titre éponyme dudit disque. Un conseil : retenez votre souffle, il risque d’être coupé, dans tous les sens du terme ! Malmenés, la tête enfoncée dans une cuve d’eau pour leur faire avouer on ne sait quel secret (celui de leur musique, par exemple ?), les membres du groupe profitent de l’immersion et chantent comme si de rien n’était, fiers dans leurs costumes et chaussures cirées. Remuant et totalement déconnecté de la réalité, « Freedom Is Free » ferait pâlir les plus cruels des mafieux, pour lesquels la torture devient ici un sommet d’amusement et, pourquoi pas, de libération. Prêt à en découdre malgré les blessures, Chicano Batman finit par reprendre le dessus, soufflant un grand vent de liberté bien mérité et accompli à force de volonté et d’ambition. Une manière franche et directe d’illustrer ce que la genèse de leur opus a représenté ? On serait tenté de le penser, mais se plonger – littéralement – de cette façon dans le processus éprouvant de la vie d’artiste, autant avouer que ça force le respect !


Tallisker

Parmi les projets les plus mystérieux et excitants qu’il nous ait été donné de découvrir ces derniers temps, Tallisker fait figure de reine sur le trône tant convoité de la surprise, puis de la passion. En effet, en quelques titres tous plus éthérés les uns que les autres, mêlant un univers visuel soigné et obsédant à des mélodies venus d’ailleurs, l’artiste française a pris le temps d’installer ses fantasmes dans la durée, et de fort belle manière, notamment grâce au formidable et hanté « Heliotrop », merveille d’idées multiples et inédites qui nous avait transportés dans un univers surnaturel et féerique. Dernier petit chef-d’œuvre en date, « Cirrus » fait de la séduction et de l’acte charnel le point de départ d’une solitude sans doute cherchée et désirée, mais surtout salvatrice. Les souvenirs, les objets se lient aux ébats, personnifiant l’individu que l’on se voulait être et celui que l’on est devenu. Chaque plan, chaque éclairage mis en scène par Kevin German est calculé et pensé au millimètre près, sans jamais verser dans l’exhibition de talents et prouesses visuelles inutiles. Avec un tel écrin visuel, Eléonore Melisande trouve le contexte parfait pour engendrer ses pulsions et songes éveillés, troublant les époques et réminiscences dans un final aussi cruel que révélateur de la motivation de l’héroïne. Une incomparable révélation, destinée à devenir immortelle.


The Portalis

On aime The Portalis, c’est un fait indéniable. Aussi, lorsque les premières images de leur nouveau clip ont commencé à faire le tour du Web, on ne pouvait cacher notre impatience, tant celles-ci paraissaient irréelles, fantastiques et enivrantes. Aujourd’hui, « Miracle Sun » est enfin à portée de main, et le résultat dépasse toutes les espérances : l’énergie du titre original, de même que la danse dans laquelle il nous immerge sans prévenir, se voient magnifiées par une mise en scène alliant science-fiction et interprétation énergique et mouvementée, dans des couleurs sombres auxquelles les figures pixellisées apportent une luminosité éclatante et bienvenue. Allant de surprise en découverte, le spectateur se laisse immédiatement séduire par l’immensité solitaire d’un cosmos – remarquablement mis en images par Vigilant Prod – dans lequel résonne cet hymne à la libération et à l’extase pure. Percutant les éléments, lumières noires et météorites pour ne faire plus qu’un avec l’immensité nocturne, The Portalis devient maître des astres, des planètes et des galaxies, sans mégalomanie mais avec un besoin urgent de franchir les frontières de la création. Rien ne pourra les arrêter, c’est une certitude ; et, franchement, qui va s’en plaindre ? Miraculeux, chaleureux et solaire.

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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.