Nul n’est besoin de présenter Ariel Pink à l’heure actuelle. Grâce à son dernier et excellent album rose bonbon nommé « Pom Pom » et paru en 2014, le blondinet foufou de la scène pop psychédélique a prouvé qu’il reste le roi dans ce courant, n’en déplaise à ses détracteurs et autres concurrents. Donc, forcément, un nouvel album du Californien est toujours un événement et, en ce mois de septembre, on est drôlement gâté avec son onzième opus, « Dedicated To Bobby Jameson ».
Pour commencer, mieux vaut situer le contexte. Qui est donc ce Bobby Jameson auquel il rend hommage ? Il s’agit tout simplement d’un musicien californien, proche de Frank Zappa et des Stones, et qui avait publié une poignée de disques à la fin des années 1960 avant de disparaître de la circulation. Tandis qu’il fut présumé mort, voilà que l’on apprend le contraire via son blog, qu’il a maintenu en vie de 2007 jusqu’en 2015, année de son décès officiel. Bien avant cela, il avait été aux abonnés absents en raison de ses graves problèmes psychologiques et financiers l’ayant plongé dans l’alcool, une addiction qu’il arrivait à surmonter au mieux en vivant chez sa mère jusqu’à sa mort en 2015.
Pourtant, à l’écoute de ce onzième opus, on ne trouve aucune réelle référence à la vie mystérieuse mais tragique de Bobby Jameson, même si cette œuvre a tout l’air d’un testament qui commence avec un « Time To Meet Your God » aux allures de générique de série télé des années 1980 plutôt ringard, mais totalement à l’image du personnage. En réalité, Ariel Pink établit un parallèle entre lui et le regretté artiste en nous dévoilant sa facette la plus sombre et la plus sérieuse. Il en résulte des morceaux plus oniriques à l’atmosphère un peu gothique comme « Feels Like Heaven », « Kitchen Witch » résolument 80’s et « Another Weekend » – ou l’art de concilier humour et mélancolie -, sans oublier « I Wanna Be Young », qui apparaissait sur l’album « Scared Famous/FF » paru sous double cassette en 2002.
Même sans ses Haunted Graffiti, Ariel Pink n’oublie jamais les expérimentations fantaisistes qui ont longtemps fait sa réputation. Moins rose bonbon qu’auparavant, nous voilà complètement chamboulés à l’écoute des sonorités déglinguées de « Death Patrol », presque discoïde, l’hymne glam de l’inquiétant « Time To Live » où l’on se surprend à chanter à tout bout de champ des « Time to live, time to die » comme un cri de guerre, mais également l’espèce de G-Funk spatiale sur la conclusion bizarroïde nommée « Acting », en compagnie du nouveau prince du boogie/funktronica Dam-Funk en personne. Côté inventivité, le Californien est irréprochable. À côté de ces moments bien excentriques résident tout de même d’autres trouvailles plus ordinaires mais bien agréables, comme l’hommage caché aux Doors sur le morceau éponyme, sans oublier le garage rock lo-fi de « Bubblegum Dreams », qui contraste avec la pop psychédélique bien californienne de « Dreamdate Narcissist » et la trêve acoustique planante de « Do Yourself A Favor ».
Avec son choix judicieux de privilégier les enregistrements sur bande magnétique pour donner un aspect lo-fi irréprochable, nul doute qu’Ariel Pink a franchi un palier supplémentaire avec « Dedicated To Bobby Jameson ». Même si les références au mystérieux artiste décédé sont plutôt rares, mieux vaut plutôt le considérer comme une autobiographie du Californien où il se met à nu devant cette tonne de filtres sonores. Ceux qui ont longtemps préféré l’aspect farfelu et dérangé du personnage seront surpris de découvrir son visage sérieux et désorienté, comme l’a été le regretté Bobby Jameson. Une belle occasion de se livrer pleinement comme on n’en fait plus.
« Dedicated To Bobby Jameson » d’Ariel Pink est disponible depuis le 15 septembre chez Mexican Summer.
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