[LP] Trevor Sensor – Andy Warhol’s Dream

À seulement 23 ans, l’inépuisable auteur/compositeur Trevor Sensor nous offre « Andy Warhol’s Dream », chronique de la haine ordinaire et de la souffrance d’un songwriter attiré par le vide et ce qui se cache dans la brume, tout en bas. Ces âmes maudites que sa musique éveille et auxquelles elle donne un langage parfait et profond. Des morceaux de vie qui sont autant de tranches de chair, à vif et sur le fil, dans un écrin rock d’une exigeante beauté.

Depuis son Illinois natal, Trevor Sensor observe, décrypte et analyse les comportements humains en se mettant ensuite, grâce à ses chansons, en scène pour mieux s’approprier les caractères qu’il croque dans des pistes beaucoup moins innocentes qu’au premier abord. En effet, « Andy Warhol’s Dream », manière de dépasser les délires visuels de sa source d’inspiration principale en y incluant l’aspect onirique qui lui manquait, aurait tout de la satire sociale américaine et de la solitude du musicien errant dans le fourmillement de régions tantôt encombrées, tantôt laissées à l’abandon. Réveillant les fantômes d’une americana brute et tranchante, notre homme contemple et respire aussi bien l’air pur que celui, plus chargé, de la déception et de la remise en question. Le résultat est d’une beauté froide et pénétrante, entre espoir et amertume.

On sent alors, dans nos poumons, de molécules aussi poussiéreuses que denses, amalgame de souffrance et de réconciliation. « High Beam » et « The Reaper Man », légendes obscures autant que désir de rédemption, nous font rencontrer les esprits frappeurs qui viendront nous hanter tout au long de l’opus, tandis que « On Your Side  » et « It Wasn’t Good Enough » apaisent la schizophrénie, le dédoublement de personnalité d’un être accaparé par ses personnages, notant ses impressions et idées sur un carnet rongé par la temps. Ainsi, un sentiment d’éveil naît progressivement en nous, un regard neuf sur les individus que nous fréquentons ou, subrepticement, croisons, devenant ainsi les héros de fantasmes citadins et ruraux complexes et précis, en plus de nous donner de nombreux éléments de réponse avec lesquels nous ne nous étions pas encore familiarisés (l’électrique « Sedgwick » ou le réaliste « In Hollywood, Everyone Is Plastic »). Trevor Sensor déploie ses ailes protectrices et abîmées au-dessus d’une terre viciée, répandant autant de pureté que d’acides purificateurs, quitte à en laisser plus d’un sur le carreau ; un Jugement Dernier en douceur, magnificence et crudité (« Starborne Eyes »).

Visage d’ange à la voix éraillée, signes d’une dévotion totale à ses paroles et impressions, l’homme se fait historien de la dépression et de l’angoisse du lendemain, mais ne laisse pas la négativité surprendre ses élans thérapeutiques. Bienfaiteur et religieux, car propice au respect, à la dévotion et à l’identification, « Andy Warhol’s Dream » est une merveille de rock traditionnel que l’on aurait plongé dans une substance corrosive pour révéler ses aspérités naturelles et ses inavouables blessures. Être dans le vrai, quitte à se consumer ; un pari risqué, mais gagnant sur toute la ligne !

« Andy Warhol’s Dream » de Trevor Sensor est disponible depuis le 16 juin 2017 chez Jagjaguwar.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.