[LP] Akira Kosemura – In The Dark Woods

Nous en connaissons. Nous en avons déjà entendu. Les projets de « modern classical » déferlent et se ressemblent, dignes conquérants sur les terres de la contemplation, ou même parfois de la désolation quand le tout est forcé et jeté dans une bile aussi noire que le néant lui-même. Mais quelques fois, clavier et sonorités extraterrestres à l’appui, des projets sortent du lot visqueux et belliqueux du pathos en s’extrayant, purs et tranquilles, finalement agréables, et même plus, coulant divinement dans nos esgourdes les plus exigeantes. Telle la forêt endormie que dépeint la pochette de « In The Dark Woods », le dernier album du Japonais Akira Kosemura se fraie un chemin dans la brume et la nuit. Nous pensons alors à la musique du maître du genre, l’immense Ryuichi Sakamato, qui reflète comme cet album la quiétude de son pays quand le soleil ne s’y est pas encore levé.

« Chérir un sentiment serein et une conversation intime avec soi-même » est un concept principal de cet ouvrage, restant la ligne directrice de bon nombre de travaux utilisant les sons comme thérapie personnelle. Bien qu’elle soit perçue comme auto-satisfaisante, cette mécanique de la catharsis est un double miroir, pour l’artiste lui-même et pour ceux qui se la procurent. Le résultat de ce travail ne peut qu’incontestablement rappeler les émotions vives du commun des mortels, qui se mêlent autant dans l’organique que dans le psychique. Ce va-et-vient permet ici la mélancolie, ou plus justement la sérénité qu’installe Akira Kosemura.

Sous l’attrait d’une récurrence thématique reprise par les sublimes « Between The Trees », « Kaleidoscope Of Hapiness », « Shadow » et « Moving », nous sentons cette musique in utero grandir et se diriger plus largement vers l’autre ascendance de l’album : la nature. Kosemura parsème l’album de sonorités analogiques (« Sphere », « Dedicated To Laura Palmer ») pour jouer sur l’atmosphère de l’ensemble, une atmosphère végétale, qui tend à définir le cycle naturel des choses. Aussi, les références se font vite sentir. Max Richter n’est jamais très loin – pour ce qui est des carcans artificiels et non instrumentaux de l’album, mais surtout pour la stridence à cordes tout en crescendo du frugal et magnifique titre éponyme « In The Dark Woods », qui s’oppose au final à « Letter From A Distance », où le piano s’égoutte sur des notes discrètes et brièvement magiques.

Même si la tendance est légèrement au déjà-entendu et à l’ultra-référencé, nous ne pourrons pas enlever à Akira Kosemura la délicatesse de ses sons, de l’ensemble qui virevolte, des morceaux qui s’accordent sur son yo-yo émotionnel tendre et généreux. Le Japonais déroule, avec « In The Dark Woods », le cycle de son intimité, mais aussi et probablement de l’intimité de celui que son art percutera de plein fouet. Tendrement et discrètement, la rencontre ne pourra se vivre que de l’intérieur.

« In The Dark Woods » de Akira Kosemura, sortie le 15 septembre 2017 chez Schole Records.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante