[Interview] Ruby Cube

Avant la sortie de son premier album « FLESH » fin septembre, il nous tardait d’échanger avec le quintet toulousain Ruby Cube. Depuis un an, ses premiers clips à l’esthétique sci-fi soignée et mémorable, couplés à des singles ambitieux et entraînants nous ont proprement captivés. Les cinq musiciens partagent avec nous leur amour commun du cinéma et leur volonté de défendre avec force et émotion leur création sur scène, sans oublier de nous révéler les secrets de tournage de leurs clips. Entretien avec l’un des plus grands espoirs de l’indie pop en France et sur qui il faudra plus que jamais compter en 2017.

crédit : Louis Derigon
  • Bonjour Samson, Arthur, Joseph, Eliott et Christophe. Vous formez le projet indie pop Ruby Cube. De sa création à aujourd’hui, pouvez-vous revenir sur le chemin parcouru ? Et à quand remonte votre rencontre ?

Samson : On s’est rencontré au collège, quand on avait 14 ans. À l’époque, on se passionnait pour le rock britannique, et ça nous a donné envie d’en faire tous les cinq. Arthur et Eliott sont frères, et Joseph et moi (Samson) nous connaissions depuis tous petits. Et Christophe a fait le lien entre tout le monde, en devenant assez logiquement le bassiste du groupe. On s’est assez vite mis à composer, et à essayer de trouver des concerts dans des bars et caves toulousaines. Et on a découvert un plaisir nouveau à jouer nos morceaux devant des gens. Ensuite les choses se sont enchaînées assez vite (en tout cas c’est l’impression que j’en garde). On a gagné quelques tremplins, dont les inRocks Lab, sorti des maquettes, et le label Choke Industry nous a contactés. À partir de là, on a commencé à enregistrer des morceaux avec Pierre Guimard (notre producteur). Après un premier EP « Utopia », et de belles dates, on a décidé de mettre la musique en pause pour finir nos études. Un an plus tard, on s’est tous retrouvé, et on a pris la décision de se consacrer totalement à Ruby Cube. C’était en septembre 2015. Depuis, on a sorti trois singles et fini d’enregistrer notre premier album.

  • Votre premier EP, « Utopia », est sorti il y a près de trois ans. Si vous aviez à l’époque une identité sonore déjà bien affirmée, c’est votre single « Lobsters & Cherries » qui vous a vraiment révélé auprès d’un plus large public. Pouvez-vous raconter l’histoire de ce morceau et l’impact qu’il a eu sur vos créations futures ?

Samson : C’était en 2014, on passait une bonne partie de l’été à composer. Un matin au petit déjeuner, Eliott faisait tourner une mélodie à la voix en la doublant à la guitare, comme il le fait souvent. On l’a trouvée cool et on s’est dit qu’on allait essayer de bosser dessus. On l’a donc fait tourner en boucle pendant des heures en improvisant par-dessus… Et c’est comme ça que le morceau est né.

Ce qui était nouveau lorsqu’on a composé « Lobsters », c’est qu’il s’est très vite imposé à nous comme un morceau pop. Sûrement notre premier morceau vraiment pop. Et au lieu de lutter contre ça, on a foncé. On a tout de suite senti qu’il avait quelque chose de fort, d’évident, et pourtant d’assez simple.  On était très excité de l’enregistrer, et en studio il a pris une dimension nouvelle. On a passé des heures à travailler les sons et à composer toute l’outro du morceau en jouant avec des boîtes à rythmes, des claviers… C’était un de nos meilleurs moments en studio. À partir de ce morceau, on a pris de plus en plus de plaisir à composer des parties plus épurées et à laisser de la place pour le chant. Ça a clairement été un tournant pour nous, même avant sa sortie.

  • Il est presque impossible de ne pas lier depuis près d’un an votre musique à clips très créatifs et fabuleusement réalisés. Pouvez-vous me parler de ces collaborations ambitieuses menées de front avec Pierre Teulières et Milo Gony sur « Lobsters & Cherries » et « Blood in Love » et Marius Gonzalez sur le plus récent « Precious Stone » ?

Joseph : On aime beaucoup regarder des bons clips et on est très fiers des nôtres. La collaboration avec Pierre Teulières et Milo Gony était prédestinée puisque Milo est la sœur aînée de Joseph. Sam et moi avons grandi à côté de la passion de Milo et son ami Pierre pour le cinéma ; du coup, on avait déjà beaucoup de goûts en commun. C’était prévu depuis la formation du groupe que Milo nous fasse un clip dès qu’on en aurait l’occasion. On était très curieux de voir un tournage et on est un peu tombé amoureux de tout ce processus.

Sur le tournage « Lobsters & Cherries », il y avait 50 personnes. C’était super impressionnant et on était assez émus de voir tous ces gens se démener comme jamais pour faire la plus belle vidéo possible pendant trois jours.

Sur « Blood In Love », on a tourné pendant cinq jours, plus tranquillement, et moins nombreux. On tournait de nuit, entre 22h et 6h du matin : c’était particulier comme semaine, un peu en dehors du réel. On vivait sur une horloge à l’opposé du reste du monde, dans une maison de campagne avec des caméras et des projecteurs dans tous les sens.

Pour « Precious Stone », on a voulu s’essayer à un autre réal, pour sortir de notre zone de confort avec Milo et Pierre. Notre label nous a proposé Marius Gonzalez avec qui ils ont l’habitude de bosser pour le rappeur Josman. On a été beaucoup plus impliqués dans la préparation du clip et, au final, on a tourné avec une quinzaine de personnes. Ça s’est passé à Paris 11, notre quartier adoptif depuis janvier. C’était une arrivée un peu rocambolesque, mais on a rencontré tout plein de gens géniaux très vite. Marius est devenu un très bon pote à nous qu’on voit régulièrement. On a été présents sur nos trois derniers tournages et on adore ça. Au total, ça a mobilisé une petite centaine de personnes talentueuses qui ont travaillé d’arrache-pied, avec patience et passion. C’est eux qu’il faut féliciter !

  • On vous sent très influencé par la science-fiction et le cinéma fantastique. Comment connectez-vous ensemble ces univers visuels ultras travaillés et référencés à vos compositions ?

Samson et Joseph : Avant la science-fiction, c’est surtout l’idée qu’on peut faire à peu près tout ce qu’on veut en tournant un clip. C’est une vidéo courte, et surtout esthétique, donc on peut partir loin. Quand on a commencé à travailler avec Pierre et Milo, on est très vite allé vers l’univers de l’irréel et du rêve. C’est dur de savoir pourquoi exactement. Peut-être parce qu’il y avait un lien direct avec les paroles, ou simplement parce que c’était trop excitant de se dire « On va faire léviter des objets et traverser des vortex ».

  • D’ailleurs, quels films et quels projets vous ont particulièrement nourri et marqué ces dernières années ?

Samson : En cinéma… c’est dur comme question. Il y a « Ghost Dog » avec la BO de RZA. Les films de Wes Anderson sont aussi une grosse source d’inspiration notamment « The Darjeeling Limited », « La famille Tenenbaum » et « La vie aquatique ». D’ailleurs, on a vu Seu George en live récemment et on a pleuré. Il y a aussi « Twin Peaks » et « Atlanta » avec Childish Gambino. Récemment, on a kiffé la série « Stranger Things » : même si contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, on a tourné Blood in Love avant de l’avoir vue. On est aussi fan de Miyazaki depuis tout petit. En musique, c’est encore plus dur. Très récemment, on a écouté en boucle Soft Hair et LA Priest, Childish Gambino toujours, Kendrick Lamar, Glass Animals, Parcels, Frank Ocean, The xx, Anderson .Paak et Kaytranada.

Et si on devait prendre un film et un album sur une île déserte ça serait :

Joseph : « Le château dans le ciel » d’Hayao Miyazaki et « Wolf » de Tyler The Creator.

Samson : « Badlands » (La balade sauvage) de Terrence Malick et « The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars » de David Bowie.

Eliott : « Twin Peaks » de Mike Frost et David Lynch et « The Head on the Door » de The Cure.

Arthur : « The Shawshank Redemption » (Les Évadés) de Frank Darabont et « Awaken, My Love! » de Childish Gambino.

Christophe : « Fight Club » de David Fincher et « Fantasy Black Channel » de Late of the Pier.

crédit : Louis Derigon
  • Depuis le Printemps (de Bourges), vous avez entamé une tournée à travers la France. Pouvez-vous me donner trois bonnes raisons de venir vous découvrir sur scène ?

Samson : D’une, nos morceaux prennent vraiment vie sur scène. C’est en live qu’on les compose, avec comme objectif premier de les jouer devant du public. De les transmettre directement, sans interface.

Eliott : De deux, sur scène, on se fait plaisir et ça s’entend ! Rien de ce que l’on joue n’est programmé, toutes les notes sonnent car nos corps les provoquent indépendamment. C’est infiniment moins précis qu’une machine, mais tellement plus beau ! Cette imprécision, on l’assume et ça transmet un tas d’émotions.

Joseph : Dans certaines cultures étrangères, on considère que le musicien est un instrument, un outil au service de quelque chose de plus absolu et doté de son propre caractère. C’est quasi spirituel. J’aime bien cette idée. Avec Ruby Cube, on a envie de laisser de la place à quelque chose de similaire, une sorte de transe. Sur scène, c’est ce qu’on essaie de déclencher en espérant que le public puisse nous rejoindre dans cette communion.

  • Que pouvez-vous dévoiler de ce premier album à venir ? Avez-vous statué sur le nom du disque ainsi que sur une date de sortie ? Un clip est-il prévu pour accompagner cette sortie d’album ?

Samson : Comme nous venons de l’annoncer, l’album s’appelle « FLESH » (la chair) et va sortir le 29 septembre prochain. Pour le clip, c’est une surprise. « FLESH », parce que c’est notre ADN, c’est une partie de nous cinq, qui nous a appartenu pendant plusieurs années, et qu’on dévoile enfin. C’est un échantillon de nos personnalités, de nos vies. Mais la chair, c’est aussi notre rapport entre nous. On se connaît depuis toujours, et cet album matérialise notre fraternité.
C’est un album qui mélange des styles, des époques. Il a traversé notre adolescence, et il a grandi avec nous. Certains morceaux ont été composés il y a plusieurs années, mais c’était important pour nous qu’ils fassent partie du disque.

Il parle d’amour (du sentiment amoureux, des relations charnelles, du flirt et de l’amour fraternel) de la mort (de la disparition et du trépassement ; le passage de la vie à la mort) et des relations sociales (les rencontres et la vulnérabilité face au monde, aux gens). Cet album, c’est à la fois le début de quelque chose, un premier pas, et en même temps un aboutissement. C’est un sentiment assez particulier.

  • Vous le sortirez sur le label Choke Industry, qui a notamment signé Lilly Wood & The Prick et Burning Peacocks. Quel heureux hasard vous a fait croiser le chemin de Pierre Guimard et Matthieu Tessier, ses deux fondateurs ?

Samson : On venait de sortir notre première maquette, enregistrée à Toulouse, et Pierre Guimard nous a contactés. Il avait écouté (sur MySpace, oui, oui) et voulait nous rencontrer. C’était la première fois qu’on confrontait vraiment notre travail à l’avis d’un autre musicien, et ça a été très enrichissant. Chacune des sessions studio avec lui est un bon souvenir, il nous a appris plein de choses et a beaucoup apporté au projet. On l’aime beaucoup. Mathieu Tessier aussi, mais surtout parce qu’il est drôle.

  • Vous êtes basés à Toulouse. Avez-vous quelques groupes du coin à nous recommander vivement à l’instar de Kid Wise et de Yellow ?

Joseph : Certains ne sont plus basés à Toulouse aujourd’hui, mais on peut citer Las Aves, nos potes de La Recette, Ryder The Eagle et Norma ou encore le collectif PÉTROLE.


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques