[LP] Delphine Coutant – La nuit philharmonique

Pénétrer dans le nouvel album de Delphine Coutant, c’est abandonner la sagesse des mots et des sensations pour des instants de folie douce et de poésie surréaliste mais terriblement aguicheuse et intelligente. Mêlant la réflexion à la sensation, la musicienne crée des heures à l’orée du cours temporel quotidien, regardant nos vies et la sienne avec autant de mélancolie que de dérision.

Rien ne peut laisser présager du plaisir coupable que l’on ressent à l’écoute de « La nuit philharmonique », nouvel album de la compositrice nantaise Delphine Coutant. Et pour cause : ne ressemblant à rien de connu dans la chanson française, faisant fi des influences, entrelaçant instants évocateurs et silences vocaux pour laisser la musique compléter à la perfection le verbe, l’artiste nous invite à une fuite, un tête-à-tête entre elle et nous, en apesanteur, au-dessus de l’eau, comme le dévoile à la perfection la pochette de ce disque entre sourire, désir et regret. Invoquer les tourments, les souvenirs, les êtres qui comptent et ceux qui manquent pour les laisser se rencontrer et de percuter, lors d’une virée sous la lune qui sera tout sauf apaisée. Mais qui nous fait un bien fou et humecte nos yeux de larmes de joie et de spleen.

L’eau, élément central de ces treize barques sonores en perdition, devient alors la source d’une renaissance qui introduit à la perfection l’absurde et la pureté entrelacés de l’art de Delphine Coutant (« Dehors tout refleurit »). Ne cherchant à aucun moment à s’inscrire dans un courant musical particulier, elle abandonne au contraire ses temps de gestation à des instruments d’une beauté suffocante et essentielle (« Sables instables » ou les superbes « Nuit O » et « Nuit y ») pour mieux agripper nos bras et nous attirer vers elle, dans une chorégraphie de l’imaginaire et de la solitude (« Tchiki tchiki ») ou lors d’un slow qui se mue en déclaration d’amour et de mort, alors que l’être différent est finalement celui qui connaît le mieux le monde mais qu’il est étouffé par la bienséance (sublime et poignant « Jo »). Sans jamais se réfugier dans une dramaturgie qui ne lui conviendrait pas, Delphine écrit, noircit les pages pour survivre et laisser les voix secrètes de nos esprits tourmentés s’exprimer à travers son corps et son chant (« Talk With a Phantom »). La passion revêt, de ce fait, des atours de dépendance ; comme si la fidélité impossible d’une amourette d’un soir pouvait se métamorphoser en vie éternelle, vivifiante et motivante (« La nuit philharmonique »).

le terme « philharmonique » retrouve, dans cet album, sa définition première : celle de l’amour de la musique, de la dépendance qu’elle crée, autant pour celle qui, ici, l’interprète, que pour tous ceux qui la découvrent. « La nuit philharmonique » est un opus dont les lectures sont multiples, mais qui intrigue et fascine dès la première écoute, ancrant les créations de Delphine Coutant dans un courant qui n’appartient qu’à elle ; une exposition de tableaux mélodiques sur lesquels son timbre, délicat et franc, vient apposer des tonalités vives parfois, pastels souvent. Une œuvre à part, imprévisible et active, aussi envoûtante qu’intime et confidentielle.

« La nuit philharmonique » de Delphine Coutant est disponible depuis le 28 octobre 2016 chez La Cueilleuse.


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Raphaël Duprez

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