[LP] Lambert – Sweet Apocalypse

L’imaginaire dans la musique. Quand les ficelles sont bien tirées, et que l’on mêle le mystère à l’identité, la musique est un point de départ incommensurable, sans frontières ni obstacles ; une cour où nos méninges peuvent s’en donner à cœur joie. Le mystère attire, les non-dits font vendre. Lambert a bien compris le principe – non par méthode uniquement pécuniaire, la finalité en serait bien triste. Mais, d’une part, en troublant son identité à l’aide d’un masque tribal sarde ; et, de l’autre, en composant une musique classiquement contemplative. Le compositeur allemand réussit un équilibre parfait entre esthétique divertissante et foncièrement artistique. Sa « Sweet Apocalyspe » porte bien son nom – douce, presque venimeuse, crachant sa bile noire mais pas trop, incluant ce qu’il faut là où il faut pour crier la magnificence de ses notes.

L’énigme commence en 2014, quand des vidéos apparaissent sur la toile montrant un homme masqué jouant ses accords sur le béton d’une cité en ruines de Sardaigne. Décor lunaire, les effluves marines du littoral, une errance surnaturelle, tout est alors rassemblé pour que l’auditeur passe d’un état à l’autre. « Le masque est un outil esthétique », déclare Lambert. « Je voulais créer un monde autour de Lambert qui contre les stéréotypes de la musique pour piano – comme les chandelles romantiques, par exemple -, mais qui, tout de même, se combine bien avec la musique. Cette idée de personnage venant d’un autre monde m’a toujours séduite. » Hypnotisant, son premier album éponyme enchaîne les ritournelles au piano, tristesses et allégresses qui vaguent dans des accords bipolaires. À l’écoute de ses absolutions, nous voulons alors placer cet animal fantastique dans des chimères post classiques où se confondent le cinéma de genre et les grands pianistes de notre temps comme Satie en particulier, rappelant ainsi l’impétuosité des mélodies du pianiste français.

Dans son nouvel album, « Sweet Apocalypse », faisant suite directe à « Stay In The Dark », Lambert, qui fonde sa musique sur des idéaux classiques, fait se confronter diverses influences empruntées à la pop et à l’électronique – il y incorpore l’utilisation des percussions et de technologies. Ainsi, bien que discrètes et finement arrangées, ces utilisations confirment l’évolution de Lambert vers quelque chose de plus intuitif et organique, gardant le classicisme comme socle de son passé. « J’ai commencé à prendre des leçons de piano très tôt, à quatre ou cinq ans, je crois. En grandissant, j’ai été attiré par la batterie et j’ai ensuite joué dans des groupes de punk et de funk, ce qui me permettait d’abuser de mon instrument. Plus tard, je me suis concentré sur le piano et ai étudié au conservatoire : un peu de jazz, un peu de classique, mais rien ne m’emballait vraiment. Il m’a fallu encore un certain temps pour redécouvrir le piano, trouver mon propre style et la bonne manière de jouer. »

Visiblement, la fantasmagorie de Lambert a atteint un point de délicatesse enivrante. Avec la multitude de projets post classiques qui déferlent en ce moment, Lambert sort son épingle du jeu – ou, plutôt, sa baguette magique de vieux sage, de gourou ancestral, carnavalesque, mythique. Son personnage a l’intelligence de ne pas se satisfaire de l’air du temps ; il en semble le maître. Imaginaire, mais le maître quand même.

« Sweet Apocalypse » de Lambert est disponible depuis le 12 mai 2017 chez Mercury KX.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante