[LP] JFDR – Brazil

Un acronyme sans voyelle pour une artiste singulière. JFDR, ou comment son « Brazil » se mue en créature luxuriante, douce et revêche, inséminant en son cœur une froideur que son nom ne pensait jamais porter. Une froideur naturelle, débarrassée de superficialité ou de style forcé. La singularité de cette échappée en solo, celle de Jófríður Ákadóttir – l’une des sœurs de Pascal Pinon -, est l’électronique naturelle. Et plus encore, si nous pouvons nous permettre l’oxymore, « Brazil » fait partie de l’univers stylistique que ces génies islandais ont tout et pour tout inventé : la sophistication naturaliste.

L’inspiration fut radicale et touchée par la grâce. La reine mère Björk de cette véritable mouvance de l’électro douce et carnassière a vu juste : « Je suis devenu obsédé par son groupe Samaris il y a quelques années, et c’était incroyable d’entendre faire ses propres trucs. » Coup de pub, patriotisme ou réel coup de cœur ? Ce soupçon de complot créatif vient d’emblée fendre nos tympans. Dès les premières minutes de « White Sun », nous semblons être les témoins d’une singerie vocale et stylistique de l’environnement de Björk, que celle-ci a mis des années à bâtir, seule et contre tous.

Mais quand nous nous éloignons dans les interstices de sa musique, l’originalité de « Brazil » vient démentir nos aprioris – les somptueux « Instant Patience » et « Airbone » effacent les restes de notre miasme complotiste. Pour l’histoire, ce dernier est le fruit d’un vrai travail d’équipe avec le batteur liturgique Greg Fox et le co-producteur de l’album, Shahzad Ismaily : « C’est le résultat de deux moitiés programmées, l’une par l’enregistrement live de la batterie de Greg, et l’autre par ma ballade de piano fragile qui rompt le rythme, le tout cousu soigneusement et sans effort par Shahzad. La piste a été, plus tard, bénie par Maseo de De La Soul (groupe d’hip-hop américain, ndlr) qui s’est arrêté au studio et a écouté. Il a dit que c’était de la drogue. »

Il sera délicat d’en présenter toutes les différences et/ou similitudes, tant les nuances entre les deux artistes sont fines (et, en soi, absolument pas comparables – qui peut être comparé à Björk ?), mais le travail de Jófríður se révèle, au fil de l’écoute, comme étant d’une grande finesse et d’une maîtrise salutaire des sons et des textures. Les péripéties avec ses autres projets – Pascal Pinon, Gangly et Samaris – ont sculpté le corps musical de cette sirène islandaise, qui superpose ses maux et ses joies sur un même plan de travail. Œuvre bipolaire et totalement hybride, « Brazil » requiert une ouverture intime et sereine, car la dimension acoustique est l’aliment principal de ce festin musical. À en juger par « Anything Goes », morceau tellement tranquille qu’il en paraît inaudible, nous ne pourrions qu’être surpris d’en déceler la moindre mécanique, de reconnaitre les soubresauts de chaque instrument, de mettre ensemble les parties de puzzle introspectif. Ils existent bel et bien. La musique de Jófríður ausculte notre curiosité et ranime les parcelles mélomanes qui semblent disparaître aujourd’hui. Amalgamées dans des changements de tons et de sons, ô combien d’étincelles compte « Brazil ». D’innommables et innombrables étincelles.

« Brazil » de JFDR est disponible depuis le 17 mars 2017 chez White Sun Rec.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante