[Interview] The Mirrors

Alors que leur prochain EP est impatiemment attendu dans le courant du mois d’avril, il était temps de faire le point sur les premières années d’existence de The Mirrors, duo aussi attachant dans ses qualités musicales et humaines qu’énergique et animal sur scène. Afin d’en savoir davantage sur ce qui motive Sarah (guitare, chant) et Corentin (batterie), aussi bien à continuer à enregistrer et tourner à deux qu’à se concentrer toujours plus intensément sur un rock vif et débridé, nous avons rencontré Sarah, qui nous a aidé à entrer encore plus profondément dans le monde tumultueux et précieux de The Mirrors.

crédit : Sophie Jarry
  • Salut Sarah et merci de bien vouloir répondre à nos questions ! Tout d’abord, peux-tu nous présenter The Mirrors ? Comment vous êtes-vous rencontrés et à quel moment le projet a-t-il commencé à devenir plus professionnel ?

On a commencé The Mirrors fin 2011. On avait déjà eu quelques groupes ensemble auparavant, avec d’autres musiciens ; mais plutôt des groupes de garage – littéralement : DANS un garage ! -, puis on s’est retrouvés tous les deux. J’avais des compos que j’avais créées toute seule. À l’époque, on cherchait un bassiste, mais on n’en a jamais trouvé. On a fini par se dire que ce serait cool de rester à deux, alors qu’on n’avait pas encore creusé le format des duos : on écoutait des groupes qui étaient plus des trios ou quatuors que des duos. Du coup, on est restés à deux et on a commencé à écrire ensemble. Au début, bien sûr, ça ne sonnait pas : on n’avait pas d’Octaver, par exemple. Mais tout s’est mis en place au fur et à mesure. On a eu la chance d’être accompagnés par le conservatoire de Cholet, où on habitait à ce moment-là, et c’est comme ça qu’on a pu développer notre son, tous les aspects techniques, scéniques, etc…, tout en continuant à écrire des morceaux en parallèle.

  • Vous avez donc commencé avec des titres que tu avais écrits ?

Oui, mais il n’y en avait que deux, que je souhaitais mettre alors en place avec un groupe. Mais du coup, Corentin a mis des parties dessus, puis on les a arrangés tous les deux. J’avais donc très peu de morceaux au départ, et on a vraiment, ensuite, commencé à composer à deux, comme on le fait encore aujourd’hui.

  • Est-ce que ces titres apparaissent sur votre premier EP « Gold And Victories », ou les avez-vous utilisés simplement comme base pour commencer à travailler ensemble ?

Non, parce qu’on a commencé à écrire « Gold And Victories » deux ans après nos débuts. Les tous premiers morceaux sont sortis en démos, mais tu ne peux plus les trouver sur Internet.

  • Qu’avez-vous fait pendant les deux ans séparant la création de The Mirrors et votre premier EP ?

On a fait des premiers concerts, mais c’était plus du genre « fête du village », des sets sur des places dans des petits patelins ! Notre premier vrai concert a eu lieu au Bar’Ouf, à Cholet, qui est le meilleur bar-concert là-bas. L’expérience a été vraiment super. Après, on a fait quelques concerts dans la région, en extérieur, dans des bars ou des tremplins ; mais ce n’était pas fameux, du moins jusqu’à ce qu’on commence à tourner après la sortie de notre premier EP.

  • Dans quelles conditions avez-vous enregistré « Gold And Victories » ?

Comme on était au conservatoire de Cholet, on était en accompagnement, ce qui nous a donné la possibilité d’enregistrer dans le cadre d’une démarche pédagogique. C’est pour cette raison que l’EP est disponible gratuitement, puisqu’on n’avait pas le droit de le vendre, dans ces circonstances. On a ainsi pu enregistrer les trois titres chez eux, puis ils les ont mixés et masterisés. On était comme dans un vrai studio, car le matériel qu’ils ont là-bas est vraiment professionnel.

  • Sur le premier EP, on commence vraiment à distinguer une marque de fabrique « The Mirrors » : des riffs agressifs, une voix affirmée, puis des moments plus calmes comme sur le titre « Darts », ce qui donne une forme progressive à votre musique. Comment se déroule votre processus de composition ?

Il y a tout d’abord une idée qui sort, la majorité du temps en improvisant. Il est très rare que je débarque en disant : « J’ai trouvé quelque chose, partons là-dessus. » Les riffs arrivent sur le moment, on improvise beaucoup et, d’un seul coup, quelque chose de plus précis, un élément en particulier ressort. On enlève alors tout ce qui ne nous a pas plu, puis on construit une base sur laquelle on construit le morceau. Du coup, tout se passe sur le moment ; on ne passe pas du temps chez nous à préparer des thèmes, des idées. Tout se fait en répétition.

Parlons de ta voix. Sur « Gold And Victories », mais également sur « Best Thunderstorms », ton timbre est assez prononcé, affirmé et puissant ; mais il y a également des passages où celui-ci est beaucoup plus apaisé, notamment sur le titre « Pyramids », dans les chœurs de « Darts » ou sur l’extrait de votre prochain EP que tu m’as fait écouter, lorsque tu montes dans les aigus. Comment fais-tu pour choisir l’intensité de ton chant selon les différentes parties ?

J’aurais tendance à te répondre en pensant à notre futur EP, que nous sortons bientôt, parce que ce sont les compositions qui, dans mon esprit, sont les plus récentes. Tout dépend dans l’ambiance. Pour « Pyramids », même si c’est un titre assez ancien et qu’on ne le joue plus en concert, le moment où le chant est beaucoup plus doux et en voix de tête correspond à un passage un peu plus « creepy », très étrange ; avec une voix plus prononcée, ça n’aurait pas fonctionné. Sur le pont de « Take Me On » également, c’est la même chose : un passage très doux qui demande une atmosphère particulière. Bien sûr, j’aurais pu nuancer mon chant en conservant un timbre plus puissant, mais au moment où l’instru se posait, il fallait impérativement nuancer les deux éléments pour ne pas avoir tout le temps des morceaux répétitifs. Tu retrouves aussi cette alternance sur « Stormy Pretty Land », avec des refrains plus affirmés et des couplets plus posés. Tout se joue sur les paroles et l’ambiance générale d’un titre.

  • D’ailleurs, « Stormy Pretty Land » est assez différent de votre production habituelle et vous ouvre vers un rock beaucoup plus mélodique et complexe, ce qui semble être vrai d’après, justement, ce que j’ai pu entendre de votre futur opus. Est-ce un choix volontaire, une manière d’expérimenter de nouvelles choses ?

On ne s’est jamais dit que ce qu’on faisait devait être plus posé et mélodique, ce n’est pas volontaire. Mais si c’est ce que tu as ressenti, tant mieux ! Même si on sait que la vague qui arrive, pour nous, est différente de nos habitudes.

  • Dans quel sens ?

Je ne saurais pas vraiment te dire ! En fait, comme on est vraiment au cœur de la composition et de ce qui en ressort, on sait qu’on aime beaucoup ce qui va bientôt sortir et qu’on a vraiment progressé par rapport à ce qu’on faisait avant. Mais il est difficile de mettre des mots sur ce phénomène, d’expliquer comment il se produit. Peut-être que nous avons plus de nouvelles influences ; que, depuis les EPs précédents, on s’est nourris d’autres artistes, on a vécu beaucoup de choses. Par contre, je ne dirais pas que ce qu’on fait maintenant est plus posé.

  • Combien de titres y aura-t-il sur le nouvel EP ?

Cinq en tout. Ce sont des titres totalement inédits dans notre discographie studio, mais on en a déjà joué deux d’entre eux pendant notre dernière tournée automnale. Sinon, il s’agira d’un titre écrit en même temps que ceux-là, puis deux autres qu’on a composés un mois avant de commencer l’enregistrement. On voulait quelque chose de totalement nouveau, de frais. On avait pas mal de morceaux en stock, mais on ne se voyait pas en sortir certains d’entre eux, tout simplement parce qu’ils n’étaient pas assez aboutis. Or, c’est ce que nous recherchons quand nous passons nos compos sur disque. En ce qui concerne les deux derniers, quand on les a écrits, on n’a pas forcément réfléchi au fait de les interpréter sur scène ; alors que, d’habitude, on pense les chansons par rapport au live. Dans leur cas, on a plus pensé ça comme pour un EP qu’on pourrait écouter dans sa voiture, ou en marchant dans la rue.

  • Vous avez sorti deux EPs, mais également un single, « Party Skeleton ». Pourquoi avoir choisi ce format particulier à ce moment-là ?

On a tout d’abord sorti le single « Party Skeleton », puis l’EP « Best Thunderstorms », qui était aussi un single, à la base, avec juste « Take Me On » et « Stormy Pretty Land ». Le problème, c’est qu’on en a eu marre de ne vendre que des singles à la fin des concerts, parce que, quand « Party Skeleton » a été épuisé, il ne nous restait que « Best Thunderstorms », qui ne contenait alors que deux titres. Ça nous saoulait de vendre simplement un disque avec deux titres aux gens ; quand quelqu’un vient t’acheter du merchandising, il veut plus que ça, ce qui est normal. Du coup, on a décidé de faire une version « Deluxe » spéciale pour la tournée, avec quatre titres et « Satan Is A Beer », qu’on avait sorti pour le fun sur Youtube parce qu’il s’agit de notre rappel lors des concerts. En ce qui concerne ce titre en particulier, quand on a enregistré « Best Thunderstorms », on s’était dit que, si on avait le temps un jour, on écrirait un morceau très court, sur l’instant, et qu’on l’enregistrerait dans la foulée. Or, on a eu le temps ; on l’a donc écrit très rapidement, pendant qu’un pote était en train d’armer les pistes, et on l’a enregistré dans la foulée.

  • C’est plutôt réussi, pour un titre improvisé !

Oui, et en même temps, il est très court ! C’est peut-être l’urgence du moment qui l’a fait ressortir tel qu’il est. Du coup, c’est maintenant notre rappel et il fonctionne super bien en concert, notamment dans une version beaucoup plus longue qui nous permet d’aller dans le public et de profiter tous ensemble.

  • Alors, pourquoi Satan est-il une bière ? Et, dans ce cas, laquelle ?

(rires) Sans hésiter, la Chouffe ! Pour l’anecdote, durant l’été pendant lequel on a enregistré cet EP, il y a eu un matin où on s’est envoyés des messages après être allés chacun dans une soirée différente. On avait tous les deux la gueule de bois et l’un de nous a envoyé la phrase « Satan Is A Beer » à l’autre, même si je ne sais plus qui de nous deux. On s’est dit après que ce serait marrant d’écrire une chanson qui s’appelle comme ça, et c’est resté ! Et c’est forcément la Chouffe, parce que c’est une bière qu’on a beaucoup bue lors de soirées ensemble.

  • À quel moment doit sortir le nouvel EP ?

Dans le courant du mois d’avril. Je ne peux pas te donner une date précise, car il peut y avoir des changements d’ici là, mais c’est certain que ce sera dans le courant de ce mois-là.

  • Tu me parlais tout à l’heure d’un titre de ce nouvel EP qui était différent de ce que vous avez l’habitude de faire…

Il s’agit du premier morceau, qui est une intro de cinq minutes. Le début est très calme, avec juste une voix et des accords de guitare très clairs. Ça part ensuite dans un riff et des batteries qui nous ressemblent beaucoup plus, mais il commence par deux minutes très posées. On l’a écrit en ayant à l’esprit qu’il s’agirait de l’intro. C’était un peu risqué, simplement parce qu’on avait notre idéal d’intro en tête, on voulait quelque chose qui commence très paisiblement, et ça s’est finalement imposé naturellement.

  • Allez-vous commencer vos futurs concerts de cette manière, avec une intro plus calme, ou est-ce seulement pour l’EP lui-même ?

Ce premier morceau est vraiment un morceau dédié à l’univers de l’EP, du moins son intro longue et calme l’est. Pour le live, on souhaite commencer par quelque chose d’énergique, de profond et de puissant dans le son, comme on le fait depuis longtemps avec « Darts » (on rentre en trombe après la diffusion de son intro d’orgue dans les enceintes). En revanche, il est possible qu’on commence sur d’autres morceaux, mais ils seront réarrangés spécial live pour coller avec cette idée de commencer dans une folie puissante et énergique. On ne pense pas commencer avec une longue et calme intro « voix/guitare ».

  • Quels sont vos prochains projets de concerts ?

On va entamer une tournée européenne au printemps qui passera par la France, l’Allemagne, la Belgique et l’Angleterre.

  • Et comment êtes-vous parvenus à trouver des dates dans tous ces pays ?

C’est grâce à l’agence de booking qu’on a montée, Twin Vertigo Booking & Management. On l’a créée il y a un an pour organiser notre première tournée, ce qui nous permet de tout booker pour nous ainsi que pour deux autres artistes : Duck Tape, un duo d’Aix-en-Provence, et Dirty White Fever, un duo anglais qu’on a déjà fait tourner cet été. Du coup, c’est à travers cette structure qu’on a réussi à préparer la tournée et trouver les dates. C’est moi qui, dans ce cadre, m’occupe du booking.

  • Combien de temps cela te prend-il ? Ça doit être assez contraignant, non, de devoir t’occuper d’abord de The Mirrors, mais également maintenant de deux autres groupes ?

Oui, bien sûr ! Pas à plein temps parce que je travaille à côté, mais ce job-là ne prend que deux jours par semaine. Le reste du temps est donc consacré à Twin Vertigo et The Mirrors. C’est vrai que c’est très lourd, comme charge de travail, mais il n’y a que comme ça que ça fonctionnera… Après, c’est surtout réparti sur The Mirrors et Duck Tape, car le booking de Dirty White Fever est plus ponctuel : ils sont passés en France l’été dernier mais il n’y a pas eu d’autres dates depuis car ils tournent pour l’instant en Angleterre. Ils sortent leur album en mai prochain et ne reviendront pas avant le mois d’octobre en France. Je vais donc avoir beaucoup de boulot au printemps, mais je vais faire en sorte de tout bien répartir, car il faudra aussi préparer les dates automnales des deux autres groupes. C’est une question d’habitude… !

  • Comment envisagez-vous la scène par rapport au travail en studio ? Vos titres sur disques sont déjà très spontanés, mais vous accordez-vous des moments d’improvisation en concert ?

Non, on n’improvise pas ; mais il y a des passages qu’on a rallongés, par exemple des outros dans lesquelles on se défonce beaucoup plus que sur CD. Scéniquement, ce qu’on fait est assez bestial ; alors qu’en studio, on prépare beaucoup des choses qui seront présentes en live, mais d’autres qui ne le seront pas et sortiront uniquement une fois qu’on sera sur scène. Par exemple, en ce qui concerne l’enregistrement à proprement parler, sur les titres issus des anciens EPs, on n’a pas rajouté grand-chose, à part peut-être des chœurs par-ci, par là. Or, sur le nouvel EP, on a rajouté beaucoup de petits détails : du shaker, de l’orgue ou du tambourin, mais de façon vraiment ponctuelle dans les morceaux. Ce n’est pas non plus indispensable. On essaie autant que possible de rester assez proches des pistes studio, afin de ne pas avoir un vide trop important entre les versions disque et concert.

  • Tu viens d’utiliser l’adjectif « bestial » pour parler de vous en live ; pourquoi ?

C’est quelque chose qu’on nous dit tout le temps ; que nos prestations sont animales, bestiales ou sauvages dans notre manière d’appréhender la scène et de nous lâcher. C’est un énorme défouloir, et c’est ça qui ressort aux yeux du public. Auparavant, on se qualifiait simplement de rock mais, un jour, une programmatrice a utilisé l’expression « rock animal » pour nous définir, et on s’est dit : « Putain, elle a grave tapé dans le mille !!! » Depuis, on met « rock animal » pour la promo de nos concerts, car ça caractérise assez bien ce que nous faisons. C’est très physique.

  • Justement, quels sont les réactions de votre public pendant et après vos concerts ?

En général, tout se passe très bien. On rencontre souvent des gens au merchandising pour discuter avec eux. Ce qui en ressort, c’est que les gens voient directement l’aspect physique qui prédomine sur scène, bien avant la musique elle-même. Les retours sont plutôt très positifs ; après, bien sûr, il y a toujours des personnes qui vont trouver ça moyen, ce qui est tout-à-fait normal, bien sûr. Mais sur la dernière tournée, les avis ont vraiment été très encourageants et positifs. Notamment pour notre date avec DZ Deathrays en octobre dernier, qui est un de nos groupes préférés de tous les temps ; on a eu la chance de jouer avec eux et ils nous ont fait des putains de retours, donc on était franchement contents ! Vu qu’ils sont une de nos influences majeures, c’était vraiment cool d’avoir un feedback comme celui-là.

  • N’avez-vous jamais été tentés de développer le groupe avec de nouveaux musiciens, comme un bassiste par exemple ?

Non (franc et massif, NDLR) ! Tout simplement parce qu’on n’en ressent ni l’envie ni le besoin. Si on rajoutait quelqu’un, on deviendrait un groupe totalement différent, il faudrait changer de nom, ce genre de choses… Or, The Mirrors, c’est un duo, point barre. S’il y avait quelqu’un d’autre, cela changerait radicalement notre manière de composer de la musique, de jouer en live … Et puis, beaucoup de duos marchent très bien avec ce format-là, on sait que ça fonctionne, on développe tout ce qu’on fait dans cette optique. Par exemple, on sait bosser notre matos et notre son de guitare et de batterie pour que ça envoie à mort, et on n’a pas du tout envie de changer ça. Après, bien sûr, pourquoi pas pour des featurings ? Mais sinon, non.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.