[LP] Kursed – Misophone

L’esprit du rock’n’roll, le vrai, celui des glorieux aînés, de ses balbutiements dans les années 50 à nos jours, n’est pas donné à tout le monde. Et, en écoutant ce second véritable album de Kursed, le constat est sans appel : ces gars-là savent comment faire parler guitares, batterie, basse et voix dans un genre cohérent, écrit et interprété avec maestria et une bonne dose d’adrénaline et de sueur. Leurs concerts l’annonçaient déjà, mais c’est dorénavant une évidence : on tient là une relève assurée de tous ces groupes qui, au fil du temps, nous ont fait frémir autant que suer comme des bêtes. La preuve par l’image – et le son, bien évidemment.

A priori, rien ne semble pouvoir arrêter Kursed : ni l’envie d’en découdre et de défendre leurs compositions sur scène aussi souvent que possible, ni les problèmes techniques rencontrés avec leur tour bus le long des routes, ni une certaine idée de la concurrence qui, pourtant, ne lui arrive pas à la cheville. Et avec « Misophone », second opus attendu au tournant, après deux singles déjà prometteurs et prouvant leur changement de direction bienveillant et contrôlé, par autant de fans que de critiques impatients de voir ce que le monstre avait dans les entrailles, les Montpelliérains ne déçoivent pas ; au contraire, ils vont encore plus loin dans leur manière si particulière d’infuser un rock old school à des idées de composition et d’arrangements résolument modernes et parfaitement relues, corrigées et remises au goût du jour. Sans oublier, au passage, d’imposer une signature stylistique aussi géniale que doucement provocatrice, donc aguicheuse. Et on ne va pas s’en plaindre.

Entrée en matière ayant tout d’une déflagration qui résonnera longtemps dans nos oreilles et nos esprits, « Rock’n’roll » définit, sans prendre de gants, ce que sera ce LP aux douces senteurs de poudre et d’encens. Car, au-delà de simples mélodies et riffs enchaînés mécaniquement, Kursed laisse ses chansons évoluer selon ses propres besoins, le carcan structurel ne demandant qu’à imploser dès que le besoin de tout lâcher se fait sentir. « Balloon » et « Deep Sleep » sont deux cavalcades tendues comme un élastique sur le point de claquer, là où « Red Wine » et le surréaliste « Archimedes » illustrent le potentiel de réinvention constante du projet, sans fard ni idée préconçue. En diversifiant ses ambitions, le quatuor se démène et nous emmène sur la scène d’un cirque ambulant, où tous les spectacles sont permis, des plus sauvages aux plus étranges. La trompette finale de « Crow » nous ramène dans les bas-fonds d’un club anonyme, alors que l’aurore surplombe le ciel et qu’un dernier élan, comme une ultime envie de montrer que l’épuisement n’aura pas raison d’eux, sonne et se fige dans l’espace et le temps, dans l’air moite et brumeux d’une salle où certains dorment sur des canapés, épuisés par les excès, tandis que d’autres demeurent suspendus aux lèvres de ces artistes imprévisibles et en roue libre, sur un  » Love Of Death » final de toute beauté et dont la sagesse étreint avant de regagner notre quotidien, gorgés de ce sentiment improbable d’être à jamais changés, transformés par le spectacle qui s’est offert à nous.

« Misophone » prouve que le carcan du rock’n’roll n’est pas suffisant pour Kursed ; il est un tremplin leur permettant de s’envoler vers des contrées sonores radicalement inédites, où immédiateté et sens du rythme et du déroulement logique de pistes soufflant chaleur et glace revêtent leur véritable signification. Les concerts du projet étaient déjà des moments riches et intenses en termes de communication avec un public entièrement dévoué à sa cause ; mais, avec ce second album, le groupe voit grand, tout en ne vendant pas son âme au diable et en usant, sans en abuser, de ses talents pour faire vibrer nos tympans et nos neurones. Une réussite totale, infaillible et mémorable.

crédit : Yoan Boutet

« Misophone » de Kursed est disponible depuis le 20 janvier 2017 chez 25h43 Productions / Le Petit Chat Noir Records / H.Y.P


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Raphaël Duprez

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