[LP] Menace Beach – Lemon Memory

En prenant le parti de jeter une énorme dose de boue et de poussière sur ses nouvelles compositions, Menace Beach livre un disque flirtant entre mélodies tranchantes comme le plus aiguisé des crans d’arrêt, guitares salissantes et corrosives et arrangements sobres mais marquants nos esprits au fer rouge. Un second album aussi fascinant que troublant, mais qui nous retourne pour mieux nous hanter longtemps après son écoute.

Difficile d’offrir un successeur au subversif « Ratworld », premier effort du projet Menace Beach ; et pourtant, les musiciens de Leeds tentent leur chance dans de nouvelles aventures beaucoup plus risquées, car revêtant une signature qui leur est définitivement propre – si tant est qu’on puisse utiliser cet adjectif. Car, justement, les ambiances qui se dégagent de « Lemon Memory » sont collantes, sales et poisseuses, tout en n’oubliant jamais de laisser apparaître quelques moments de respiration dans le tumulte et le bruit. Un peu comme si l’on s’était aventuré dans un marécage radioactif et que l’on était aussi bien épouvanté par ses conséquences sur l’environnement que par les éclats surnaturels qu’il dégage. Menaçant et libérateur, ce nouvel opus est définitivement captivant, pour de nombreuses raisons, mais avant tout parce qu’il fait preuve d’une sincérité artistique implacable et exemplaire. Tant qu’à se rouler dans la boue, autant le faire bien !

Ryan Needham et Liza Violet, les deux têtes pensantes du groupe, lâchent ainsi immédiatement les liquides guitaristiques les plus corrosifs et brûlants. « Give Blood » et « Maybe We’ll Drown » déchaînent les passions en découpant nos chairs à la lame de rasoir, avant de panser nos plaies sur des pistes plus calmes et salvatrices, mais toujours toxiques (« Lemon Memory », « Darlatoid »). Dans de telles circonstances, les pulsions abrasives contenues dans de subtils arrangements, lorsque les chiens sont lâchés (la puissance orageuse de « Can’t Get An Haircut » ou les six cordes dissonantes de « Suck It Out »), rongent les muscles et les os, ne lâchant prise à aucun moment. Le pire, dans tout ça ? C’est que l’auditeur en redemande. Car Menace Beach contient également des vertus thérapeutiques qui, dans la douleur, font du bien à entendre et à savourer. Ainsi, « Watch Me Boil » déroule des sonorités pop suaves et tendres, avant que le dévastateur et mélodiquement fascinant « Hexbreaker II » vienne mettre un terme à une odyssée tumultueuse mais salvatrice.

« Lemon Memory », comme son titre ne l’indique pas, n’exige à aucun moment d’avoir une mémoire de citron pour laisser son acidité nous parcourir. C’est même bel et bien l’inverse : il demande autant d’attention que de jouissance, mélangeant parfaitement la frénésie du noise à la délicatesse d’un rock planant et confortable, dans lequel on adore s’étaler, tête la première. Plaisir vicieux autant que coupable, ce formidable disque donne envie d’en savoir beaucoup plus, et de voir accoster, un jour peut-être, Menace Beach sur nos côtes françaises. Un nouveau débarquement ? En tout cas, la poudre et le tonnerre grondent déjà, et c’est tant mieux !

« Lemon Memory » de Menace Beach est disponible depuis le 20 janvier 2017 chez Memphis Industries.


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Raphaël Duprez

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