[Live] Wovenhand à l’Aéronef

Première surprise lorsque nous arrivons à l’Aéronef en ce lundi 10 octobre 2016 : le concert a été transféré au club. David Eugene Edwards aurait-il perdu son aura de dieu-vivant de la musique indé auprès de ses contemporains ?

Wovenhand, l'Aéronef, Lille, 10 octobre 2016
Wovenhand, l’Aéronef, Lille, 10 octobre 2016

Nous restons en suspens avec cette question le temps de découvrir Emma Ruth Rundle, seule en scène avec sa guitare. Déjà croisée au sein des très bons Red Sparowes et Marriages (qui assuraient la première partie de Wovenhand lors de son passage au Grand Mix l’année dernière), nous sommes aujourd’hui un peu plus circonspectes devant ce projet épuré au possible qui tend à faire se ressembler les morceaux entre eux. Seule l’intervention d’un violoniste sur quelques morceaux viendra relever l’intérêt d’une setlist peut-être tout simplement mal choisie.

Peu après la sortie de scène d’Emma Ruth Rundle se met à retentir dans l’Aéronef une sorte d’incantation amérindienne qui tient autant du murmure que du bourdonnement. Entre alors en scène David Eugene Edwards, teint livide et œil hagard autant que transperçant, accompagné de quatre musiciens. Voici Wovenhand.

Nous découvrons qu’Edwards a abandonné son habituel double micro, celui qui agace tant les photographes qui ont choisi le mauvais profil, celui où le deuxième micro lui mange la moitié du visage tandis qu’il éructe dans le premier. Plus sérieusement, nous pouvons y voir le signe d’une volonté d’être moins dans l’effet, et plus dans une spontanéité frontale.

Wovenhand attaque bille en tête avec « The Hired Hand », titre issu du dernier album. Mais c’est « Maize », troisième morceau du concert, qui va nous clouer sur place. Le groupe joue avec une intensité rarement vue en live, tandis que David Eugene Edwards entre dans une sorte de transe chamanique. L’homme a les yeux révulsés tandis qu’il joue, mime des gestes difficilement compréhensible et entame des pas de danse qui tiennent autant du moonwalk que de la danse indienne.

À cet instant le spectateur est happé par l’âme de Wovenhand. Edwards peut faire ce qu’il veut, nous sommes fascinés, hébétés, transis, comme portés à un état de conscience supérieur où chaque mot, chaque note, chaque geste résonnent en nous avec une sensibilité et une poésie qu’il serait vain de vouloir décrire ici. Décidément, voir Wovenhand sur scène tient beaucoup plus de l’expérience sensorielle que du simple concert de musique.

Tandis que nous sommes à sa merci, Edwards alterne entre une confiance qu’on ne lui connaissait pas (qu’il s’avance au bord de la scène pour transpercer l’ensemble des âmes présentes en un regard, ou qu’il se risque tout simplement à un « merci » en français) et une gestuelle introspective sans cesse plus impénétrable. Qu’il ait l’air de mimer une flèche qu’il décocherait ou une chope de bière qu’il boirait est une chose, mais que signifie ce bras tendu régulièrement en travers du visage ? Mime-t-il sa propre décapitation quand il passe sa main en travers de sa gorge ? Qu’écoute-t-il en mettant son poing contre son oreille ?

Nous cherchons encore les réponses que vient le rappel avec le transcendant « King O King » marié à « Come Brave », morceau introductif du dernier album. Nous ressortons ensuite de l’Aéronef à la fois épuisé et transporté par ce que nous venons de vivre, comme purifiés par le chamane David Eugene Edwards.

Setlist

The Hired Hand
Hiss
Maize
Crystal Palace
Corsicans Clip
The Refractory
Obdurate Obscura
The Quiver
Swaying Reed
Salome
All Your Waves
Crook and Flail
5×5
Low Twelve
Elbow

Kink o King
Come Brave


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David Tabary

photographe de concert basé à Lille, rédacteur et blogueur à mes heures