[Live] Crossroads Festival 2016

Le Crossroads, c’est un nouveau festival dans un format peu courant : un festival de showcases (30 minutes maximum) ouvert avant tout aux professionnels (mais aussi au grand public) de la nouvelle région Hauts-de-France et des alentours (Belgique, Normandie, Grand-Est) pour découvrir des groupes régionaux émergents appelés à devenir grands, et pour échanger sur leurs pratiques professionnelles.

Crossroads Festival, la Condition Publique, Roubaix
Edgär au Crossroads Festival 2016 – crédit : David Tabary

Pour des raisons indépendantes de notre volonté, nous ratons la première journée du festival. Nous arrivons à la Condition Publique de Roubaix à l’occasion d’une conférence sur la place des développeurs d’artiste dans la filière. Puis le temps de se restaurer et nous attaquons les concerts de la soirée.

La soirée débute avec NUMéROBé, accompagné de Loup Blaster. L’homme et sa comparse VJ se cachent derrière un long ruban de tissu légèrement translucide qui permet un effet de double projection vidéo totalement hypnotique tandis que l’on perçoit les mouvements du duo. Ou plutôt l’absence de mouvements du duo. Stressés ? Peut-être. Concentrés ? Sûrement. Il faut se glisser à droite et gauche de la scène pour admirer le travail réalisé en totale osmose des deux partenaires. L’un puis l’autre se risqueront à quelques phases chantées, Loup Blaster finissant par adresser de grands gestes vers le public pour le faire interagir. Côté projection, on oscillera entre figures tribales, bords de mer apaisant et ondulations fascinantes. Le set se termine sur l’affichage en grandes lettres de NUMéROBé, comme s’il était encore possible d’ignorer ce nom.

Pas le temps de dire ouf. Nous nous retournons vers l’autre scène pour assister au set des Amiénois d’Edgär. Le duo entre en scène devant des projecteurs à la lumière blafarde et rasante qui éblouit le public. Il y a une certaine froideur dans cette mise en place, qui se retrouve dans les sonorités de clavier déployées par le groupe dans une veine un peu cold wave que n’aurait sans doute pas renié Joy Division ou plus récemment Editors ou Interpol. Nous retrouvons tout de même plus de chaleur sur certains morceaux, notamment quand Ronan et Antoine chantent ensemble sur des compos que ne renierait pas Alex Turner. Le concert se termine avec leur premier single, « Two Trees », morceau plus écrit qui donne l’impression de voir Simon & Garfunkel qui se seraient mis à la musique électronique.

Le changement de scène permet une nouvelle alternance radicale avec le rock beaucoup plus frontal et brutal de Ellah a. Thaun et son groupe. Quelque part entre gothique transgenre et glam rock 80’s, c’est une onde d’énergie brute que prend le spectateur en pleine tête. Même si Ellah sait aussi jouer des morceaux plus calmes comme sur le morceau « Supergirl ».

Comme un automatisme, nous faisons demi-tour à la dernière note jouée par Ellah a. Thaun pour mieux voir quatre garçons vêtus de noir entrer en scène. Nous nous imaginons sur le point d’assister à un concert de rock plus classique avant de réaliser qu’aucun des membres n’a de guitare dans les mains pour le premier morceau. De fait, les John and the Volta se lancent dans un morceau de synth wave très années 80. Nous ne sommes parfois pas loin du style kitch de groupes de metal allemands ou scandinaves des années 90 tels que HIM. Mais le groupe maintient un équilibre avec d’autres genres plus pop qui permettent d’adhérer progressivement à un projet plus complexe et subtil qu’il n’y paraît.

On enchaîne avec EVRST (prononcez Everest), groupe que nous avions découvert cet été en ouverture de la Greenroom lors du dernier jour du Main Square Festival. Plus à l’aise sur une scène à sa mesure, le groupe entonne des titres dont nous nous souvenons immédiatement, preuve qu’ils nous ont marqué. À base de percussions et de claviers (une grande tendance de la soirée) dans un style très pop, nous nous laissons volontiers entraîner par la voix de la douce Anouk, qui mérite encore de gagner en assurance tandis que le groupe aura tout intérêt à travailler sur sa timidité naturelle.

Immédiatement nous reconnaissons la silhouette longiligne et débonnaire d’Anthonin Ternant déjà croisé au sein des excellents The Bewitched Hands. Black Bones apparaît comme un autre groupe choral, mais plus festif et bordélique. Le groupe entre en scène avec de grands chapeaux de mariachis mexicains à leurs noms. Le temps de penser que nous allons faire la fête et le groupe se transforme en squelettes sous l’effet de lampes faisant apparaître une peinture phosphorescente. L’effet est saisissant ! Mais il ne plombera pas l’ambiance d’un dernier concert de la soirée résolument généreux et tourné vers le partage et l’échange.

Alors que quelques privilégiés téméraires s’en vont à la Cave aux Poètes pour un after avec Prieur de la Marne, Verlatour ou Be4t Slicer, nous quittons la Condition Publique et le Crossroads Festival persuadés que ce festival a une place privilégiée à développer. Nous mentirions en disant que le grand public est venu nombreux. Mais les pros étaient là et nous avons cru comprendre que le festival s’était monté en peu de temps, laissant peu de place à une communication structurée. Nul doute que l’édition numéro 2 sera encore supérieure et démontrera une nouvelle fois que le nord de la France regorge de pépites musicales !


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David Tabary

photographe de concert basé à Lille, rédacteur et blogueur à mes heures