[Live] L’Ère de Rien 2016, jour 2

Une seconde soirée placée sous le signe de l’orage musical et du plaisir sans fin, face à cinq projets aux caractères bien trempés et terriblement addictifs. Retour sur ces instants essentiels que L’Ère de Rien nous a, une fois encore, proposés.

The Big Moon © Fred Lombard

Entrée en scène de Requin Chagrin à 19h30, et sur les chapeaux de roues ! Les compositions du groupe, intelligentes et magnifiquement bien arrangées, se boivent comme du petit lait tout en conservant un supplément d’âme immédiatement fédérateur. Assumant leur rock avec talent et une réelle envie de le partager en compagnie du plus grand nombre, les interprètes de ces titres sentant bon les 80’s nous offrent des pistes racées et faciles d’accès, exercice difficile quand il s’agit d’y introduire la langue de Molière, mais vraiment réussi. Les échanges mélodiques entre guitare et clavier se font le plus naturellement possible, dans une réelle osmose artistique qui prouve, avec passion et dévouement, que ces quatre-là s’entendent et s’écoutent à merveille. Ce qui permet d’effacer le seul petit point négatif que l’on pourrait leur reprocher : une attitude assez statique lors de la performance, mais qui n’enlève rien au plaisir de profiter de l’ambiance qu’ils parviennent à créer et partager. Surtout quand les larsens pleuvent lors d’une intro parfaite pour une chanson fracassante et prête à faire remuer les cervicales des festivaliers, avant un slow se finissant dans une saturation et une reverb dantesques. Au final, un set qui exprime de fort belle manière tout le potentiel de ce projet qu’on attendait de pied ferme, et qui ne nous a pas déçus. Trois garçons, une fille et un maximum de possibilités !

Rien ne nous préparait à la grosse claque de ce début de soirée avec The Big Moon ; car, mine de rien, ces quatre filles-là ont de l’énergie à revendre et le prouvent dès le premier titre. Leur rock échevelé devient rapidement électrisant, doublé d’une performance scénique exemplaire et remarquable. Alternant passages calmes et décharges atomiques sur un seul et même titre, le quatuor se lâche et nous arrache du sol, sans temps mort et avec une dévotion totale pour leurs compositions et leur public. Un set taillé au millimètre, avec une liberté totale sur les planches ; de celles qui laissent l’audience exsangue et retournée devant la puissance de feu sonore des quatre cavalières. L’arme au poing, elles projettent leurs balles mélodiques avec ferveur et talent, sans aucun moment suspendu ou inutile. De vraies bêtes de scène qui trouvent toute la dimension de leur potentiel en plein air, lâchées telles des animaux sauvages parés pour la chasse lors de moments de bravoure inépuisables. Même Madonna en a pris pour son grade sur une cover débridée et punk de son « Beautiful Stranger », qui n’a jamais été aussi jouissif. Puissant et essentiel !

Changement radical de style avec l’arrivée de Loyle Carner. Dès sa première chanson, les beats puissants et le flow hip-hop impeccable de l’artiste font mouche et voient les corps se mouvoir sans pouvoir résister. Tantôt old school, tantôt rigoureusement ancré dans des sonorités beaucoup plus actuelles, ce poète de rue déploie toute sa verve en parcourant la scène de long en large, haranguant la foule qu’il hypnotise radicalement. Une nouvelle fois, nous sommes confrontés à un musicien comme on en voit trop peu dans les festivals, et le professionnalisme doublé d’une générosité et d’un respect aussi vivants de ce petit génie du rap, seul au micro ou en battle avec son DJ, fédèrent le public avec une facilité déconcertante. À tel point qu’on le sent ému et comblé devant la sympathie et l’admiration de chaque spectateur présent ; un accueil largement mérité, tant le show qu’il nous est donné d’admirer fait un bien fou et frappe les cœurs et les esprits au travers de rythmes percussifs et immersifs. On sait dès lors, et sans aucun doute, qu’on est devant un phénomène qui mérite d’éclater au grand jour et saura réconcilier les plus réticents avec un genre parfaitement mis en valeur ce soir. Un coup de maître radical. Big up !

Maintenant, imaginez un mélange de hip-hop dopé aux hormones et d’instrumentaux saturés de distorsion et de pulsations ; vous aurez une petite idée de ce que Rat Boy a en réserve pour réchauffer l’ambiance qu’une température capricieuse a installée. Une fusion qui fait sourire sur le papier mais qui, devant nos yeux, devient une réalité proche de la transe. Mélangeant les genres avec brio et, surtout, un besoin presque vital d’expulser et d’exulter, le groupe anglais déroule ses compositions pour en faire les tapis rugueux d’un dancefloor survitaminé. Déchaînés, les quatre musiciens s’en donnent à cœur joie sur scène, avec une folie bientôt contagieuse. Dopées à la sueur et aux amphétamines, leurs chansons se boivent comme une energy drink qui coule tout seul avant de faire rapidement effet. Que ce soit dans un reggae complètement barré ou une tendance punk désarmante dans son admirable goût de la surprise, Rat Boy métamorphose une simple lecture de ses titres en vague subversive et précise. Un torrent rock fulgurant et qu’on aura du mal à oublier (et encore moins avec l’arrivée impromptue de Loyle Carner pour un featuring aussi bref que percutant), pour un projet que l’on suivra de très près dans les mois et les années à venir.

S’il y a bien un groupe qui réussit à mettre l’ambiance rien qu’en faisant ses balances, c’est bel et bien Twin Peaks ! On sent le besoin viscéral, chez ces gaillards, de jouer dès que possible et d’exulter en quelques secondes avant une explosion rock franche et directe (du gauche). La baffe est d’autant plus fabuleuse qu’elle est spontanée et particulièrement bien assénée, ce qui nous laisse groggy avant qu’une poussée d’adrénaline ne vienne nous remettre les idées en place. La musique de Twin Peaks fait trembler le cortex et tous nos os, dans une frénésie excitante et démentielle. Ne tenant jamais en place, les Américains enchaînent les riffs de manière métronomique et hurlante, dans un raz-de-marée entre bruit fracassant et mélodies démentielles bientôt hors de contrôle. Ce n’est plus un show ; c’est carrément une poussée dans les cieux orageux du genre, pour un impact programmé et inévitable. Comme se prendre un mur en pleine face et vouloir, malgré tout, y retourner une nouvelle fois pour le choc. Eux sont là pour l’extase, sous toutes ses formes ; et, très honnêtement, qui s’en plaindra ? À vivre et revivre de toute urgence !

Un grand merci à la formidable équipe de l’association Melos Nova, organisatrice de cette 5e édition du festival l’Ère de Rien et tout particulièrement à Ludovic Rétif, Mélanie Arribas et Maxime Pascal pour leur accueil, leur disponibilité et leur enthousiasme.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.