[Live] Arno au Rockstore de Montpellier

Lui : Et si vous cessiez de me taper l’épaule ? C’est agaçant à forceVous m’aimez ou quoi ?
Elle : Oh pardon, je suis tellement nerveuse, vous comprenez ARNO en vrai ! C’est la première fois !
Lui : Je comprends, pas de souci mais évitez quand même de me la déboîter !
Elle : Ah oui, l’épaule ! Promis. Et si je vous offrais une pinte pour me faire pardonner ?

Arno © Jean-Michel Faure
Arno © Jean-Michel Faure

J’allais accepter quand les lumières de la salle commencèrent à faiblir et que le brouhaha des 800 spectateurs se figea dans une sorte de silence… C’était le signe, il allait arriver. « Une prochaine fois, peut-être ! », avais-je répondu à la femme d’à côté qui ne m’écoutait plus, déjà toute égarée dans les brumes d’Ostende, à la recherche d’une île.

20h15 : le Rockstore de Montpellier est maintenant plongé dans un noir désir mais pour seulement un bref instant… La scène s’éclaire en touches successives de spots colorés révélant çà et là les quatre musiciens et, déjà au micro, le chanteur argenté.
Cris, applaudissements, sourires, impatiences dans les jambes. Et puis, du fond de la salle, des « On t’aime » gueulés avec sincérité. Imperturbable, Arno en profite pour se gratter la tête et admirer ses bottes.
« Ask Me For A Dance » est le premier morceau qu’il chante… Les hommages à une Bruxelles meurtrie viendront un peu plus tard. Quadras, quinquas, sans âge (qui ne les faisaient pas), tous tressautent maintenant au moindre riff rageur. Les plus jeunes (et il y en a beaucoup) font de l’air guitar en se tordant les lèvres. Les yeux des femmes brillent. Les tapes sur mon épaule rappliquent en rythme aléatoire. Mais je n’en ai rien à foutre, désormais. Chante, Arno, chante !
« Now She Likes Boys » (pour sa factrice, lesbienne comme lui), « Une chanson absurde » (où il est question d’une mouche qui louche et d’un renard qui fume un pétard), « Meet The Freaks », « Elle adore le noir »… Tout s’enchaîne dans un bonheur électrique avec, en alternance, des mots pour nous faire rire.

Aaah, sa grand-mère, celle « qui avait des couilles, moi je les ai sous les yeux maintenant » et cette mouette étrange qui ressemble à son oncle et qui vient frapper les carreaux tous les jours à 11h00. Haha, sacré Arnold Charles Ernest !
Chante encore, Arno, chante encore ! « Death Of A Clown » (reprise tempétueuse des Kinks), « Santé » (à tous les cocus du monde entier)… Avant que d’évoquer toute l’horreur terroriste qui frappait la Belgique. « J’ai écrit une chanson, il y a longtemps, clame-t-il. Bon…On va la faire maintenant. « Brussels », Ouais, elle est belle ma ville ».

La salle écoute attentivement, sans cesser de tressauter, sans briquets allumés. Génial est l’hommage comme est la colère.
Puis, Arno continue d’égrener les titres de son dernier album, « Human Incognito » : « I’m Just An Old Motherfucker » (mais non, mais non !), « Please Exist » (lui l’athée !), « Je veux vivre » (où les pessimistes sont contents), et tant d’autres bijoux d’un rock presque nostalgique.
Peut-être 21h30 ? Changement d’ambiance. Les spots bigarrés sont maintenant éteints, juste un faisceau blanc troublé par la poussière éclaire l’homme accroché à son pied de micro. Arno va nous plonger dans les « Yeux De Sa Mère ». Il me semble percevoir des bribes de sanglots qui se veulent pudiques. Fais chier, Arno, de nous faire pleurer… Mais bon, on ne t’en veut pas ; et puis, ça fait du bien de verser quelques larmes.
À nouveau, des lumières plein la gueule et, à nouveau, des notes énervées… « Dance Like A Goose », « Oublie qui je suis » (surtout pas), « Putain Putain » (nous sommes quand même tous des Européens !). Et puis en enchaînement « Les filles du bord de mer », la reprise de l’autre belge… Adamo. Et alors, c’est du tsoin-tsoin. Et alors, ça dodeline, formant une houle humaine immensément heureuse. Tout le monde chante, et voilà que notre crooner ne crâne plus car il en oublie les paroles ! Qu’importe, il finira en faux russe parfait.
Il est maintenant l’heure pour Arno de songer à se replier en backstage. Présentation des compères de scène. Remerciements fournis. Repli sans éloges dans les loges pour reposer les corps et les cœurs.

Putain, que c’est moche, une scène sans vie ! Alors merde, Arno, reviens, nous sommes déjà en manque de ton rauque and roll ! Allez, juste un dernier pour la déroute ! Le Rockstore vibre à grands coups de sifflets et d’applaudissements. Quatre, cinq minutes peut-être, dans cette salle d’attente au vacarme désiré. Et il revint enfin !
Quel rappel ! L’incontournable « Bathroom Singer » transforme la scène en salle de bien.
Tu vois, Arno, toi qui disais que « les hommes sont en grève », eh bien, ce soir, ils dansent grâce à toi, ils dansent avec toi, ils happent ta liberté… Ce soir, ils sont heureux. Et les lumières se rallument. Définitivement. Après près de deux heures de set !
Le Rockstore, hagard du nord, se vide mollement, sans le vouloir vraiment. Certains choisissent les bars pour espérer « voler très haut, libre comme un poisson dans l’eau », et d’autres le silence pour poursuivre le même rêve.
Dernière tape sur l’épaule, mais j’allais l’ignorer. Je pensais à ma mère.
La rue est bien sombre, mais je m’y engouffre avec douceur pour rejoindre, là-bas, près du Lez, le fleuve qui traverse Montpellier, ma voiture qui m’attend.
En moi résonnent des sons pleins de folie et une voix de rocaille qui vous marque à jamais.
Arno, ce fut un honneur. Arno, ce fut un bonheur.


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Jean-Michel Faure

Quand une musique me renverse le cœur, je pleure parfois, je danse souvent, mais surtout j’écris encore et encore pour qu’elle ne cesse jamais.