[LP] Aidan Knight – Each Other

Avec sa voix ensorcelante, Aidan Knight chante la joie et le chagrin sur les huit pistes que compose « Each Other », un nouvel album sublime et languissant.

 Aidan Knight - Each Other

Il ne manque pas d’air, et d’espace aussi. Aidan Knight nous vient de cette partie du monde où les paysages sidèrent. Victoria, en Colombie-Britannique, échouée sur l’île de Vancouver, avec ses couleurs coloniales, ses maisons pointues et son doux climat qui fait éclore les parterres de fleurs. Autant dire que l’inspiration ne doit pas manquer. C’est probablement sous cette impulsion – parmi tant d’autres – qu’Aidan et sa bande ont traversé le Canada pendant un an pour enregistrer « Each Other », enrôlés par Marcus Paquin, qui avait déjà travaillé avec Local Natives, Arcade Fire et The National. Ce beau monde a pris soin de développer chaque chanson en rassemblant l’énergie nerveuse des concerts avec des textures feuilletées qui pourraient seulement être capturées en studio. « Marcus a su guider ma collection indisciplinée d’idées et ma personne parfois impulsive avec une patience remarquable. Il été comme un nouveau père », dit Aidan.

De ce fait, l’enchevêtrement des deux esprits forme un album ambidextre, qui écrit d’une main une musique pop-rock de feel-good movie (« What Light [Never Goes Dim]», « The Arp ») et de l’autre une tendre mélancolie (« All Clear », « St. Christina ») que la voix grave et chavirante du Canadien enrobe d’une aura à la fois aigre et douce, comme celle ressentie dans les bras de l’hypnotique Alexi Murdoch (Time For Consequence). « Je voulais entendre les idées comme elles se formaient. Le résultat est une collection de chansons qui reflète ce que nous étions à ce moment-là. Il y avait des moments prolongés d’obscurité et d’incertitude, mais aussi de la vraie joie sans complexes. » C’est par définition quelque chose d’assez récurrent dans le processus de création ; ce moment à cheval entre l’optimisme et son contraire. Il ne devrait même pas s’expliquer ou même se prévoir, à défaut de se retrouver avec une œuvre lisse et fade, sans aucune nuance. Il crée, sublime et peint ce qu’il y a de plus bénéfique pour une œuvre : le fourvoiement.

Une chose attire l’attention. Celle-ci explique plus encore l’analogie avec Murdoch : longtemps un projet n’aura autant misé sur la voix de son auteur, véritable fil conducteur pour les chansons. Les arrangements deviennent alors un prétexte et galvanisent la dimension langoureuse de l’album, qui se délite dans quelque chose de sensuel. Ce ressentiment n’est peut-être pas sans raison puisque Aidan plonge ses textes dans l’intimité de sa vie, de son imagination et de ses observations : « Il est agréable de garder un journal. Je ne l’ai jamais fait moi-même, mais j’en garde l’envie. Vous pouvez y documenter le temps et la mémoire… ». Chose qu’il fait en nous, par procuration.

crédit : Brian Van Wyk
crédit : Brian Van Wyk

« Each Other » d’Aidan Knight est disponible depuis le 22 janvier 2016 chez Full Time Hobby / [PIAS].


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante