[LP] Marika Hackman – We Slept At Last

Le folk new-age de Marika Hackman nous lapide le cœur à coup de spectres fumants. Sa douceur n’a pas fini de nous hanter, jours et nuits durant.

Marika Hackman - We Slept At Last

C’est de cette chose incroyable, de cette attirance physique d’apparence anodine que vient l’impression de détenir la perle rare. Si seulement on pouvait parler d’impression. La certitude est ici de circonstance. En mettant de côté le visage angélique de Marika (qui omet toute répulsion, au contraire même), on s’attache tout de suite au bleu irradiant de la pochette de son album, et à son pied, délicat, qui pend du haut du matelas. On encaisse, les yeux ballants et la bouche béate, une sensualité hors-norme et précoce. On s’imagine qu’on la rejoint sous les couvertures, sans penser une seule seconde qu’elle puisse, du haut de ses 22 ans, nous murmurer les plus belles berceuses que nos mères ne nous ont encore jamais contées.

Marika a muté. Oui, sa musique s’est décantée, a pris l’air du downtown londonien que l’on respire vers Dalston, les soirs de veillées intensives. « Bath Is Black », son premier EP, acclamé comme le folk nouvelle génération, suivait une part d’onirisme appuyée que son premier album n’assume pas, ou bien dénigre un peu du fait de sa finalité, beaucoup plus torturée. Alors que tout était étincelant (« I’ll Borrow Time », « Bath Is Black »), « We Slept At Last » est lancinant, sombre et écarte toute naïveté. Est-ce la marque de la maturité ou simplement celle d’une évolution prévue (ou subie) par les inspirations de la belle Anglaise ? Sûrement. Du moins, Marika semble avoir pris du recul pour composer son premier bébé. Du recul sur l’air ambiant, sur les tendances, sur l’émotion, sur sa vie de jeune artiste. Parler d’accomplissement serait peut-être trop tôt, et assez injuste vis-à-vis de ses congénères. Marika sait où elle va, c’est indéniable. Avant même de prendre des gants (album après album), elle décide de viser droit, là où ça fait mal. Le coeur s’emballe, le talent aussi.

Sans conteste, la sensualité de l’album reste le point culminant, la cible qu’elle voulait. Nous pensons alors à « Blue » de Joni Mitchell (le féminisme en moins), à cette langoureuse mélancolie, attraction brassée par le noir et la passion amoureuse. Mais Marika essaye, comme pour éviter l’étiquette du genre. Elle développe un mélange folk new-age incroyable, suave et transpirant les années 70. Les lourdes basses de « Open Wide », piste étonnante et subtilement produite, en sont les principaux exemples. Viennent alors les rêveries (Before I Sleep, Skin), les penchants aigres-doux (Drown) et l’instinct animal de « Animal Fear ». Parler de beauté serait un euphémisme.

Marika Hackman

L’évidence apparaît, comme une providence : elle redéfinit le genre. Nouvelle déesse des temps qui courent, on est pendu à sa voix comme une loque. Mitraillé, désemparé. On finit l’album ensorcelé : « Let Me In » est une invitation déguisée en piège, mais on cède comme à l’appel d’une sirène. Langoureuse, elle nous réserve d’autres miracles.

« We Slept At Last » de Marika Hackman, disponible depuis le 16 février 2015 chez Dirty Hit.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante