[Interview] Rae Morris

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Récemment nominée pour la prestigieuse playlist BBC Sound of 2015, Rae Morris est l’une des révélations annoncées de cette année. La jeune artiste originaire de Blackpool vient de terminer une tournée européenne aux côtés de George Ezra. À l’occasion de son passage à Paris en première partie du nouveau roi du folk anglais, une occasion très rare de la voir se produire sur scène en France, Rae Morris a accepté de nous confier les secrets de son premier album « Unguarded », qui sort dans quelques jours Outre-Manche. C’est d’ailleurs la toute première interview qu’elle réalise pour un média français

Rae Morris

  • Tu as travaillé sur la création de ton album avec le célèbre producteur Ariel Rechtshaid; comment cette rencontre a-t-elle pu se réaliser ?

Nous nous sommes rencontré grâce à mon label, ce qui est une très bonne chose. Il y a des avantages et des inconvénients à faire partie d’une major, mais l’un des points forts de ces gros labels est qu’ils connaissent les bons interlocuteurs et donnent les moyens de les rencontrer. On s’est très vite bien entendus ! Je suis allé dans son studio à Los Angeles pendant trois semaines pour enregistrer et produire l’album avec lui, pendant l’été 2013. Ariel a fait du super boulot, déjà en tant que producteur ; il est très talentueux !

  • Ton label est important en effet, puisqu’il s’agit d’Atlantic Records, qui appartient à Warner Music. Quel est le secret pour séduire une telle maison de disque alors que tu es si jeune ?

J’enchaînais simplement les petits concerts, seule au piano et au chant ! En fait, quand je suis sortie du lycée, j’ai immédiatement commencé à jouer dans des open-mics ou des petits sets dans des pubs et des clubs. Je jouais juste mes chansons devant quelques personnes, encore et encore. Petit-à-petit, je pense que les labels à Londres ont commencé à s’apercevoir que j’existais et aimer ce que je réalisais. Puis j’ai eu la chance d’être contactée par Atlantic Records et donc la Warner. J’ai signé en 2012, quand j’avais 19 ans.

  • Il paraît que tu travailles sur ton album depuis que tu as 17 ans…

C’est presque cela ! En fait, quand j’écrivais à ce moment-là, je ne savais pas encore que je préparais un album. Mais j’ai décidé de mettre certaines de ces anciennes compositions sur le disque. Ce sont celles que je préfère, parce que ce sont les plus pures je pense. Je ne savais pas réellement ce que je faisais, c’était un peu pour déconner à l’époque, mais je pense que justement, dans un certain sens, ce sont les chansons les plus pures que j’ai réalisées, celles qui me définissent le mieux. Donc je les adore !

  • La musique semble donc être présente dans ta vie depuis ton plus jeune âge. Comment tout cela a-t-il vraiment commencé ?

Oui, c’est exactement ça ! J’ai démarré une formation classique au piano dès mes quatre ans. J’ai gravi quelques échelons, mais je n’avais pas vraiment envie de devenir musicienne dans le classique. Il y avait beaucoup trop d’embûches et de pression. C’est en chantant que je me suis réellement trouvée en tant qu’artiste. J’ai beaucoup de chance d’ailleurs, car ça m’a rendu bien plus heureuse par la suite. C’est quelque chose que j’ai découvert par moi-même sur le tard et pour laquelle j’ai appris et progressé seule. Cela libère beaucoup plus et c’est bien plus excitant de se découvrir de cette manière ! C’est ainsi que je me suis retrouvée à jouer dans quelques groupes au collège et au lycée. Mais, à ce moment-là, je ne chantais pas encore pour les autres, je n’étais que pianiste… Et cela ne me plaisait pas trop  de ne pas être la leader et la chanteuse !  Le vrai départ a été quand j’ai commencé à écrire ma propre musique, c’est à partir de là que tout à changé.

  • Quels artistes t’inspiraient alors, quand tu t’es lancée dans l’écriture ?

Quand j’ai commencé à écrire, j’écoutais énormément des auteurs, compositrices et interprètes comme Feist, Cat Power et PJ Harvey, ou dans ce genre.

  • Tu as déjà sorti 6 EPs jusqu’à aujourd’hui, et ce en seulement quelques années. C’est comme si ta musique n’avait cessé d’évoluer depuis, d’abord très acoustique puis de mieux en mieux produite et pop. Aujourd’hui « Closer » ne sonne pas vraiment comme « Grow ». Qu’est-ce qui t’a amenée aux dernières compositions que tu as proposées ?

Quand on débute, on ne connaît pas grand-chose en terme de production et de travail en studio. C’est assez étrange d’ailleurs, parce que les gens attendent qu’on sachent tout sur tout. Donc je devais savoir ce que je voulais montrer, ce que je voulais faire, comment mon son devait se définir au-delà de moi et de mon piano. Je pense donc qu’au fur et à mesure de cet apprentissage, mes compositions se sont développées, ont changé. D’une certaine manière, sur mes EPs, j’expérimentais en public, j’essayais de nouvelles choses, de savoir comment tout ça fonctionnait. Je pense que l’album est le résultat final de tout cela. Je souhaiterais que ceux qui l’écoute puissent imaginer qu’ils ont été dans une sorte de voyage plein de découvertes jusqu’à présent, à mes côtés.

  • Parmi ces EPs, y en a-t-il un qui fait figure de déclic dans la quête de ces sonorités ?

Oui absolument, et je pense que c’était l’EP « Grow ». Je l’ai réalisé avec un ami, Fryars. C’est un artiste tout comme moi, et il l’a produit. Quand nous l’avons réalisé, je me suis tout de suite dit que la musique me correspondait, que toute la mixture électronique que l’on ajoutait me représentait parfaitement. Après cela, tout semblait prendre forme et nous avons réalisé l’album.

Rae Morris par Mauro Melis

  • Quel est ton processus de création ? Le piano est-il toujours un point de départ ?

Oui, je débute toujours avec des accords de piano ! Je commence à composer une chanson assise devant mon clavier, ou j’applique le même système directement sur mon ordinateur. Je ne fait pas d’autres arrangements pour le moment, mais je commence à m’intéresser de plus en plus au travail de production.

  • Tu as une voix très personnelle. Est-ce quelque chose  de primordial et que tu as beaucoup travaillé ?

Merci ! Plus jeune, j’avais toujours pensé que ma voix était très faible et trop différente des autres filles. Comme tu le sais sûrement, les filles ont souvent cette grosse voix forte et puissante, très stéréotypée, et qu’on veut tout le temps qualifier de “soul”. En fait, je n’ai pas ça du tout, donc ça me rendait un peu timide à côté des autres. Mais finalement, quand j’ai trouvé le ton que je voulais, j’ai fini par comprendre que je pouvais très bien chanter à ma façon.

  • Tu as posé ta voix sur le dernier album de Bombay Bicycle Club, dont le single “Luna”… Comment ce projet s’est réalisé ?

C’était en 2012, je venais d’avoir 19 ans et d’obtenir mon bac. Alors que j’étais en tournée, j’ai été invitée à réaliser quelques premières parties pour Bombay Bicycle Club au Royaume-Uni. Comme c’était une période pendant laquelle je débutais en studio et que je réalisais mes EPs, je cherchais encore mes marques et ils m’ont aidée en me proposant de chanter sur leur album. Nous avions une amie commune, Lucy Rose, une autre artiste, ce qui a facilité les choses. En fait, nous nous sommes très vite bien entendus ; aujourd’hui, ce sont de très bons amis. Avec eux, la connexion a toujours été très naturelle. En fait, c’est uniquement dans ces conditions que j’essaye de travailler avec d’autres artistes. Il ne faut jamais forcer les choses pour qu’elles fonctionnent !

  • Avec qui d’autres rêverais-tu de travailler désormais ?

C’est assez difficile à dire. En réalité, il y a beaucoup de gens que j’admire. Il y a tellement de musiciens que j’écoute et que je suis avec intérêt, mais travailler ensemble est totalement différent. Je pense qu’il y a en a peu avec qui cela pourrait vraiment fonctionner. Cependant, je suis une très grande fan de Coldplay, donc si il y a une chose que j’espère, c’est de pouvoir un jour réaliser quelque chose avec Chris Martin ou quelqu’un comme lui ! Ce serait génial.

  • Quel est le prochain britannique qui va faire du bruit selon toi ?

L’année dernière a été très excitante. Il y a James Bay au Royaume-Uni, qui est un peu similaire à George (Ezra), qui a fait mes premières parties dans le passé et qui explose en ce moment. C’est super de voir cela se produire. Il y a aussi un fille qui s’appelle Marika Hackman ; elle sort un album bientôt et je suis impatiente ! Elle est très “indie and cool” !

  • George Ezra, que tu accompagnes en ce moment en tournée ! Et te voilà donc en concert à Paris. Une première pour toi ?

C’est la deuxième fois ! J’ai déjà joué ici il y a deux ans avec Fink. C’était le premier concert de sa tournée, la salle était magnifique mais je ne me souviens plus de son nom. Je devrais, car j’ai vraiment apprécié ce premier passage à Paris. Mais ça va me revenir ! (NDLR : 6 novembre 2012 au Cabaret Sauvage).

  • Comment vis-tu cette tournée avec George Ezra ?

C’est génial. Nous sommes arrivés il y a deux jours parce qu’il devait jouer au Grand Journal. La journée d’hier a été super, je n’arrive pas à croire que ce soit presque fini. Nous n’avons plus que trois concerts à faire. Ça fait bizarre après deux mois de tournée commune, c’était si intense. J’ai fait toute la tournée avec lui dans son bus, avec ses musiciens et son staff. J’ai l’impression de faire partie de la famille maintenant. C’est vraiment formidable !

Rae Morris par Mauro Melis

  • Est-ce la tournée la plus importante que tu as eu la chance de réaliser jusqu’à présent ? Y-a-t-il d’autres grands moments vécus sur  scène que tu retiens particulièrement ?

Je pense que toutes ces tournées ont été différentes, mais oui, celle-ci a été particulièrement importante puisqu’elle m’a permis de rencontrer des gens comme toi. J’ai l’impression que c’est également une opportunité unique de présenter ma musique au reste de l’Europe, en dehors du Royaume-Uni. Je n’ai jamais vécu ça auparavant. Surtout que George a des supers fans, qui sont très intéressés par les nouveautés musicales : ils sont venus me voir jouer et ont été très respectueux à mon égard.


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ENGLISH

We met Rae Morris in Paris a few weeks ago while she was supporting George Ezra on his European tour. She introduced her debut album ‘Unguarded’ which is coming out Monday in the UK.

Rae Morris

  • Your debut album is coming out in a few days. You worked on it with Ariel Rechtshaid, a huge producer who worked with Vampire Weekend and Haim. How did this happen?

We actually met through my label, and I think it’s a good thing. When you are on a major label I guess there are good things about it and bad things about it. One of the perks of being on a major is that they know these people and a way to get out there to meet them. It turned out really great, and we got on really well. Ariel has done a lot of cool stuff as a producer! I went out to America because he is based in Los Angeles and I made the all body of work with him there. I was there for three months, two summers ago. He’s a really talented guy!

  • Your label is quite important actually: you’re signed on a Warner Music label: Atlantic Records. How did they find you?

I was doing a lot of gigs on my own, just playing piano and singing. When I first started out, I left college and went to open mic night, gigs in small pubs and clubs, where I just kind of played my songs to anybody over and over again. Then gradually I think the labels in London started to recognize I was doing something so I finally got in touch with Atlantic Records and Warner and got signed in 2012, when I was like 19.

  • Is it true that you’ve been working on your album since you were 17?

Well, there are actually a few songs on the album that I wrote when I was 17. They’re the ones that I love the most because they’re the purest ones. I mean it was like I didn’t know what I was doing. I was just kind of messing around and in a way that’s when it’s the most pure and exactly who you are. So I love them!

Rae Morris - Unguarded

  • So it seems that everything started very early! How did you first get into music?

I had some classical training on piano since the age of four. I did the piano grades to grade 7 [of 8 grades in the Royal Schools of Music exams] but I didn’t want to be a classical musician. It just felt like too much pressure. Finally with singing I found myself and I feel very lucky because I enjoyed it so much more. It was something I’ve kind of discovered and I got to teach myself how to do it. That’s always more freeing and exciting to find it. Then I was in a few band in college and at school but I didn’t sing then, I just played piano and keyboard. But I didn’t like it you know, not being the lead singer! So I think the most important moment was when I started doing my own music, when I wrote my first song. That was when it all changed.

  • And who were your faves and most inspirational artists at that moment, when you started ?

When I started to write, I listened to a lot of female singer-songwriters like Feist, Cat Power and PJ Harvey, people like that.

  • You released like 5 EPs so far, and it’s like your music has been developing gradually until now. Closer doesn’t sound like Grow or Don’t Go…

When you just start you don’t know anything. I didn’t know how I had to be in the studio. And it’s quite strange because people expect you to know everything about everything. I needed to learn how to be and what I wanted to do, and also what the sound is gonna be other than just me and the piano. I think then the production and the way they’re recorded has always been developed and changed. In a way, on my EPs, I was publicly experimenting and trying out new things and seeing how it worked. I think the album is the final part of it and I would love people to be able to feel like they’ve been on a journey of discovery with me basically.

  • So, what was the EP where you think you definitely found the sound you wanted to make?

It was the Grow EP that I made with a friend of mine called Fryars. He’s an artist as well and he produced that. When we made that EP I was like « Oh ! This is who I am!” like this kind of mixture of electronic music as well. After that we made the album and it made sense.

  • What’s your writing process actually? I mean, does it always begin with a piano?

Yes, always with piano chords! I’ll sit at the piano or on keyboard with my computer. I don’t play any other arrangement but I have most recently been right in on Logic [software] and on the computer and thinking about the production more as well.

  • You have an amazing and very personal voice. How did you manage to sing like this?

Thank you! I always felt like my voice was very weak, and just different to the other girls, you know the girls have sometimes big, powerful, strong voices that are quite stereotyped called « soul voices ». I don’t have that at all so I was really kind of shy. But when I found a sound that I actually wanted to sing, then I found that I could sing it on my own way.

  • You already worked with bands like Clean Bandit, and also sang in some songs of the last Bombay Bicycle Club album. What’s the story of this collaboration?

It was in 2012 when I just turned 19 and I just finished doing my A-Levels. Then gradually I just continued to tour and I supported Bombay Bicycle Club on their UK tour. It was when I started to try a bit of recording and made some EPs. I was basically just trying to figure out what it was that I wanted to do. I actually met them through a girl called Lucy Rose. She is a really good friend of mine. So I got to sing on their album and stuff so it’s very cool and we’re good friends now. With people like that, the connections have always been really natural. I only kind of work with someone if we’re real friends, actually. You shouldn’t force something to work!

Rae Morris par Mauro Melis

  • Well, so now, what would be your next collaboration, if you could make a new one?

It’s really strange because there’s a lot of people I admire. There are so many musicians I listen to and care about, but when you work together, it changes everything. So I think there’s a few people I would like to keep just as the final. But I really am a massive Coldplay fan. I always wished one day that I get to do something with Chris Martin and all or somebody like that. That would be amazing.

  • What are you listening to right now? Is there new act you really love in the UK?

This year is actually really exciting. There is a guy James Bay in UK who is kind similar to George (Ezra) and that supported me in the past. He’s doing very well and that’s really good to see that happening. There is also a girl called Marika Hackman and I’m really excited about her album she’s really indie and cool.

  • You’re playing with George Ezra tonight in Paris… Is it your first time here?

It’s my second time actually ! I played here two years ago with a band called Fink. It was the first night of the tour, in a pretty venue, but I can’t remember what was the name of it… I should! This time I’ve been here I actually enjoyed. But I will find out aha!

  • How is it to be on tour with George?

It’s great. We arrived two days ago in Paris because he had to play at a TV show, Le Grand Journal. All day yesterday was just lovely. But I can’t believe it’s over. We have three more gigs left. And I’ve been on tour with him in the UK in October as well so this is our second month of touring. And I’ve been on the bus with him and his band and crew I’m feeling like part of the family now. So It’s been wonderful.

  • Is it your most important tour so far, or are there other big moments you remember as the best in your career?

I think they’re all different, in different ways and I think this has been really important because I’ve got to meet people like you and I actually feel like I’m introducing myself to the rest of Europe not just the UK and I feel like I never got the opportunity to do that before. George has amazing fans and they’re really interested in new music they went and watched me and have been very respectful.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens