[EP] Atlas Crash – Driving In The Fog

Trois titres à l’impressionnante maturité, où pop et rock se confondent et se mélangent au travers d’arrangements rendant plus infime la frontière qui les sépare.

Atlas Crash - Driving In The Fog

On est en droit de s’interroger, parfois, sur la pertinence d’un EP ne contenant que trois titres et dont la longueur totale ne dépasse pas les seize minutes. Ou de se demander si celui-ci est réellement représentatif de l’art de ses créateurs. Est-il trop court ? Est-ce une preuve des limites d’un groupe ou d’un compositeur en solo ? Et surtout, que se passe-t-il de si intéressant pendant son déroulement, laissant présager ce qu’il adviendra par la suite ? Le premier effort des Parisiens d’Atlas Crash, lui, ne nous permet pas de nous poser ce genre de question, tant son contenu est aussi puissant que n’importe quel album fait par des musiciens n’osant pas pénétrer profondément dans leur style propre. Ici, tout est direct et vise à la perfection dans l’émotion et l’expérimentation. Imbriqués dans ce « Driving In The Fog » sans temps mort ni respiration, les éléments suscitent en nous une admiration que l’on essaie toujours, après plusieurs écoutes, de comprendre. Et on ne va pas s’en plaindre.

On ressort de cet EP autant épuisé qu’heureux d’avoir évolué au milieu de ces brumes pop délicates bientôt enfermées dans une tourmente rock à fleur de peau, qui s’immisce sans jamais s’imposer. « V.O.L.E » commence ainsi comme un titres aux influences écossaises marquantes, mais avec une capacité supplémentaire à inspirer aussi bien la cendre d’une terre déserte que les gouttes d’un crachin purificateur où les chœurs lointains sont autant de mantras permettant d’invoquer les esprits des défunts. Une entrée en matière qui, à elle seule, résume les prémisses du talent évocateur d’Atlas Crash, laissant jaillir les guitares sur un lit organique délicat et piquant. « Driving In The Fog » appelle un rock plus épuré mais tout aussi captivant, entre désillusion et volonté de continuer à avancer, à évoluer dans ce brouillard de l’esprit pour atteindre une destination aussi vivante que mystérieuse. « Babydoll », fausse ballade folk contenant cette passion liée à la destruction, mêle élans rock et acoustiques avec une force imaginaire et illustrative qui nous laisse sans voix, exhibant ses cicatrices du cœur comme autant de marques indélébiles sur nos peaux blêmes.

La voix d’Imade E., tour-à-tour confidente et éloquente, est à elle seule d’une musicalité frappante et dense. Sûre d’elle et téméraire, elle conte en affirmant ses constats et regrets de manière presque litanique, ses histoires d’hommes confrontés à leurs démons et à leurs expériences intérieures. Bouleversante et affirmée, elle devient cri dans les derniers instants du désespoir ; un saut dans le vide où le chant retentit en écho, alors que la vitesse du corps soumis à la gravité s’amplifie. Apportant à « Driving In The Fog » ce supplément d’âme que les harmonies complexes avaient déjà suggéré, ainsi qu’une tonalité dramatique ou issue d’un film tragique et noir, le timbre se fait confiant et suggestif, pénétrant nos corps et nos âmes en y versant une eau froide et paralysante.

On demeure en transe après la découverte de cet EP risqué, osé mais tellement maîtrisé, fissurant les murs du son pour n’en conserver que le ciment le plus mélancolique et bercé de désillusions. En regardant loin vers l’avant, au-delà de la brume, pour distinguer les formes fantomatiques qui se cachent dans les nuages lourds et bas de l’avenir d’une musique qui file entre deux feux, entre lumière pâle et grisaille des univers qu’il traverse.

Atlas Crash

« Driving In The Fog », mieux que de se suffire à lui-même, est une boucle continue vers le plaisir de la dramaturgie musicale ; un road movie dont on ne sort pas indemne, sur lequel poussière et eau ne font plus qu’un et que l’on parcourt en sachant, malgré les éléments que l’on doit braver, qu’on tient là un disque mémorable et terriblement attractif, nous emmenant toujours plus loin dans l’œil apaisé du cyclone.

« Driving In The Fog » d’Atlas Crash est disponible depuis le 24 décembre 2014 chez No Clappin!


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.