[LP] Glass Ghost – LYFE

La rencontre de deux têtes pensantes hyperactives dans leurs projets respectifs, pour un choc électro et soul totalement inattendu dans le paysage musical actuel.

Glass Ghost - LYFE

Multiplier les genres de prédilection afin de constituer une œuvre d’art aux multiples facettes ; s’offrir les collaborations les plus ambitieuses et intimes ; travailler sans relâche et tirer les expériences de styles apparemment opposés ; soit, relier les cultures pour les brasser et les transfigurer. Elliot Krimsky (Here We Go Magic) et Michael Johnson (Dirty Projectors) ont, depuis cinq ans et leur premier album sous le nom de Glass Ghost, « Idol Omen », parcouru des routes aussi originales que surprenantes, tendant des fils incongrus et enrichissants, que ce soit en partageant des scènes de festivals de jazz ou en jouant aux côtés de figures indie pop à l’opposé de tels courants (Belle and Sebastian, Elbow), là où l’improvisation engendre la passion créatrice. Et, à l’écoute de « LYFE », c’est bel et bien ce mélange qui saute aux yeux, qui charme les oreilles et passionne de par sa diversité toujours revendiquée et spontanée. Disque de l’épreuve autant que de l’éclectisme, il déambule au gré de psychés soul, pop et parfois funk, pour créer un univers chargé d’émotions variées et jamais ennuyeuses.

« LYFE » est en effet un album bilan, une synthèse de rencontres et de vécu parallèles, qui s’entrechoquent au fil de titres tous plus denses les uns que les autres. Ce qui paraît au premier abord être un mix entre électro et influence de Supertramp pour la voix (Life is for the Living) devient, grâce à la présence de chœurs presque angéliques et lors d’une montée en intensité profonde et délicate, le sillon d’un parcours semé de perles précieuses noyées par des rivières de larmes de plaisir. Balançant entre moments folk (Sound of Money, Bright Circumstance) et progressions funk doucereuses (Hearing the Sound), les 15 titres s’aventurent vers le blues (Heart Is My Own, Traveling With You) en s’accordant des pauses qui sont autant de courtes inspirations salutaires et impératives (LYFE Intro, Body-Loss, LYFE Outro, segments articulaires de l’ensemble).

Le duo explore ainsi tout ce que l’intime contient de cellules grises motivées par les atmosphères de la musique noire américaine, modernisant ses élans grâce au support de nappes synthétiques et de machines discrètes, afin de mieux poser les bagages musicaux lors de passations de pouvoirs calmes et suaves (Triangle, American Dollar). Mélancolique et lumineux, aussi discret que la flamme d’une chandelle bientôt entièrement consumée, « LYFE » ne souffre d’aucune psychose cachée, d’aucun trauma moral ; il épure, il distille le bien-être dans les veines artistiques et charnelles de l’humain, délivrant au compte-gouttes ses charmes francs et profonds.

Elliot Krimsky et Michael Johnson, en donnant le parfait successeur de leur premier coup de maître, livrent une introspection délicate et délétère. Ils répandent leur volonté d’apporter dans le paysage audiovisuel dont ils sont les acteurs sur différents niveaux (le premier est également artiste multimédia, tandis que le second maintient à la perfection son rôle de percussionniste au sein du groupe cité plus haut), enflammant les braises sublimes de tons orangés et confortables grâce à des voix rappelant les glorieuses 70’s, tout en délicatesse et vibration. Là où d’autres ne souhaitent faire revivre que le disco le plus immédiat (voire plombant) de ces tendres années d’insouciance et de transpiration, le duo préfère toucher l’essence même, l’origine culturelle de mélopées fascinantes et confondantes. Délivrés du poids médiatique qui paraît (inutilement) normal dans une démarche revival qui commence sérieusement à devenir lassante, ils privilégient une direction douce mais parfaitement innovante, un besoin d’exprimer des émotions brutes sans qu’elles soient sauvages, entêtantes sans qu’elles soient obsessionnelles.

Glash Ghost

Avec « LYFE », les deux artistes remettent en place beaucoup de groupes ne s’étant arrêtés qu’à la facilité dans le témoignage d’années bienfaitrices mais malheureusement perdues. Un digne porte-flambeau de la musique de l’âme et des bleus qui lui vont si bien.

« LYFE » de Glass Ghost, disponible depuis le 15 septembre 2014 chez Western Vinyl.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.