Ego Twister Party : chansons, synthétiseurs et bagels au Chabada

Nous étions vendredi dernier à la soirée au Chabada à Angers organisé par l’excellent label Ego Twister. Une soirée dont indiemusic assurait en partie la promotion via une série de quatre interviews adressées aux groupes s’illustrant sur les planches de cette scène angevine.
Revenons sur cet événement à la gloire des musiques électroniques au sens large et de l’originalité autodidacte.

Ego Twister

Moi et Fréd (photographe pour l’occasion) sommes arrivés un peu avant le début des hostilités afin de rencontrer les membres des différents groupes et de boire quelques bières avec ceux-ci. Nous avons découvert une tripotée de musiciens tous totalement accessibles et loin de toute prétention, à l’image de Ricky Hollywood dont le sens de l’humour va bien au-delà de ses chansons comme on pouvait s’y attendre bien entendu.

Ricky Hollywood

D’ailleurs, Ricky Hollywood et ses deux acolytes sont les premiers à fouler les planches du Chabada.
C’est accompagné de deux autres musiciens que le parisien entonne ses chansons, un guitariste oscillant entre ses cordes et un clavier ainsi qu’un autre claviériste sont là pour enrichir les compositions non sans mélodies et textes de Ricky.
Le groupe démarre très fort avec des morceaux impressionnant par leur puissance alors qu’ils ne sont que trois sur scène, des mélodies à la fois arabisantes et légèrement disco martèlent le plafond de la salle de concert alors que le chanteur se voit déshumanisé par un auto-tune.

Ricky Hollywood

Ricky Hollywood joue la carte d’un rock électronique parfois assez pêchu durant son set. On remarque nettement ses grands talents de batteur grâce à ses breaks rythmiques joués sur des pads au fil des morceaux. On retient aisément les textes du chanteur qui a décidément un réel talent d’écriture. On rit, on sourit et on en redemande.
Le groupe termine sur sa petite bombe « Je t’éclate la gueule » qui se voit récitée par les lèvres de nombreux spectateurs.
Le concert se termine et une question subsiste, quand cet artiste génial se décidera-t-il à sortir un album ?

Vient ensuite le tour du trio féminin EDH de monter les marches vers la scène.
Le groupe dévoile une musique extrêmement sombre et très sensuelle à l’image des différents albums proposés par la front-woman Emmanuelle de Héricourt assez proche d’un univers à la fois punk et gothique dans le sens noble et romantique du terme.

EDH

Le groupe file à mesure que ses chansons sont jouées, il y a une tension synthétique qui inonde le public avec les effets triturant la voix d’Emmanuelle et les synthétiseurs obsédants. On regrette cela dit les quelques écarts rythmiques d’une batteuse peut-être pas toujours au point, mais au final, s’en soucie-t-on vraiment ? Je n’en suis vraiment pas sûr.
L’important est que le combo EDH réussit à véhiculer des images et des sensations peu communes et pas suffisamment représentées dans le paysage musical français.

EDH

Durant l’entracte, nous en profitons pour nous enfiler quelques onctueux bagels préparés par la charmante Céline, et adorable épouse de Yan Hart-Lemonnier, grand machiniste d’Ego Twister et de cette magnifique soirée. Il faut dire que le bougre sait y faire en matière de promotions, offrir des centaines de bagels gratuits, ça taquine sérieusement le goujon !

Ego Twister Backstage

À ce propos, Gratuit entre sur scène seul, accompagné de son fidèle MS-10 et d’un séquenceur.
On peut dire que le set du Nantais était à mes yeux une vraie claque. Gratuit développe une tension et une électricité impressionnantes.
Durant son set, il a interprété des morceaux de ses deux albums, le plus ancien étant « Rien » et le dernier « Délivrance » mais dans des versions réarrangées pour le live. Ainsi, les chansons de « Délivrance » tels Feu et Tout Casser qui au sein du disque sont au final assez intimistes en un sens se voient dans le live explosives et très dansantes. Cela permet de se rendre compte de la capacité mélodique de ces compositions, Feu par exemple est un réel tube en soit.

Gratuit

On remarquera tout de même une différence entre les morceaux de « Rien » et de « Délivrance », il y a une violence bien plus ancrée dans les titres du premier disque, une violence se traduisant de toute évidence sur scène grâce aux textes moins obscurs et plus évidents pour le public, ce qui permet à la fosse de reprendre en cœur des refrains à la dimension quasiment mythique et prophétique. En ce sens « Je vais me suicider les oreilles » est un grand moment.

Gratuit

Il y avait quelque chose de rave à mon sens dans le concert de Gratuit. Moi qui suis trop jeune pour avoir connu cette époque et qui me suis fait par la même occasion une sorte d’imagerie et un sens totalement faux de ce terme, il y a dans mon interprétation quelque chose de profondément acide et intemporel, une tension sanglante et un sentiment de non-retour, comme si demain n’existait pas au final. Puis la musique s’arrête.

Gratuit

C’est ça aussi Gratuit en concert, c’est une interprétation. Un vraiment très grand moment.

Pour terminer en beauté cette soirée, l’éternel Amnésie arrive sur scène avec une large partie de son home studio. C’est de pas moins de cinq synthétiseurs que Wilfried Thierry s’accompagne sur scène : les Moog Little Phatty et Korg Mono/Poly pour les claviers, un Oberheim SEM pour le semi-modulaire, un DSI Prophet ’08 et un Waldorf Pulse pour les analogiques sans claviers et un octatrack pour les séquences. Cela promet un show mémorable.
Et pas qu’un peu mon n’veu !

Amnesie

Amnésie interprète fièrement des versions également réarrangées de son premier album « Le Trou Noir » et débute son concert avec J’ai Tué Mon Chat qui laisse les synthétiseurs se développer et la voix vocodée répéter son propos.
Les grandes choses arrivent petit à petit avec Maximum Zizi et son jeu frappant à la porte du punk, Amnésie habite la scène et ses instruments et n’hésite pas une seconde à faire exploser une improvisation techno à la fin du morceau qui ne manquera pas de faire danser les plus réticents.
Le concert progresse et viennent ensuite les morceaux Blackhole et Us (issu de la compilation Ego Twister Party Ruiner Vol.4) qui sont emprunts d’une violence synthétique exquise où l’acidité des claviers rugit avec la saturation de la voix. L’Angevin sait y faire avec la scène de toute évidence.

Amnesie

C’est La Crise commence, et un grand moment débute. Amnésie invite quelques figurants à le rejoindre sur scène et à enfiler des masques de Liliane Bettencourt ou encore Gérard Depardieu afin de danser de manière aléatoire sur la scène et de rendre ces personnages de la politique encore plus loufoques et ridicules qu’ils ne le sont déjà. Amnésie a un propos politique très précis et nous l’exprime une fois de plus ici.
Le concert finit sur une odyssée techno via Noire, un des morceaux instrumentaux présents sur son premier excellent album « Le Trou Noir ».
Amnésie a trouvé une formule de concert qui lui va à merveille et qui donne envie de le revoir détruire le dancefloor et on l’espère, pervertir la jeunesse électro stérile.

Amnesie

Pour bien terminer cette soirée qui restera gravée dans la mémoire des spectateurs du Chabada, pas très nombreux, mais passionnés, tous les musiciens des quatre groupes présents ce soir-là montent ensemble sur scène improviser sur les instruments d’Amnésie.
Un grand moment de complicité et d’amitié qui représente à merveille l’esprit d’Ego Twister, un label d’amis constitué d’un bordel semi-organisé.

Vivement la prochaine, et espérons tous que Yan Hart-Lemonnier continue de dénicher autant d’artistes aussi talentueux et d’oser sortir leurs disques.

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Maxime Dobosz

chroniqueur attaché aux expériences sensorielles inédites procurées par la musique