Rencontre avec Manu

Une belle rencontre pour indiemusic, Manu, la fameuse chanteuse de feu-Dolly, nous reçoit chaleureusement pour parler de son nouvel album, l’excellent « La Dernière Étoile ». On aura même la chance d’assister à un mini concert acoustique à deux guitares, qui confirmera la beauté nue de cette nouvelle collection de chansons dont on vous reparlera bientôt ici.

Manu

  • Déjà pourquoi près de 5 ans d’attente depuis ton premier album solo ?

Oui, l’album est sorti en 2009, mais entre-temps on a sorti le DVD live en 2010 et on a fait quelques dates en 2011, mais ensuite il fallait composer. Ce qui a rendu ça long c’est que je n’arrivais plus à attraper mes musiciens, notamment Nico mon binôme, pour travailler mes ptites chansons, parce qu’il était parti travailler avec Eiffel. Donc il m’a encouragé à composer toute seule de A à Z, et ça m’a fait du bien puisque ça m’a mis un petit coup de pied aux fesses. Du coup, j’ai dû me mettre au logiciel Pro-Tools.
Puis, après tout ça prenait du temps puisqu’il fallait que j’attrape Nico 3-4 jours à chaque fois qu’il était libre pour travailler sur l’arrangement de ces chansons. On a enregistré l’album assez vite, qu’on a mixé en février 2012. J’ai appelé mon producteur qui a essayé de voir au niveau des maisons de disque ce qui pouvait se passer avec cet album là, mais c’était pas très concluant ; on n’a pas eu de propositions qui nous ont vraiment plu. Il fallait attendre encore et encore, et j’en avais assez. Comme j’avais créé mon propre label à la sortie de mon premier album, on a donc décidé de le sortir en indé total. Tout ça a retardé la sortie de l’album puisqu’il fallait qu’on s’organise, qu’on trouve les partenaires. Comme on est que deux dans le label, ça nous a demandé plus de travail et de temps !

  • Pourquoi ce titre « La Dernière Étoile » ?

Ça correspond à un morceau que j’adore dans l’album déjà, et j’aime beaucoup ce titre parce qu’il concilie le désabusement et l’espoir. Ce qui correspond bien, je trouve, à ce qui se passe en ce moment ; on est un peu désabusé, mais on garde la foi.

  • Et sur cet album tu travailles à nouveau avec Nico, ce qui est récurrent depuis le début de ta carrière, est-ce que tu peux revenir sur votre relation artistique ? Comment vous fonctionnez ?

C’est simple pour moi, car Nico c’est mon binôme. Je m’en suis rendu compte au fur et à mesure de Dolly. On arrive à se comprendre sans se parler. Dans le premier album, il y a une chanson qui s’appelle « Cow-Boy », je lui dis « tu vois, le mec, c’est un cow-boy, il fait du surf » et il n’y a que lui qui peut comprendre ce que j’ai dans la tête quand je dis ça. Du coup, j’ai une totale confiance, et quand je fais mes petits morceaux avec mes sons, je sais que lui va me sublimer ça, et faire de très beaux arrangements.

  • Je trouve cet album très surprenant et réussi, autant au niveau des paroles, très touchantes, que des mélodies qui s’impriment dans la tête très longtemps. Si je te dis que c’est l’album de la maturité, ça te vexe ? On a l’impression que tu as atteins un autre statut.

Manu - La Dernière Etoile

J’ai trouvé aussi, car déjà au niveau des textes, j’ai arrêté de me regarder le nombril. L’album « Rendez-vous » était comme un exutoire, j’ai pu évacuer tout ce que j’avais à évacuer. Je me suis mis dans l’observation, j’ai pris plein de notes pour avoir de la matière avant ; quelque chose que je faisais très peu auparavant, puisque je faisais d’abord les mélodies, et les mots arrivaient ensuite. Là je pouvais faire les deux en instantané, et je suis ressortie grandie de cette aventure puisque j’ai envie de continuer à faire un vrai travail d’écriture, quelque chose d’un peu plus riche que simplement accompagner les sonorités. Et donc arrêter de me regarder le nombril m’a fait du bien. Une chanson comme « J’attends l’heure » par exemple, c’est de l’observation sur une personne que j’ai vue en maison de retraite.

  • Justement, je voulais te parler de cette chanson qui est la plus réussie de l’album je trouve, et également le plus beau texte. Je ne savais pas si tu parlais de la vieillesse ou de la maladie, mais je me demandais pourquoi tu avais choisi de la mettre en ouverture de l’album, excepté l’intro, c’est plutôt gonflé !

Elle a une belle histoire cette chanson puisque mon fils faisait du bénévolat en maison de retraite il y a deux ans, et je l’accompagnais un peu, c’était ma période « je prends des notes ». Et je voyais toujours ce petit vieux, toujours au même endroit avec sa tâche sur son gilet, et ça voulait dire beaucoup de choses pour moi, ça voulait dire qu’il n’avait pas beaucoup de visites. J’ai repris mes notes comme s’il s’agissait d’un regard d’enfant.

  • D’où l’ambiance un peu enfantine de la chanson ?

Oui, il y a ce son de banjo, ce petit balancier qui correspond à l’aiguille de l’horloge, comme celle qu’il y avait à l’entrée de leur salle TV. Je voulais donc qu’il y ait des mots pas trop plombant, c’est pourquoi j’ai pris des notes avec le regard d’un enfant, et puis sur le refrain, je devenais l’interprète de la personne, d’où « J’attends l’heure ». Après les gens s’approprient la chanson par rapport à ce qu’ils sont en train de vivre. Donc je parle du temps qui passe et de cette extrême solitude que vivent malheureusement beaucoup de gens dans les maisons de retraite.

  • Mais c’est surprenant de la mettre au début, tant elle tranche avec les autres au niveau du texte. C’était une envie de ta part, ou tu jugeais que c’était la plus réussie et tu voulais la mettre en avant ?

C’est celle dont je suis la plus fière. Avec « La Dernière Étoile », ça fait partie de mes œuvres vraiment personnelles. Au départ, on avait essayé plusieurs ordres différents, mais cette chanson était toujours au début.

Manu

  • Sur l’Intro et La Dernière Étoile, on est surpris par les ambiances, avec ces voix éthérées, avec un effet très réussi. C’est une direction dans laquelle tu aimerais aller davantage à l’avenir ?

Ça, ça fait partie des expériences réalisées de mon côté. J’avais une idée de mélodie sur des chœurs en tentant des trucs et le résultat était assez magique. J’ai même essayé de reproduire ça sur un autre morceau, mais ça n’a pas marché. D’ailleurs, les chœurs sont ceux de la maquette, je n’ai jamais réussi à les reproduire ! Ça s’est fait instinctivement, donc oui, je vais continuer ces expériences de chant et de chœurs, je vais peaufiner ça bien plus qu’avant.

  • Tu as toujours une petite chanson en anglais qui se balade, c’est un homme à tes influences que j’imagine un peu anglo-saxonnes ?

Oui, c’est vrai que quand j’ai commencé la musique tout était anglo-saxon. Sur cet album, c’est un morceau que je n’arrivais pas à écrire en français, sur lequel je bloquais. Je ne trouvais pas ça assez fort et il y avait plus de cohérence en anglais par rapport au côté « musique du bayou » de la chanson. J’aime bien chanter anglais même si je n’ai pas un accent formidable !

  • Ça permet de comprendre tout ce que tu dis au moins !

Oui tu as raison ! Et comme je ne suis pas bilingue, j’ai demandé l’aide d’un anglais.

  • Je me demandais si tu avais conscience de cette relation un peu particulière que tu avais avec les gens qui t’ont suivi depuis Dolly et qui te suivent encore aujourd’hui, et pour qui ta voix est devenue hyper familière et évoque immédiatement plein de sensation. As-tu conscience de cet avantage en tant qu’artiste et de tout l’héritage de Dolly ?

Oui, j’en ai conscience, peut-être pas autant que toi ou les autres gens le disent, mais je le vois avec Facebook, où je suis en relation assez proche avec les gens et on en parle souvent. Ce qui me fait le plus plaisir c’est quand on me dit qu’on identifie ma voix, c’est le plus beau compliment qu’on puisse me faire

  • Elle est particulière, c’est vrai qu’on la reconnaît quand même tout de suite.

C’est rigolo, car mon frère m’a appelé un jour, il écoutait l’émission de Ruquier sur Europe 1. Il y avait un invité mystère pour lequel il passait des musiques, et il a passé un inédit de Dolly qui s’appelait Régis (NDLR : peut-être le meilleur morceau du groupe, à découvrir absolument), et un mec dit « Ah, mais c’est Dolly ça », il avait reconnu la voix en fait, alors qu’il ne connaissait que « Je n’veux pas rester sage ». Il avait d’ailleurs appris à jouer de la guitare dessus ! Donc ça, c’est super touchant !

  • Aujourd’hui est-ce qu’il y a des groupes dans la scène française que tu pourrais considérer comme les enfants de Dolly, ou les dignes héritiers ?

Je ne l’entends pas ça, après on me le dit, certains assument et le disent directement d’ailleurs, ou les journalistes, mais moi je trouve pas. Souvent ils disent ça parce que c’est une fille qui chante, je trouve ça un peu dommage.

  • Mais toi, il y a des trucs que t’aimes particulièrement dans la nouvelle scène ?

Ah oui, en France, c’est Noël ! Enfin, pas pour les artistes (rires), mais plutôt pour le public ! J’ai beaucoup écouté The Do, notamment le deuxième album, qui m’a bouleversé lorsque j’étais dans ma période de compo. Et j’aime beaucoup aussi les groupes français qui chantent en anglais, comme les Stuck in The Sound. C’est des productions magnifiques pour des groupes français. Je ne comprends pas que ça ne marche pas plus que ça. Après j’aime aussi Granville, Revolver… La dernière claque que j’ai prise c’est Aline, avec « Je bois et puis je danse ». J’étais fan déjà de son premier groupe Dondolo, puis des Young Michelin.
Voilà, j’ai tendance à écouter plus de pop, des musiques où il y a des recherches de son.
Je suis moins dans la recherche de puissance ou de speed, je me suis calmée !
D’ailleurs on me dit souvent « cet album là, il est moins rock », mais je trouve que c’est le plus rock que j’ai jamais fait. Pour moi, il est intense et puissant même si c’est pas du speed et que c’est moins agressif.

Manu

  • Lors de ton prochain concert à Paris, j’ai appris que tu ferais un duo avec Timothée de la Nouvelle Star, comment ça s’est organisé ? (Timothée avait repris « Je ne veux pas rester sage » lors de son audition)

Oui c‘est vrai, je l’ai invité au Divan du Monde. Ça a surpris des gens, mais moi c’est lui qui m’a surpris !  On m’a dit « quelqu’un a repris du Dolly » donc évidemment je suis allée voir. On me disait souvent que des gens reprenaient nos chansons, mais c’était jamais gardé parce que ça n’était pas assez connu et que ça n’intéressait pas les gens. Mais comme maintenant, les stars des 80s c’est fini et qu’on va surement passer aux stars des 90s, on sera sans doute dedans !
J’ai donc vu une version entière de sa chanson sur le net que j’ai trouvée très subtile et très classe. Il me fait penser un peu au chanteur des Stereophonics dans l’intention, toujours tendu et à fond, avec un visage solaire. Ça fait du bien de voir des gens comme ça. Du coup, ça m’a redonné envie de refaire cette chanson ! Parce que si un jour on m’avait dit que j’allais rejouer ça sur scène, j’aurais pas parié dessus…

  • Tu l’avais rayée de ton répertoire ? C’était un petit peu ton Creep ?

Dolly existerait encore, on la ferait toujours, mais là en solo…. De Dolly on ne reprenait que « Le Ciel se donne », une chanson cachée non pas à la fin, mais au début d’un album. Comme personne ne la connaissait, je voulais faire découvrir cette chanson-là. Donc voilà, après avoir fait le morceau le plus caché, je vais faire le plus connu !

  • Pour finir, peux-tu nous parler de tes projets à court terme ?

La sortie officielle de l’album est imminente, le 8 avril, puis on va enchainer les premières dates à Avoriaz, Vitry-le-François, le Divan à Paris, Colmar, puis ma ville natale à Nantes, et ça continue jusqu’à fin mai. Une tournée plus conséquente aura lieu à la rentrée. L’album aura un peu vécu, et il y aura un peu plus de promo, parce que les programmateurs attendent de voir ce qui se passe en promo avant de programmer, donc il y a beaucoup d’accords de principe, mais encore pas de confirmation. Donc j’espère que les retours seront le plus positif possible !

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Sébastien Weber

chroniqueur attaché aux lives comme aux disques d'exception