Pour quelques minutes avec Elessar

Atypique formation de douze membres, le groupe parisien Elessar fait figure de rareté dans le paysage musical français. Avec un univers où le mystique côtoie le symphonique avec douceur et émotion, Elessar a sorti dernièrement son premier album « Sun we Rise ».
Si vous le voulez bien maintenant, je vous propose de rencontrer ces musiciens à travers une interview pour indiemusic.

  • Bonjour les Elessar, comment allez-vous ?

Très bien merci !

  • Vous êtes douze à avoir rejoint ce projet. Sacrée équipe pour former un groupe. Comment ou à quelle occasion vous êtes-vous rencontrés ?

Pierre : Elessar, c’est un peu comme un Tetris épique. Les douze pièces se sont assemblées en pas mal de temps et au compte-goutte. La méthode de recrutement a un peu varié selon les individus ; pour ma part, je suis le premier cuivre ayant rejoint l’aventure, l’été 2009, en étant contacté sur Facebook. Romain partait sur un trio de trombone, cor et trompette, et m’a uniquement contacté parce que j’avais une photo de Jónsi (Sigur Rós) en avatar. Il m’a demandé si je connaissais des gens pour rejoindre son projet. Je lui ai dit que la trompette, c’était surfait, et qu’il ferait mieux de mettre un saxhorn à la place. Et le tour était joué !
Romain : Le recrutement des musiciens classiques s’est fait en ligne sur Facebook. J’ai envoyé des centaines de messages à des musiciens parisiens, présentant mon projet dans l’espoir que certains répondraient favorablement. Ce qui a été le cas. J’ai rencontré Victoire par le biais d’un ami en commun, et Nicolas le guitariste était dans ma classe. Lui-même connaissait le bassiste et il l’a enrôlé. Du coup, les classiqueux ont paradoxalement été recrutés d’une façon plus moderne que les autres.

  • Qu’est-ce qui a provoqué chez vous ce désir de former un tel projet musical ?

Romain : C’est parti d’une simple constatation : je ne trouvais pas dans le paysage musical actuel de musique me correspondant parfaitement. J’avais une sainte horreur de l’électronique et des câbles pour jouer, et de ce fait, je voulais résolument créer une formation acoustique. J’avais déjà quelques bouts de morceaux çà et là, et c’était l’occasion de les regrouper et d’en faire un tout cohérent. Je me souviens d’avoir écrit sur une feuille en Bretagne face à la mer une première version de setlist avec les idées d’instrumentation et de transition entre chaque morceau. Depuis, quasiment tout a changé, mais l’essence est restée.

  • Elessar revêt pour moi un côté celtique et légendaire, qu’est-ce que cela signifie pour vous, membres d’Elessar ?

Victoire : Celtique, ça donne un petit côté Nolwenn Leroy, ce qui est bien, si on veut faire de la maille plus tard, bien joué Romain sur le titre. Blague à part, c’est quand même un personnage de Tolkien, ce qui est classe. Du coup moi sur scène j’essaie de me donner un peu des airs de princesses des elfes. Je crois que ça fonctionne, non ? (rire)

  • Le 14 mai dernier, vous sortiez votre premier album avec l’arrivée de votre chanteuse, Victoire Oberkampf. Quelle organisation a été nécessaire pour mener à bien ce projet ?

Romain : Nous sommes partis sur l’idée d’un album autoproduit. Comme on n’avait pas beaucoup de sous, on n’a pas choisi la voie du studio ; les enregistrements ont débuté environ neuf mois plus tôt dans ma chambre. Chaque musicien, exception faite du batteur, est passé enregistrer ses parties séparément. La batterie a, quant à elle, été enregistrée dans un studio de répétition. On réalise maintenant que c’était une erreur et qu’il ne fallait pas sous-estimer l’aspect prod’, car le résultat est loin d’être professionnel. Mais on apprend de ses erreurs.
Pierre : Le projet a subi pas mal de chamboulements, et il serait injuste de ne pas citer la première voix du groupe qui était Marion Briatte. Elle nous a accompagnés pendant une immense partie du projet, c’était la première à avoir été contactée par Romain. On a dû se rendre à l’évidence après avoir travaillé pendant longtemps ensemble que l’anglais restait une barrière pour elle, tant au niveau de l’accent que de la mémorisation. Elle reste dans mon cœur comme une merveilleuse voix et un élément humain qui a beaucoup fait pour la vie du groupe, sur beaucoup de points.

  • Comment vous êtes-vous accordés sur le choix et l’organisation des titres pour cet album, car j’imagine que décider à douze est bien différent d’un fonctionnement en quatuor ou duo ?

Victoire : C’est sûr, c’est un peu difficile de se coordonner à 12, mais ça vaut la peine, car sur scène, c’est le pied. Pour ce qui est de l’organisation des titres, je ne veux pas faire mauvaise langue, hein, mais c’est vrai que c’est Romain qui décide tout seul, un peu à la façon d’un dictateur. Du coup, on n’a pas trop notre mot à dire. Et si vous essayez de vous opposer, il vous enferme dans sa chambre avec de l’eau et du pain rassis.

  • Pouvez-vous me présenter ce premier album « Sun we Rise » ?

Pierre : En plus de son rôle de dictateur, Romain a la faculté de me laisser répondre seul à des questions pas évidentes, voilà ce que tout le monde doit retenir. Nous sommes même bien loin de ce que dit Victoire : il ne donne même pas de pain. Pour être honnête, j’ai énormément de mal à répondre à cette question, car j’ai consacré tellement de temps à ce projet que j’ai beaucoup de mal à prendre du recul. Mais si je devais résumer rapidement tout ça, je dirais que je vois « Sun we Rise » comme une sorte de panorama de notre groupe. On se retrouve avec un mélange parfois tranché de styles, et une grande majorité de passages musicaux en tutti où l’on impose cet espèce de tas de couleurs musicales. L’intro est parfaite pour illustrer ça, lorsque le piano tout isolé se fait rejoindre par une cohorte de couleurs instrumentales. En fait voilà, pour moi « Sun we Rise », ce sont des couleurs.

  • Vous vous qualifiez d’orchestral indie et on peut aisément le comprendre à l’écoute de votre album qui laisse une grande place à l’instrumental. Qu’est-ce qui vous a poussé vers cette direction ? Avez-vous suivi des parcours musicaux qui vous ont orienté singulièrement vers ce genre ?

Romain : Ça rejoint un peu ce que je disais sur le désir de monter un tel projet, je cherchais un son résolument acoustique. Je cherchais aussi à associer deux sensibilités, celle du monde de la musique classique, et celle du monde de la pop/folk. J’ai un bagage classique et, même si je ne pratique plus, il est certain que c’est une sensibilité qui m’a imprégné. Laisser une grande place à l’instrumental, c’était aussi un souhait de ma part. Car de nos jours, on ne laisse pas assez la musique instrumentale s’exprimer et respirer, il y a comme une toute-puissance de la voix et c’est dommage, je trouve.

  • Quelles sont les influences qui pourraient définir au mieux la musique que vous jouez ?

Pierre : Nous sommes de très grands admirateurs de Sigur Rós, qui est un bel exemple de mélange d’instruments, avec également des cordes et des cuivres.
Romain : J’ajouterais la musique de Ludovico Einaudi qui a grandement influencé mon jeu au piano.
Victoire : Et Yann Tiersen aussi quand même dans les interludes, et puis aussi Coldplay.
Romain : On a découvert la musique de Mumford & Sons récemment, et sans nul doute ça va nous influencer sur l’aspect folk et vocal.

  • Douze musiciens sur scène ne se prêtent pas à tous les lieux de représentation. Comment choisissez-vous les salles où vous jouez ? Avez-vous éventuellement plusieurs formations pour toucher différents publics ou différents espaces ; je pense notamment à une éventuelle formation acoustique spécifique ?

Victoire : Souvent, on se serre. Pour le Théâtre de Ménilmontant, on rentrait tous, mais limite. Disons que l’entrée de la chanteuse au milieu des fils et des guitares fait moyen princesse des elfes. Mais quelle énergie une fois que tout le monde se met à jouer ! On a en effet fait des formations plus réduites pour certaines salles. Par exemple, nous allons jouer à 6 pour notre prochain concert, à l’Ogresse. Ça promet du coup d’être plus folk, et ça, j’aime.
Romain : On choisit les salles en fonction de leur ambiance et de leur backline. Difficile de faire vivre un synthé à la place d’un piano quand il est entouré d’instruments acoustiques. Du coup, on aimerait développer ce côté adaptable du groupe, en imaginant par exemple une formation voix/piano/cordes, ou simplement voix/guitares, cela dans le but de n’être pas bloqué par les conditions de jeu de tel ou tel lieu.

  • Vous êtes parisiens. Quels sont les avantages selon vous de former un groupe dans la capitale et quels sont les inconvénients de cette ville en tant que musiciens ?

Pierre : Et bien, c’est pas vrai. Les autres sont tous parisiens, mais moi je suis Clermontois ! Pourtant, même si on pourrait penser que l’inconvénient majeur est de faire des allers-retours récurrents pour rejoindre les autres, ce n’est pas vraiment le cas. Après tout, si je les fais, c’est parce que j’aime ce groupe. Mon principal problème avec la capitale, c’est que je suis agoraphobe, donc je ne l’aime pas du tout.
Romain : L’avantage de Paris en est aussi l’inconvénient. C’est une ville pleine d’opportunités pour jouer, pleine de projets culturels et de vie. Mais du coup, chacun a ses projets en plus d’Elessar, ce qui rend les emplois du temps plus difficiles à concilier.

  • Pour revenir aux concerts, quels sont vos meilleurs souvenirs ?

Romain : On n’a hélas pas eu la chance de faire plusieurs concerts, nous n’en avons qu’un à notre actif, au Théâtre de Ménilmontant. C’était une très bonne expérience, bien qu’un peu stressante dans sa préparation. C’était notre première prestation en public, et je dois avouer que le premier lever de rideau sous les applaudissements était un très bon souvenir.

  • Où pourra-t-on vous retrouver prochainement ?

Victoire : Le 28 septembre à l’Ogresse, formation à 6 avec de nouvelles reprises aussi, notamment de Mumford and Sons, ça va envoyer du gros pâté.
Pierre : On jouera également début 2013 au théâtre de la Reine Blanche, en tutti cette fois-ci ! Imaginez la taille du pâté, du coup…

  • Quels sont vos futurs projets suite à ce premier album ?

Romain : On a récemment filmé trois chansons avec les gars de Ma Mélodie, un projet naissant qui choisit des groupes et les filme en extérieur dans Paris. On compte faire d’autres vidéos à la rentrée. L’été prochain, on passera en studio pour réenregistrer « Sun we Rise » en incluant de nouveaux titres, peut-être avec un double album !

  • À bientôt et très bonne continuation !

Merci ! Bonne continuation à vous !

weareelessar.com

Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques