[EP] Dimoné – Épris dans la glace

La rage au cœur et le verbe haut, Dimoné livre un EP à la fois poétique et sulfureux, concentré de paroles aux multiples interprétations et d’arrangements imprévisibles, patients et intuitifs. Le résultat est un disque d’une originalité vivante, que l’on veut avant tout toucher, quitte à se brûler.

Les chansons de Dimoné n’ont rien d’inoffensif. Ainsi, sous des apparences parfois tendres, parfois crues, mais toujours d’une bouleversante sincérité et à travers un propos chargé de sens et de significations, « Épris dans la glace » aurait plutôt tendance à la briser, mais jamais selon les règles de la bienséance. Comme si le nerf de la guerre du Montpelliérain ne pouvait exister que dans les tumultes obsessionnels de psychés égarées entre schizophrénie et introspection, dans un territoire où les mauvaises herbes rendent les roses, piquantes, toujours plus belles. Un lieu de culte obscur, noir et lumineux comme une braise ardente.

Les charmes ne sont pourtant pas absents des mélodies du compositeur ; ainsi, la majesté des claviers de « La grande allée », entrée en matière sur une différence enfin acceptée, sont d’une clarté tournant à l’obsession dans l’esprit de l’auditeur, valorisant le chant tout en le relevant, en l’épiçant avec une efficacité sensible et malingre. De même, « Lyon », la distance, l’origine que l’on renie avant de la rechercher, la relation que les kilomètres ne doivent pas empêcher, s’étire dans une douceur à la fois cajoleuse et crue, dépassant l’alliance des chairs pour atteindre celle des âmes. Une innocence qui se perd dans le moqueur « Celui qui t’a puni l’a fait », remise en question d’une autorité qui ne repose finalement sur rien de concret ni de valable, où l’électro et les guitares légères rendent à l’être auquel les mots sont prononcés sa liberté trop longtemps entravée. Sombre et hypnotique, « Les lignes bougent » se pare d’atours expérimentaux, de mouvements où mer et terre se confondent, où les apparences se noient, où les rôles s’inversent et s’annulent, avant que « Indigo », intime et désirable, n’achève ce tour d’horizons certes lointains, mais qu’il nous semblait vital de visiter.

Grattant la surface d’objets et d’habitudes du quotidien afin de les faire saigner, Dimoné murmure, de son timbre grave et rassurant, les malaises autant que les issues, fatales ou non, de situations éperdues et souffreteuses. Une fièvre qui laisse la bouche sèche et nous fait trembler de tous nos membres, mais dont le remède apparaît d’une imparable évidence à l’écoute de ce miraculeux « Épris dans la glace », étape réanimant nos corps paralysés par la torpeur et la passivité. Une lame froide contre nos peaux meurtries, une caresse dangereuse et troublante, mais tellement évidente et emplie d’une exceptionnelle vérité.

crédit : Marc Gaillet

« Épris dans la glace » de Dimoné est disponible depuis le 24 février 2017 chez Estampe / Ulysse.


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Raphaël Duprez

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