[Live] BRNS et Albinos Congo à Stereolux

Qu’il est bon de se faire surprendre. Du chaos orchestral de Albinos Congo à la pop insaisissable et excitante de BRNS, cette soirée ne pouvait que bien se passer en si bonne compagnie.

BRNS – crédit : Fred Lombard

Stereolux fait salle comble ce soir. Les amateurs d’expérimentations pop sont venus nombreux et dès l’ouverture des portes pour subir la tempête déclenchée par Albinos Congo, vedettes locales de la soirée. Malgré les faisceaux qui la ciblent, la scène semble plongée dans l’obscurité et on ne distingue des cinq musiciens que leurs silhouettes penchées sur leurs instruments. Longues tirades bruitistes et psychédéliques, les morceaux s’appuient sur la basse qui, pesante, assure l’équilibre de l’édifice. Celui-ci manque à chaque mesure de s’effondrer et c’est là qu’Albinos Congo surprend et séduit. Le son est énorme, les fondations posées, mais les stridences et fulgurances rêches des deux six-cordes sont autant d’assauts violents pour mettre à terre le tout dans le plus grand fracas. Le batteur sort des rangs également et multiplie les coups comme s’il s’en prenait au Dieu Rythme même. En vain, la bataille est tenace et les tympans sont mis à mal. La confrontation se poursuit sous une pluie d’effets acides. On a droit à du garage de bonne facture, le fuzz et la reverb sont de sortie et le feed-back est omniprésent tel un bourdon maléfique. La voix est écorchée et l’énergie déployée est proprement jouissive tant les limites volent en éclats.

Le climax du set se produit alors que le morceau le plus calme est chanté depuis la fosse et qu’une vidéo captée à Las Vegas montre le chanteur errant et imbibé qui, tour à tour, susurre et gueule sa peine à la caméra. Cette ballade alcoolisée se termine dans le chaos alors que le crooner bondit sur la scène, stetson sur la tête et lunettes de soleil, tel qu’il apparaît à l’écran. L’effet est assez saisissant et les arpèges cristallins sont broyés par des accords de plomb jusqu’à l’issue abrupte et fatale provoquée, le doigt sur la gâchette, par notre perdant magnifique.

C’est un chœur de mélodicas qui ouvre le concert de BRNS. Passée cette introduction en douceur, les musiciens nous guident dans une demeure à l’architecture alambiquée et la visite que l’on juge déroutante au départ s’avère de plus en plus captivante. Chaque pas nous amène là où on ne s’attend pas. La pop des Belges est savante sans être complexe et surtout absolument décontractée. Les albums tous impeccables du groupe sont bien représentés durant le set et les morceaux, magistralement produits dès le départ, gagnent en ampleur et parfois même en sauvagerie (« Encounter »). La pop de BRNS flirte avec l’électro et le post-rock sans jamais devenir cérébrale. La joie est dans les cœurs et les morceaux se suivent tels une ribambelle de classiques entêtants (« My Head Is Into You », « Forest », « Deathbed »). Les nouveaux titres issus du LP « Sugar High » (octobre 2017) tout comme ceux figurant sur le « Holidays EP » sorti fort logiquement l’été dernier sont tout aussi savoureux et immédiatement accrocheurs. Les musiciens s’accordent merveilleusement bien quand bien même on constate à quel point le jeu de guitare, leste et jazzy, diffère de celui de la batterie régulièrement prise de sursauts aussi surprenants qu’ils s’en viennent aussi rapidement. Le clavier se prend pour un orgue pour de majestueuses processions et les nappes se mêlent aux notes de la basse et aux voix enchevêtrées.

On prend plaisir à découvrir ces musiciens et leurs titres qui, après de curieux détours, retombent là où on ne les attend pas. Le passage sur scène est aussi réussi que l’osmose avec le public est présente. « Mexico » provoque les vivats et les gorges se déploient pour brailler de plus belle. Rarement la pop ne nous aura paru aussi audacieuse, flirtant avec le chaos sans tomber dans la déflagration gratuite. BRNS apporte beaucoup d’intelligence au pop art global et c’est fait avec d’autant plus de talent, de malice (et de clochettes) qu’on souhaite que nombreux soient les auditeurs et auditrices à se perdre avec plaisir dans ce labyrinthe merveilleux de rythmes syncopés et de mélodies de haut vol.


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Olivier Roussel

Olivier Roussel

Accro à toutes les musiques. Son credo : s’autoriser toutes les contradictions en la matière.