[LP] Leif Vollebekk – Twin Solitude

Après plusieurs années de tâtonnements stylistiques, Leif Vollebekk semble avoir enfin trouvé chaussure à son pied : avec « Twin Solitude », le compositeur canadien affirme la puissance, unique, de son folk romantique et lumineux.

Quatre ans après un dernier album dont la cohérence n’était pas évidente à saisir, le Montréalais Leif Vollebekk offre pour la première fois un disque dont chacune des composantes ne prend son sens qu’au contact des autres. Il est très étonnant, d’ailleurs, que pour ce nouveau projet, l’artiste s’inspire du best-seller canadien de Hugh McLennan, Two Solitudes. Cette œuvre se nourrit et se construit autour du manque de communication qui flotte entre les Canadiens anglophones et francophones : bien au contraire, la/les solitude(s) évoquée(s) par Leif Vollebekk dans ce nouvel album ne semble(nt) que frôler l’auditeur du doigt, pour mieux, sûrement, le toucher d’une nostalgie qui ne manque jamais de lier tout un chacun à l’universalité d’un ressenti mélancolique.

La dominante résolument folk absorbe les velléités pop qui peuplaient les deux premiers jets de l’artiste et apporte à son travail une originalité jusqu’ici absente. Accompagné de musiciens d’excellence, dont le batteur de Timber Timbre, le compositeur montréalais n’a fait qu’une bouchée de ce projet mûri sur quatre ans : enregistré en une semaine seulement, « Twin Solitude » porte comme un flambeau le succès du perfectionnisme stylistique de son auteur. Les influences sont claires, mais ne pèsent jamais trop sur l’album, résolument unique. Si Nick Drake peut se révéler timidement derrière la guitare et les percussions sombres de « Michigan » et Bob Dylan pointer le bout de son nez au détour de « Telluride », Leif Vollebekk n’en prend que le meilleur pour teinter son œuvre d’un léger filtre référentiel.

Car il est bien difficile de faire de « Twin Solitude » la pâle copie de productions passées. Ses instrumentalisations, oscillant entre la délicatesse de baguettes qui se posent à peine sur les caisses et cymbales, la douceur d’un piano qui semble hésiter à se faire grand et la mélancolie d’une guitare qui s’alanguit en fond sur un accord, font une grande partie du sel de « Twin Solitude ». Elles portent de leur douceur l’itinéraire profondément romantique tracé par l’artiste montréalais, rappelant Keaton Henson qui, pour dédier une chanson à son amour passé, choisira de l’intituler « 10 am Gare du Nord ». Ici, l’amour prend les atours de lieux, et le voyage de « Michigan » à « Road To Venus » nous emmène de l’introspection à l’étude romantique de l’autre. De l’amour perdu réuni par la poésie parolière avec « Elegy » aux errances urbaines de « Vancouver Time », l’autre et soi s’imbriquent avec une évidence qui fait le ciment de l’album. « Twin Solitude » se clôt, d’ailleurs, sur la puissance douce de « Rest », berceuse heureuse nourrissant l’étrange sentiment d’appartenance produit par l’écoute du projet. Comme si le voyage se terminait sur un lit d’herbe, ensemble, les yeux levés vers le ciel, portés sur une lune pleine de l’amour partagé le temps de dix morceaux.

« Twin Solitude », au lieu de suivre les consonances de sa dénomination, s’engouffre dans les affres, sublimées par un folk pointu et profond, d’une mélancolique et ontologique solitude. Une solitude se partageant à plusieurs, jumelée à celle des autres, autour de la peinture que brosse Leif Vollebekk de l’amour électrique qui sous-tend chaque lien humain.

« Twin Solitude » de Leif Vollebekk est disponible depuis le 24 février 2017 chez Secret City Records.


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Julie Albesa

Étudiante en Lettres et mélomane invertébrée, je me démembre en sirotant des cocktails de mélodies éthérées, riffs échaudés et cotonnades étoffées