[LP] Pixx – The Age of Anxiety

Après de nombreuses prestations scéniques ayant démontré tout le potentiel visuel et musical de Pixx, on attendait avec une impatience croissante l’arrivée d’un premier album que l’on supposait exceptionnel avant même de l’avoir découvert. Le résultat est bien au-delà des espérances, apportant à cette bête de scène un support artistique allant aussi bien flirter avec l’électro que l’expérimental, tout en créant des atmosphères jamais entendues auparavant et d’ores et déjà destinées à devenir intemporelles. La révolution est en marche…

Il est amusant, parfois, de voir à quel point les œuvres issues de supports différents ont tendance à apparaître au même instant, à se télescoper et se compléter à la perfection. Prenons, par exemple, le retour tant attendu de la série de David Lynch et Mark Frost, Twin Peaks, après 26 ans d’absence ; les premiers épisodes, tordus et fascinants, semblent témoigner de l’apothéose finale grâce à laquelle le réalisateur désire se retirer du business. Au même moment, en Angleterre, un phénomène totalement inédit et aussi trouble que captivant voit le jour en la personne de Pixx, dont le premier album, « The Age of Anxiety », traverse aussi bien les terrains désolés de la pop que les friches industrielles d’une musique artificielle que n’aurait pas reniée le créateur d’Elephant Man. Ce premier opus est une merveille, pour peu que l’on accepte de s’y plonger corps et âme ; car il demande une concentration totale pour en savourer toutes les dérives, tous les détails, toutes aspérités et surbrillances cinglantes et apaisantes.

Rarement, un disque aura été aussi parfait sur toute sa longueur, porté par la voix à la fois forte et vibrante de la mystérieuse Hannah Rodgers, créature extraterrestre possédée et sensuelle que les arrangements entourent de leurs menaces et de leurs bienfaits. Le faussement pop « I Bow Down » introduit à la perfection tous les tumultes qui vont suivre ; car l’art de Pixx pourrait, en réalité, être considéré comme de l’électro progressive, n’allant jamais là où on l’attend. Du tourmenté et pénétrant « Toes » à l’intemporel et affirmé « Everthing Is Weird in America », la compositrice s’évade, nage à contre-courant d’une production lisse qui ne lui convient absolument pas, ornant le rock abrasif de « Waterslides » d’élans éthérés, domptant le trip-hop en le fouettant sur le subversif « Baboo » ou plongeant dans les profondeurs abyssales et majestueuses du superbe « Your Delight ». Pièce maîtresse d’un long-format déjà aussi démesuré qu’éminemment jouissif, « Telescreen » ose se parer d’une inquiétante étrangeté se métamorphosant en un halo rassurant et caressant, nous invitant à glisser vers l’inconnu et ses expériences les plus belles et curieuses. Toute la force de « The Age of Anxiety » réside dans ce paradoxe entre le confort et le tourment, dans ces mains tendues qui cajolent autant qu’elles griffent.

L’anxiété, cette source à la fois empoisonnée et motivante, qui s’immisce dans notre quotidien pour mieux nous manipuler ; ce que dénonce Pixx avec génie et sincérité, en délimitant une période d’angoisses et de doutes touchant à sa fin et s’achevant en une apothéose éclatante grâce à ce premier essai indispensable et puissant. Pixx se pose d’ores et déjà comme le fer de lance d’un nouveau courant artistique, tant anglo-saxon que mondial ; et à nous d’avouer, sans aucun scrupule, que l’on n’a de cesse de réécouter, sans pouvoir s’interrompre, ce classique en puissance, marquant un virage à 180 degrés dans la production sonore de 2017. Culte.

crédit : Fred Lombard

« The Age of Anxiety » de Pixx est disponible depuis le 2 juin 2017 chez 4AD.


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Raphaël Duprez

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