[Live] This Is Not A Love Song 2017, jour 3

À l’heure du sprint final, arrivés bien plus tôt que prévu, nous sommes prêts à lancer nos dernières réserves d’énergie dans les concerts de la journée. Ce dimanche 11 juin voit un retour à un line-up plus éclectique et on ne s’habitue jamais vraiment aux choix difficiles lorsque des artistes passent en même temps, même si c’est bien pour ce type de dilemmes qu’on apprécie tant ce genre de festival.

KOKOKO! – crédit : Alexandra de Lapierre

Article écrit par Noé Vaccari et Hugo Audam

Les Grys-Grys nous font reprendre exactement là où la veille nous avait laissés, avec leur garage ardent faisant concurrence aux rayons de soleil, s’autorisant même parfois des incartades rock’n’roll ou country notamment grâce à l’apport d’un harmonica envolé. On ne déroge pas à la règle, le festival assume pleinement sa capacité à faire office de tremplin auprès de groupes qui méritent plus de visibilité.

crédit : Stéphane Rip

C’est ensuite le tour d’Oceanic Memory, originaire de Montpellier, de faire se réunir les foules. Ici, plus de garage enflammé ou de riffs endiablés, mais bien plutôt un rock progressif et atmosphérique. Les morceaux proposent certes une construction prévisible, mais extrêmement efficace ; les instruments se remplacent lentement, comme des couches qui se superposent et glissent doucement. La voix du chanteur, très émotive, semble parfaitement adaptée à cette douceur : en écoutant certains morceaux, on pense directement au « Spanish Sahara » de Foals, que nous avions vécue ici l’année dernière.

Et, finalement, ce sont les talentueux Whitney et leur indie pop élégante qui ont pour rôle de venir clôturer l’après-midi gratuite. Si, à l’instar de ce qu’on a retrouvé dans leur excellent premier album, ils nous séduisent toujours par les guitares à la touche libre et le timbre intimiste du chanteur, les Chicagoans optent néanmoins pour une approche plus maximaliste sur certains morceaux avec des cuivres virevoltants et des explosions instrumentales. Le groupe semble avoir compris l’importance de densifier ses formules pop efficaces, mais peut-être trop épurées pour une bonne expression sur scène, donnant au concert l’aspect d’une célébration collective, d’un feu d’artifice pop.

La soirée reprend avec le grand ovni musical de la programmation : KOKOKO! En effet, munis de leurs percussions et instruments DIY à base de tubes, fils et bouteilles, les cinq musiciens et leurs combinaisons jaunes développent une musique électronique expérimentale des plus tourbillonnantes. Le contraste entre les beats électroniques très travaillés et les instruments simples met en exergue la répétition de motifs rythmiques et le rôle des simples nuances mélodiques suffisant à former des chansons inéluctablement dansantes,  formant un équilibre improbable et réussi entre de la world music et du LCD Soundsystem. Tout le monde paraît visiblement s’amuser et les musiciens interpellent continuellement la foule, le chanteur sollicitant à de multiples reprises l’apport vocal de la foule (même après la fin du concert) au point de venir au milieu de celle-ci pour lui demander de se baisser et se relever en rythme. Un coup de cœur énorme et retentissant.

crédit : Alexandra de Lapierre

On accourt alors pour rejoindre la grande salle intérieure dans laquelle les Nîmois de Mofo Party Plan ont déjà commencé leur concert. L’expérience est instantanément prenante, la musique du quatuor fonctionne comme un jeu sur les variations possibles autour d’une note, d’un accord ou d’un groupe d’accords. Ainsi, le groupe développe différents traitements possibles du son : on pense parfois au rock expérimental de Battles, d’autres fois au rapport plus électro-pop que propose MGMT ou Two Doors Cinema Club, certaines fois enfin on sent poindre une influence hip-hop. Le chanteur prend parfois l’allure d’un MC, ponctuant ses phrases par des mimiques vocales rythmiques afin de s’inscrire dans la cadence. C’est dans cette ambiance surexcitante que le groupe développe ainsi son style atypique, les notes comme des électrons libres se déplaçant autour du noyau formé par les percussions.

Face à un soleil plus que jamais au rendez-vous, il paraît impossible de manquer la prestation de Mick Jenkins, le rappeur le plus hydraté des États-Unis. Depuis la sortie de la mixtape « The Water[s] », le MC s’est en effet fait connaître pour sa maîtrise lyrique et pour la positivité intense qui se dégage de celle-ci. Et l’artiste a bien raison de recommander au public de boire de l’eau entre chaque chanson tant sa prestation sur scène répond au talent qui imprègne ses phrases, arpentant sans cesse la scène, haranguant le public à chaque occasion et semblant faire sortir la moindre syllabe du fond de son cœur directement.  Il s’accompagne même d’un véritable batteur très technique en plus de son DJ, comme pour mettre l’accent sur le poids des mots, chaque nouvelle salve percutant plus fort que la précédente. Véritable vague de positivité, l’artiste explique les interactions régulières par le fait qu’il ne pourrait pas être là sur scène sans un public pour le soutenir. Connu pour son travail sur les mots, Mick Jenkins prouve ici que son talent musical dépasse la dimension lyrique simple et qu’il a tout pour devenir un très grand.

crédit : Agathe Salem

Devant la scène Bamboo, la moyenne de longueur de cheveux et de tatouages s’accentue alors que Baroness, la seule incartade metal de la programmation, prend place. L’intensité monte immédiatement d’un cran grâce au travail fantastique des deux guitaristes, leurs envolées techniques répondant aux signatures rythmiques complexes. Les riffs triomphants s’accumulent et s’envolent au milieu de la fumée et du jeu de lumière comme pour apporter une touche magique à la prestation déjà époustouflante, preuve de la volonté qu’à John Baizley d’associer sa virtuosité musicale à son talent visuel. Que ce soit pendant les interludes instrumentaux ou au cours des tubes chantés par les rangées de fans venus les voir, le groupe confirme fièrement la portée universelle de sa musique et démontre qu’il a sa place au sein de n’importe quel festival.

Tous les concerts de la soirée convergeaient vers celui-ci, véritable paroxysme de la programmation. La performance de Death Grips est pourtant très difficilement supportable, mais c’est ce qui fait l’originalité du projet sur scène : le son est mixé de manière à ce que les fréquences basses soient beaucoup trop fortes et l’ensemble en devient quasiment inaudible. Parfois, les morceaux prennent une forme abstraite, comme une bouillie de bruit, un simple accent dans la voix ou bien un passage culte étant les seuls indices pouvant nous aider à reconnaître la chanson étant performée. En résulte une violence sonore indicible qui confirme qu’on ne vient pas tant à un concert de Death Grips pour écouter que pour vivre une expérience sensorielle et physique ; l’immense mouvement perpétuel animant les premiers rangs illustrant ce raz-de-marée tonitruant. On observe d’ailleurs à la barrière la présence des membres Show Me The Body restés un jour de plus pour l’occasion, preuve de la notoriété des concerts du groupe de hip-hop bruitiste californien. Ce dernier concert fut un superbe éclat final, une apothéose aussi bruyante qu’enivrante. Sonnés, c’est accompagné du célèbre tube de Public Image Limited projeté par les enceintes, juste suffisamment fort pour qu’on puisse encore entendre les notes, que l’on traverse le site une dernière fois avec un certain pincement au cœur, mais surtout la satisfaction d’avoir passé une fin de week-end au niveau des autres jours, le TINALS prouvant encore une fois son statut de festival unique en France.


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Noé Vaccari

Étudiant passionné par le post-punk et la musique alternative en général