[Live] This Is Not A Love Song 2017, jour 1

On l’attendait avec hâte depuis les secondes suivant la fermeture des portes l’année dernière : c’est finalement ce vendredi 9 juin le grand retour du festival This Is Not A Love Song. Comme pour chaque édition, la programmation exaltante repose sur un mélange entre des découvertes de talents locaux ou internationaux et de gros noms à la réputation déjà établie, faisant de chaque nouvelle édition une surprise totale attirant des fidèles festivaliers des quatre coins du pays (voire plus loin). La deuxième marque de fabrique du festival repose sur les nombreuses activités conviviales parsemées sur l’ensemble du site et la bonne humeur qui en découle. L’importance de la vie sur le site est clairement mise en avant par l’équipe cette année ; preuve en est la métamorphose d’une des salles intérieures des dernières années en « love-room », un club interne proposant continuellement des DJ sets ou des karaokés. Un lieu de convivialité pure permettant de souffler entre des concerts ou, au contraire, de s’essouffler encore davantage en dansant et chantant. La disparition des fameux flamants roses, symboles du festival jusqu’ici, montre aussi sa capacité  à évoluer, à prendre de nouveau risques et ne pas se reposer sur ses lauriers. La foule apparaît progressivement, attirée par les premières notes émergeant du soundcheck des deux scènes en préparation, signe confirmant une fois pour toutes la bonne nouvelle du jour: c’est parti pour une nouvelle édition du festival nîmois !

crédit : Marie Meletopoulos

Article écrit par Noé Vaccari et Hugo Audam

Le week-end démarre en douceur avec Goat Girl, les musiciennes proposant quelques jams soniques pour meubler suite à des problèmes techniques. Cependant, il ne faut pas attendre longtemps avant de plonger dans la déferlante des riffs cinglants, de la basse métallique et des voix graves des chanteuses ; le post-punk du quatuor est tour-à-tour subtilement séducteur et pugnace et convainc immédiatement le public se regroupant devant la scène. Les morceaux s’enchaînent à toute vitesse grâce aux mélodies lead de guitare apportant une cohésion et une touche d’acidité, donnant parfois presque l’impression de voir la grisaille new-yorkaise de Patti Smith couvrir le ciel brûlant.

À chaque transition entre les morceaux, plutôt que le silence, on entend les rythmes élancés de Yassassin flottant dans l’air, qui jouent sur la grande scène extérieure. En effet, l’accent du festival a été mis sur l’extérieur ; une troisième scène y est aménagée pour cette édition. Cela mène néanmoins, selon le placement, à une confrontation sonore déroutante. Mais c’est le propre du TINALS que d’expérimenter de nouvelles configurations. Quoiqu’il en soit, l’ambiance est au rendez-vous, la magie opère une fois de plus ; c’est une mise en bouche très concluante.

On se déplace ensuite vers la grande salle intérieure, déjà chargée de multiples souvenirs, cette fois-ci pour y voir The Coathangers. Dès l’introduction, on sait que le concert sera sensationnel. La musique d’attente donne la couleur : « Boom, Boom, Boom, Boom » des Vengaboys. Puis les trois musiciennes arrivent, dansant sur de la house, et s’installent. Les mélodies rock tendant vers le punk sonnent comme du Sonic Youth, elles s’enchaînent et nous emportent : la meilleure manière de débuter un TINALS. Les changements de rythmes se font de manière abrupte, il n’y a pas de chanteuse principale et les trois artistes échangent d’ailleurs régulièrement leurs instruments dans un jeu de chaises musicales géant. Finalement, les Américaines terminent en offrant leur guitare à une fan, symbole d’une gentillesse mémorable ne pouvant avoir sa place que dans un tel festival.

C’est au tour du premier gros concert de prendre place sur la scène Flamingo avec l’indie garage de The Growlers. Immédiatement, on remarque la mise en avant des claviers et l’aspect rythmé de la performance, faisant émerger non pas des pogos mais des pas de danse du public zélé. Le groupe met ici en valeur sa dimension surf pop sans toutefois oublier d’exploser lorsqu’il le faut par des solos ou les poussées vocales atypiques de Brooks Nielsen. Le groupe paraît avoir adapté sa performance au festival en déclinant son indie pour en faire ressortir le plus entraînant, le plus euphorisant.

Mais les amateurs de pop pouvaient aussi s’être donnés rendez-vous devant la scène Bamboo, où Alex Cameron avait pour tâche de défendre l’étendard d’une nouvelle génération indie pop en pleine expansion. Instantanément, les boîtes à rythmes et les mélodies pétillantes prennent le contrôle de l’espace, Les synthés typiques des années 80 ponctuent chaque chanson sans néanmoins jamais tomber dans la nostalgie ; c’est au contraire leur fraîcheur qui importe et fait effet sur la foule. Le concert prend un charme électrique unique à travers un mélange expérimenté des genres, certaines chansons faisant cohabiter country et synthpop pour notre plus grand plaisir.

Shugo Tokumaru est l’un des artistes les plus attendus de la programmation, le génie musical nous séduisant depuis des années avec des albums proposant une art-pop toujours plus explosive dans un univers musical haut en couleurs. Ici, accompagné de cinq musiciens et de la multitude d’instruments nécessaires pour rendre la richesse sonore qui a fait sa réputation, sa performance donne l’effet d’un coup de tonnerre par la rapidité, la spontanéité et la puissance de chaque note, les chansons kaléidoscopiques paraissant trop effrénées pour ne pas être de l’improvisation mais trop parfaitement interprétées pour ne pas y voir la maîtrise technique qui se cache derrière. De la J-pop au folk en passant par le math rock et des sonorités expérimentales, sa virtuosité technique et ses capacités vocales se transforment en euphorie partagée et la multitude d’oreilles attentives semblent prêtes à le suivre dans tous ses choix musicaux. Le musicien réussit l’exploit de reproduire sur scène la richesse de sa production studio, mais également de créer un équilibre aussi improbable que réussi entre un set extraordinairement expérimental et une musique rayonnante, entraînante et ravissante.

crédit : Marie Meletopoulos

Pas le temps de se reposer puisque Flying Lotus s’apprête à jouer sur la grande scène extérieure. Steven Ellison s’entoure de deux écrans, un écran transparent entre lui et la foule et un autre derrière, dévoilant ainsi le dispositif visuel qui nous accompagnera le temps du concert. Le spectacle est somptueux : les images composées participent à l’ambiance tantôt mystique, tantôt explosive de l’abstract hip-hop du Californien. On observe des visages apparaître sur les écrans, se déformer, les apparitions sont toutes succinctes et surprenantes. Alternant entre des passages de drum’&’bass et des moments plus contemplatifs, la force du set tient résolument dans ses basses frénétiques dont la maîtrise est impressionnante, et ce, même lors de sa reprise étonnante du thème de Twin Peaks. Le public vibre à chaque impulsion prodiguée par Flying Lotus, le rapport à sa musique est presque corporel. L’expérience est définitivement un succès, une valeur sûre qui débute l’enchaînement et marque la cohérence des têtes d’affiche du soir.

crédit : Marie Meletopoulos

Il y a peu de hip-hop dans la programmation de cette année, mais le nom seul de Danny Brown suffira à convaincre ; preuve en est, la vague de gens se dépêchant de rejoindre la grande salle après la performance de Flying Lotus. Sur scène, l’artiste oublie la partie intime, lugubre et émotionnelle de sa discographie pour se concentrer sur ses morceaux les plus dansants et les plus assourdissants. Porté par des basses trap accentuées pour la scène, il accumule les drops et transforme rapidement les premiers rangs en un pogo qui ne cessera pas avant la fin du concert. Des plus grands fans chantant les paroles déjà cultes jusqu’aux personnes se délectant du spectacle dans les tribunes, pas un sourire ne manque à l’appel. Pas même celui de Danny, et le plaisir qu’il prend sur scène se ressent de manière évidente dans ses pas de danse improvisés ou ses nombreux sourires et contacts du regard avec la foule. Les tubes de ses projets s’enchaînent, formant un concert endiablé, une débauche d’énergie, un frisson collectif paraissant n’avoir aussi bien duré quelques secondes seulement qu’une éternité.

Quoi de mieux qu’un groupe tel que Moderat pour finir la soirée du vendredi ? Après les deux représentants du hip-hop électronique, le groupe allemand semble incarner la conclusion parfaite. Plus calme en raison de la splendide voix d’Apparat, le concert n’est tout de même pas une transition vers le repos qui nous attend. Bien au contraire, rapidement, des nappes techno viennent remplacer les mélodies bien connues du groupe et occupent une partie non négligeable du set. L’alchimie a lieu, le public se laisse transporter par la puissance et la beauté qui se dégagent de l’ensemble. Les sons s’appuient sur des visuels extrêmement colorés afin de mettre en valeur le pouvoir évocateur, l’aspect poétique renfermé dans la musique du trio.

Un exploit était nécessaire pour donner une performance à la hauteur de celles les entourant, et c’est un pari indéniablement réussi pour Spring King situé sur la seconde grande scène extérieure plus éloignée. L’indie mordant et éclatant du jeune groupe prometteur paraît porter les jambes lourdes et les faire s’agiter en cadence, un jeu de tension constant laissant toujours les refrains se dévoiler au moment parfait pour donner une impulsion de vigueur. Les deux guitares et la batterie semblent en communication constante, la cohésion étant assurée par la voix des quatre musiciens survolant ce tumulte sonore des plus agréables. Une effusion ultime d’énergie nécessaire pour oublier que cette première journée remplie de talent et d’éclectisme touche déjà à sa fin et pour se rappeler que le festival reprend très rapidement le lendemain.


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Noé Vaccari

Étudiant passionné par le post-punk et la musique alternative en général