Le moins que l’on puisse dire, c’est que Saint Etienne prend son temps entre chaque sortie. Et pour cause : « Home Counties » contient tous les ingrédients qui ont fait la renommée du groupe, tout en donnant à ces compositions totalement inédites une modernité aussi inattendue que bienvenue. Un plaisir intense et communicatif, dont on ne se lasse pas une seule seconde.
Déjà trente ans que Saint Etienne poursuit une carrière lancée par quelques reprises judicieusement choisies, avant d’affronter lui-même ses propres démons créatifs au fil de disques espacés dans le temps, mais toujours fédérateurs. Le trio londonien nous avait laissés sans nouvelles depuis 2012 et, enfin, « Home Counties » voit le jour ; ou plutôt la nuit, si l’on en juge par les genres explorés avec philosophie et extase par Sarah Cracknell, Bob Stanley et Pete Wiggs. En effet, ce nouvel opus débute comme une promenade apaisée et sensible avant de se muer en véritable transe sonore dissimulant des trésors tantôt dansants, tantôt calmes, mais toujours parfaitement interprétés et composés. Une madeleine de Proust pour certains, une découverte que l’on espère essentielle pour d’autres.
Chose amusante : tout ce qui semble résumer les conditions d’existence de l’album apparaît sous forme de stickers colorés sur la pochette, représentant une maison dont les habitants, le rôle ou la place demeureront inconnus. Comme si Saint Etienne voulait aller droit à l’essentiel une fois le CD ou le vinyl ouverts ; d’où l’introductif « The Reunion », nostalgie radiophonique d’un projet qui a su envahir les ondes et le prouve à nouveau grâce à un « Something New » aussi révélateur des désirs de chacun des membres que sensuel et faisant de la pop un moyen d’expression tel qu’il n’avait plus été utilisé depuis bien longtemps. Ne baissant jamais les bras lorsqu’il s’agit de donner à leurs compositions l’ampleur qu’elles méritent, nos musiciens nous lancent au milieu du dancefloor grâce au sulfureux et dynamique « Dive », au très 80’s « Out Of My Mind », le tout sans omettre le quart d’heure de plénitude et de séduction que « Arcadia », dont les sept minutes demeurent d’une passion sans faille, laisse sonner dans nos esprits pour mieux les embrumer. « Home Counties » devient rapidement une pochette surprise dont la cohésion tient aux différents intermèdes parlés qui le parsèment et où l’on peut aussi bien piocher, au hasard, des chœurs d’une beauté magistrale (« Church Pew Furniture Restorer »), des hommages psychédéliques aux mélodies les plus vaporeuses et envoûtantes (« Take It All In », « Underneath The Apple Tree ») ou des relectures personnelles et confiantes de leurs propres tubes, mais avec ce petit plus futuriste qui annonce le meilleur dans les années à venir (« After Hebden », « Heather »).
« Home Counties » marque nos retrouvailles avec Saint Etienne de la plus belle des manières, tant sur la longueur (près d’une heure de musique sans aucun temps mort) que sur la densité d’un album travaillé et ciselé, marquant une fois de plus l’irremplaçable empreinte que nos trois magiciens impriment dans nos cœurs et nos discothèques idéales. Aussi nostalgique qu’annonciateur d’une ère nouvelle, il atteint avant tout son but premier sans aucune difficulté : laisser briller une lumière chaude et rassurante tout autour de nous, tournoyant jusqu’à nous donner le vertige. Une œuvre d’une beauté intemporelle et vénéneuse.
« Home Counties » de Saint Etienne est disponible depuis le 2 juin 2017 chez Heavenly Recordings / [PIAS].
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