[LP] H. Hawkline – I Romanticize

Offrant à l’auditeur l’étrange sensation de voir les fantasmes d’un créateur habité et possédé prendre vie et laisser apparaître des formes indistinctes et fascinantes, « I Romanticize » de H. Hawkline est un disque où le dépouillement cache des trésors d’ingéniosité et de profondeur mélodique, sachant exactement quand et comment invoquer les esprits d’un art inédit et exceptionnel. Captivant et intrigant.

On aimerait tellement savoir ce qui se passe dans la tête de certains musiciens que l’on a la chance de rencontrer et avec lesquels il nous est possible de passer un moment privilégié à travers leurs chansons, leurs obsessions et leurs harmonies, qui demeurent toujours plus expressives que les dialogues eux-mêmes. Face à H. Hawkline, ce sentiment si déstabilisant mais pourtant précieux devient rapidement réalité, tant l’écriture du compositeur parle avant tout à nos êtres, à nos corps et à nos pensées les plus embrumées afin de leur offrir une luminosité et quelques réponses essentielles que l’on n’aurait pas soupçonnées quelques minutes auparavant. Poser des termes sur ce qui semble trouble et indescriptible : c’est exactement ce que représente « I Romanticize », œuvre qui parle autant au cœur qu’à l’être.

L’artiste semble se servir de chaque instrument afin de lui donner un langage propre, ne cherchant jamais à dépasser les capacités de chacun d’entre eux afin de valoriser des paroles tantôt ironiques, tantôt chargées de regrets et d’expériences vouées à l’échec. « Means That Much » revêt des atours pop et psyché, notamment à travers un solo de guitare aussi émouvant que la voix elle-même et qui trouve une réponse inattendue et réconfortante un peu plus loin, dans la ligne de basse suave et cathartique du déjanté et calciné « Salt Cleans ». L’album ne s’encombre pas d’arrangements futiles : « Engineers » nous replonge dans des volutes de fumée 70’s n’ayant jamais sonné de manière aussi actuelle, tandis que le désabusé « Last Day at The Factory » devient une longue marche vers l’inconnu, vers l’indicible et l’imprévu dans la solennité de ses mélodies de cuivres finales. Auteur d’histoires ouvrières et prolétaires, H. Hawkline décrit le quotidien des parias, des laissés-pour-compte et de leurs amours fantasmées ou réelles (« My Mine » ou le funk ralenti et mystérieux de « Cold Cuts »). Quelque part entre le pub, les cités ouvrières et le regard rivé vers les hauteurs d’immeubles où les grands de ce monde pointent du doigt et se moquent, le songwriter avance, fier et droit, sans jamais abandonner ses espoirs ni ses envies.

Le timbre de H. Hawkline porte à lui seul ce mélange passionnant et viscéral de confidence et d’affirmation, berçant les anecdotes qui nous sont évoquées à voix haute et non plus murmurées. Car « I Romanticize », bien qu’il avoue lui-même modérer les ardeurs de ses propos, ne cesse à aucun moment de réveiller L’incompréhension et les brimades dont nous sommes souvent victimes, intimement et professionnellement. Avec, au final, une nonchalance qui traite l’oppresseur par le mépris ou, dans la souffrance, tente de tirer un trait sur la relation sentimentale qui donnait l’énergie nécessaire au combat de chaque jour. Mais l’opus est un appel inépuisable à lever haut nos mains, à nous affirmer et à vivre chaque jour comme si c’était le dernier, en compagnie d’un compositeur séduisant et au talent inimitable. Un ami à part, mais que l’on affectionne sans pouvoir le laisser nous quitter.

« I Romanticize » de H. Hawkline est disponible depuis le 2 juin 2017 chez Heavenly Recordings / [PIAS].


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.