[Interview] Koriass

Élément solide de la scène rap québécoise, Koriass débarque à la Boule Noire ce jeudi. Entre France et Canada, narcissisme et et sincérité, le garçon raconte la scène francophone de ces quinze dernières années, au sein de laquelle il a su rester humble. Préparez-vous au grand écart des accents et des cultures !

crédit : Jay Kearney
  • Bonjour Koriass ! Si tu devais écrire une ligne, une punchline au sujet de ton humeur actuelle, quelle serait-elle ?

Je suis actuellement à Paris et il fait 35 degrés, alors je chanterais sûrement l’intégralité de la chanson « Il fait chaud » de Passi.

  • Un peu plus de quinze ans dans le monde du rap : faut-il être coriace, intransigeant sur ses convictions et ses positions pour perdurer ?

Je crois qu’il faut être très exigeant envers soi-même, humble et sans compromis dans son travail. Et essayer de constamment changer, évoluer, sans perdre son essence ni son identité artistique.

  • Tu as fait tes premiers pas au début des années 2000 : quel était l’état de la scène rap québécoise à cette époque ?

Le rap était en pleine effervescence chez nous. Les premiers groupes de rap québécois commençaient à sortir des albums de qualité, la scène rap montréalaise était en pleine forme.

  • Les classiques français tels qu’IAM, NTM, Assassin berçaient-ils les journées des jeunes Québécois ?

Oui, beaucoup. Le premier album de rap que j’ai acheté était la compilation « Hostile » avec le classique de Lunatic, « Le crime paie ». J’ai aussi beaucoup écouté La Fonky Family, La Cliqua, et Fabe était mon rappeur préféré.

  • J’imagine que le rap US était aussi bien implanté…

Oui, bien évidemment. Ça compose les 3/4 de ce que j’écoute comme rap.

  • Qu’en est-il de l’importance de la chanson québécoise (je pense notamment à Félix Leclerc ou à Robert Charlebois) ?

Elle est importante, et pas seulement au Québec, dans toute la francophonie. On pense évidemment à Leclerc et Charlebois ou Céline Dion, mais il y a aussi les nouvelles générations qui font du bruit en France : les artistes comme Pierre Lapointe, Klô Pelgag ou Les Cowboys Fringants.

  • L’an dernier sortait ton quatrième album, « Love Suprême » : peut-on le décrire comme un hymne à l’amour ?

Oui, en quelque sorte ; mais c’est surtout une observation de mon narcissisme, de celui des artistes. L’amour de soi, celui qu’on cherche du public, l’approbation.

  • Et d’où viennent cette nécessité, ce cri du cœur ?

Cette recherche constante d’amour en surface, éphémère et superficielle, nourrit quelque chose de nocif en moi, en nous. C’est un peu un exercice pour essayer de m’en débarrasser.

  • Cependant, tu mets un point d’honneur à raconter la vie telle qu’elle est, c’est-à-dire parfois banale et sans espoir : comment intègres-tu le rap dans ta vie quotidienne ? Quel est ton rapport au quotidien, à la redondance dans ton processus de création ?

Le propos reste assez personnel dans mes chansons, mais il y a quand même du second degré, de l’exagération. Ça reste de l’art et parler de banalités du quotidien ne m’intéresse pas. J’essaie d’aller dans les zones plus noires ou plus troubles, qui font parfois partie du quotidien : le cynisme, le capitalisme sauvage, la peur de la mort, les déchirures amoureuses… Ce sont des trucs qui touchent tous les humains, mais des sujets parfois tabous ou difficiles à aborder.

  • Tu débarques en France dans les prochains jours : quelle est la différence majeure en terme de rap entre le Canada et ici ?

Je crois que nous avons un phrasé vraiment différent du vôtre : le mélange entre l’anglais et le français, l’accent, les références culturelles, etc. Dans le son, nous avons plusieurs similitudes, un son très influencé par le rap américain.

  • Tu es très actif sur les réseaux sociaux : est-ce qu’être artiste dépasse aujourd’hui le fait de simplement faire de la musique ? Par exemple, défendre des causes, ou encore rester un soutien pour ton public ?

Je parle seulement pour moi, mais oui. J’utilise ma tribune pour faire passer certains messages et aider les gens. Je donne des conférences dans les lycées au Québec, j’ai une relation de proximité avec mon public que je n’aurais jamais espérée en commençant à faire de la musique. C’est venu naturellement, par la force des choses.

  • Si, demain, je prenais un avion pour Montréal, comme beaucoup de Français, quels seraient les lieux pour écouter du bon son, du rap ?

Il n’y a pas vraiment d’endroits en particulier où l’on fait jouer du rap de chez nous. Je crois que le meilleur reste dans une salle de concert. Les Francofolies de Montréal donnent une place importante au rap québécois.

crédit : Manny Fortin

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Juliette Durand

étudiante en cinéma, arpenteuse des scènes parisiennes et passionnée des musiques qui prennent aux tripes