Alors que son nouvel album, « Morningside », est sorti il y a quelques semaines, il nous fallait impérativement échanger avec Amelia Murray, alias Fazerdaze, sur les changements que sa renommée grandissante avaient provoqués dans son quotidien et sa manière de créer et concevoir sa musique, afin de pouvoir offrir un visage toujours plus sensible et ouvert d’esprit à ses auditeurs. Fédérer et se donner corps et âme pour son art ; l’artiste elle-même, étonnée par sa célébrité soudaine, n’a pourtant rien perdu de sa gentillesse ni de sa capacité à s’étonner pour nourrir ses chansons si sobres, directes et intimes. Entretien avec une créatrice réservée mais à la vision toute particulière et exceptionnelle d’une carrière qui n’a pas fini d’aller vers les sommets.
- Bonjour Amelia et merci de bien vouloir répondre à nos questions ! Tout d’abord, peux-tu nous présenter Fazerdaze ? Quand le projet est-il vraiment né, étant donné que tu as auparavant travaillé avec de nombreux autres artistes ? Quel a été le déclencheur qui t’a motivée à donner vie à Fazerdaze ?
Je pense que ça a commencé parce que je n’arrivais pas à trouver un véritable groupe ou une réelle stabilité dans les projets où j’étais impliquée, même si je voulais continuer à faire de la musique. Mais je ne voulais pas non plus sortir de disques sous mon vrai nom ; cela ne m’inspirait pas vraiment. J’ai donc ressenti le besoin de créer un nom et un espace dans lesquels je pourrais créer, et Fazerdaze s’est imposé. Je me suis sentie très excitée quand j’ai trouvé ce nom.
- Et comment en es-tu arrivée à ce nom, Fazerdaze ?
J’avais devant moi un bout de papier, et j’ai énormément réfléchi en me basant sur les définitions et les façons dont certains mots que j’aimais étaient écrits, ainsi que les images qu’ils véhiculaient. Le résultat est un mélange de tous ces mots. Fazerdaze est ressorti de toute cette réflexion, puis je l’ai montré à ma colocataire, qui l’a aimé. Je m’y suis immédiatement attachée.
- Ton premier EP est sorti en 2014 et sonne de manière très folk, tandis que ta voix semble plus discrète par rapport à la musique elle-même. Essayais-tu de trouver quelque chose d’intime pour exprimer tes émotions à travers le côté folk et, dans ce cas, pourquoi avoir choisi de mettre ton chant en retrait par rapport aux instruments ?
Je pense que c’est avant tout parce que j’ai réalisé cet EP toute seule et que mon chant n’est pas vraiment très bon dessus ! (rires)
- Tu veux dire que tu as toi-même mixé le disque ?
Oui, j’ai tout fait moi-même. Je pense qu’à ce moment-là, je n’étais pas encore très douée pour comprendre comment tout ça fonctionnait ; mais j’étais également assez timide, ce qui explique pourquoi la voix est à un niveau moins élevé que le reste des instruments.
- Est-ce que cela traduit un manque de confiance en tes capacités ? Pourtant, ton potentiel d’écriture et d’interprétation est vraiment impressionnant, aussi bien sur « Fazerdaze EP » que sur ton nouvel album, aussi bien en termes de production que s’agissant de ton implication personnelle dans ta musique. Était-ce un manque de confiance en toi, du fait de commencer une nouvelle aventure musicale en solitaire ?
C’était plutôt un manque de compétences. Je suis continuellement en train d’apprendre à produire de la musique, à la faire sonner comme je l’entends. J’apprends à faire cohabiter l’instrumentation et le chant ensemble, afin que le résultat soit proche de ce que je désire, mais également intimiste. Il y a aussi le fait que je voulais que les chansons aient un petit côté lo-fi, qui me ressemble. Quand tu écoutes de la musique pop à la radio, tout est lisse, puissant et clair ; et je ne voulais pas que mes chansons ressemblent à ça. Bien sûr, il y a également une part de timidité, je ne vais pas le nier ; dans la vie, je suis quelqu’un de très timide, ça doit donc s’entendre dans ma musique.
- Pourtant, sur ton nouvel album, « Morningside », ta voix est beaucoup plus en avant. La musique elle-même a évolué, avec des éléments rock ou électro comme sur « Bedroom Talks », dont nous reparlerons plus tard. On ressent qu’il y a une énergie supplémentaire sur ce nouvel opus, et que ton chant s’en fait l’écho. Qu’est-ce qui a changé pour toi entre ton premier EP et « Morningside » ?
J’ai eu la chance d’avoir quelqu’un d’autre qui s’est occupé du mixage du nouvel album. Sauf que lui voulait qu’on augmente le son de ma voix, alors que je désirais le contraire ! Finalement, je lui ai donné raison. Ça a été très important de pouvoir compter sur quelqu’un avec de l’expérience pour mixer le disque.
- Et que penses-tu du résultat, justement ?
Je dois avouer que c’est un peu effrayant, en fait. Je me sens vulnérable quand la voix est mise trop en avant, ce qui m’angoisse, bien sûr.
- Pourtant, en écoutant des titres comme « Lucky Girl » ou « Friends », ce sont des chansons plus rock, et ta voix est justement supposée être prédominante, elle doit s’affirmer au-dessus des guitares et de la batterie. Et ce qui est paradoxal, c’est que ton nouvel album est à l’opposé d’un disque écrit par une artiste ayant peur de chanter ; comme si, encore une fois, quelque chose avait changé entre 2014 et maintenant.
Vraiment ? C’est cool alors ! Et c’est amusant, car c’est en t’écoutant et en partageant la façon dont tu as ressenti le disque que je note vraiment la différence entre celui-ci et le précédent. Je crois que ce changement s’est fait inconsciemment, de manière logique, sans que je m’en rende compte. Peut-être que je commence à avoir plus confiance en moi, en mes capacités. Sans compter que j’ai disposé de plus de temps pour écrire ce nouvel album. Le fait de jouer en concert a aussi eu un impact sur ma perception de la musique : les chansons fonctionnent très bien en live et on a tendance, avec mes musiciens, à les jouer à un volume assez élevé. Ils ont d’ailleurs énormément contribué au fait de faire sonner les titres de manière plus rock. En additionnant tous ces éléments, cela peut expliquer pourquoi ce changement s’est produit.
- Trois années séparent ton premier EP éponyme de « Morningside » ; pourquoi une période si longue entre les deux ?
Il y a beaucoup de raisons à cela. Tout d’abord, j’avais réellement envie de prendre mon temps. Après la sortie du premier EP, j’ai fait une pause dans l’écriture et la composition. L’EP commençait à bien marcher, mais j’avais tout fait en DIY, ce qui m’avait pris énormément de temps. La demande était de plus en plus importante, et je devais faire les CDs moi-même : la gravure, le packaging, etc. J’ai eu beaucoup de mal à suivre le rythme, cela demandait un véritable engagement personnel et c’était une activité très chronophage, puisque je devais tout réaliser du début à la fin et envoyer les EPs un peu partout dans le monde. Ça a été un réel problème, surtout que je n’avais personne pour m’aider, ce qui a aussi eu un impact sur l’énergie que j’aurais pu avoir pour écrire de nouvelles chansons, ainsi que sur mes autres activités. Je me suis donc posée pour reprendre mon souffle avant de commencer à travailler sur le nouvel album, environ un an après la sortie de l’EP. Je me posais également beaucoup de questions, du genre « Dois-je vraiment me lancer dans la musique ? Dois-je y consacrer la plus grande partie de mon temps ? » J’avais sorti l’EP au moment de passer mes examens universitaires. Je suis donc sortie de l’université avec mon diplôme et j’ai dû réfléchir à ce que je voulais faire de ma vie : devais-je faire de la musique ou, au contraire, être plus réaliste et trouver un job ? Je suis passée par une période de doute, d’interrogations, et il m’a fallu quelques mois pour digérer tout ça, pour apprivoiser ce qui se passait. Dans le même temps, je cherchais un lieu où habiter, mon appartement à moi, parce que je ne me sentais chez moi nulle part. Il a donc fallu gérer tout ça en même temps, ce qui a forcément ralenti le processus créatif. Une fois que tout a été en place, j’ai écrit l’album en six mois et je l’ai fini au début de l’année dernière ; mais, cette fois, j’ai préféré prendre le temps de trouver une structure, un label pour m’accompagner dans toutes les démarches. J’ai reçu beaucoup de propositions grâce au succès de l’EP, mais c’était assez confus, car tu ne sais pas quel sera le bon choix, s’il répondra à tes attentes et besoins, etc. J’ai été approchée par de nombreux managers, et il a fallu décider avec lequel travailler, quel contrat signer pour que la décision soit la meilleure possible. J’ai pris le temps de tout lire et de voir ce qui serait le plus avantageux, et j’ai fini par signer un deal avec Flying Nun Records, ce qui était la meilleure décision possible. Tout ça prend énormément de temps, encore une fois. Mais je ne veux surtout pas me précipiter. Je suis quelqu’un qui appréhende chaque chose lentement, avec précaution ; et aussi, qui met certainement autant de temps à se réveiller le matin, pour te donner une idée plus précise de mon tempérament et de mon rythme ! (rires) J’aimerais pouvoir réagir rapidement, mais ce n’est pas ma personnalité et je fais avec sans aucun problème.
- Tu viens de me parler du succès qu’a rencontré ton premier EP et de tout ce que cela a impliqué pour toi dans les mois qui ont suivi sa sortie. Est-ce que cet engouement pour ta musique t’a surprise, et cela a-t-il modifié, en quelque sorte, ta vision du futur, notamment artistiquement ?
Oui, ça m’a énormément surprise en effet, je ne m’y attendais absolument pas ! J’ai reçu des demandes d’un peu partout dans le monde, notamment du Japon, d’Angleterre ou des États-Unis, ce qui était très excitant. Je n’arrivais pas à y croire ! C’est une chance que nous donne la technologie, de nos jours : avec peu de moyens, tu peux diffuser ta musique partout dans le monde et les gens peuvent la partager s’ils l’aiment. Je pense que ça m’a surprise, en effet, mais ça m’a également fait un peu peur. J’ai pensé « Oh, maintenant des personnes un peu partout peuvent écouter ce que je fais ; que vont-elles penser ? ». C’est un sentiment aussi euphorisant qu’effrayant, à vrai dire.
- J’aimerais que nous parlions de la vidéo qui accompagne le titre « Little Uneasy ». Tout d’abord, où as-tu réussi à trouver un endroit aussi désert, dans lequel on trouve peu de voiture et pratiquement aucun passant ? Et comment est venue l’idée du plan-séquence, avec cette caméra qui te suit pendant que tu parcoures le lieu sur un skateboard avant que l’image s’éloigne de toi en s’envolant à la fin du clip ? Comment a-t-il été conçu ?
Nous avons tourné à Hobsonville, dans la banlieue d’Auckland. C’est l’un des nouveaux quartiers issus du développement urbain en Nouvelle-Zélande, qui voit des maisons et résidences fleurir un peu partout. Hobsonville est l’un d’eux. Pour le moment, l’endroit ressemble plus à une ville fantôme, car il est toujours en cours d’élaboration. Il y a régulièrement de nouveaux buildings et sites de construction qui apparaissent au fur et à mesure que la zone s’agrandit. Mark, mon ami, qui joue également dans le groupe, habite là, et je vais souvent lui rendre visite. J’ai tout d’abord parlé de l’idée que j’avais pour illustrer la chanson avec mon petit ami, et on s’est dit que ce serait vraiment génial de tourner cette vidéo, avec une fille faisant du skate au milieu de la rue pendant que la caméra, elle, recule pour la précéder avant de prendre de la hauteur et dévoiler tout le paysage. Comme il a beaucoup apprécié cette idée, il en a parlé avec un de ses amis qui est aussi réalisateur, Garth Badger. Garth m’a tout de suite contactée en me disant qu’il adorerait tourner le clip avec moi. Je crois que l’idée du plan-séquence vient de lui, d’ailleurs. Il a décidé d’utiliser un drone, ce que j’ai trouvé très amusant mais aussi très malin, et c’est comme ça que nous avons mis le résultat en boîte.
- Il y a un aspect de cette vidéo qui est également assez intéressant : quand la caméra s’éloigne de toi, puis se rapproche, l’image devient floue et pixellisée. Était-ce voulu, ou est-ce un heureux incident ?
Je crois que, dans le clip, nous voulions qu’il y ait des variations. C’est toujours difficile de rendre un plan-séquence intéressant ; nous avons alors cherché à apporter quelques modifications à l’image rendue par le drone, afin de donner une vision différente de la scène et du contexte urbain. Je voulais que la vidéo ait un mouvement de va et vient qui s’adapte à la musique, à son rythme ; c’est pour ça que, à certains moments, le spectateur est plus prêt du skateboard puis, quelques secondes plus tard, plus loin. L’image qui se trouble fait partie intégrante de ce rythme que nous avons essayé de donner à l’ensemble pour accompagner la chanson, pour inspirer autant de tension que de soulagement. Mais c’était vraiment très amusant à tourner et à monter.
- Le titre de l’album est « Morningside » ; à savoir, le quartier où tu habites maintenant.
Oui, à Auckland. Je m’y suis installée il y a peu et c’est également le lieu où j’ai fini l’album. J’aimais beaucoup le nom de ce quartier. Je me souviens de la première fois où j’ai reçu mes premières lettres à ma nouvelle adresse là-bas ; j’étais tellement heureuse ! Je me suis dit « Ça y est, enfin, je suis chez moi ! » C’est le lieu idéal, à une distance parfaite de la ville ; ni trop loin, ni trop prêt. C’est très calme. Je vis dans une belle petite rue tranquille et je m’y sens vraiment tellement bien… Je crois que c’est pour ça que j’ai voulu que l’album porte ce nom. j’y ai trouvé l’énergie nécessaire pour terminer le disque et commencer à lui donner une cohésion. Je travaillais constamment dessus depuis plusieurs mois et c’était très difficile d’achever tout le processus.
- Et c’est donc le fait de déménager à Morningside qui t’a permis de terminer tout ce processus ?
Je crois, oui. J’avais besoin de me poser quelque part, de trouver un lieu propice et stable pour achever ce que j’avais commencé. C’est nécessaire pour moi. C’est tellement facile de commencer quelque chose, mais si difficile d’y mettre une touche finale. Et je sais que, pour finir l’écriture et la composition, j’ai besoin d’un endroit où je me sente bien, en sécurité. Morningside m’a offert ce cadre idéal. Mais j’aime aussi l’image, la signification du mot « morningside » : rester éveillé(e) toute la nuit pour admirer l’aube. Cela illustre ce que j’ai pu vivre ces dernières années : obtenir mon diplôme, tout remettre en question, savoir où allaient vivre mes amis… Je sentais, au fond de moi, que je grandissais, que quelque chose changeait.
- Considères-tu alors que ce que tu as vécu, jusqu’à ton arrivée à Morningside, constitue le passage d’une phase à une autre ; à savoir, une première phase pendant laquelle tu t’es interrogée sur le sens à donner à ta vie, à ta musique, puis une seconde où tu as découvert ce lieu où tu vis maintenant et qui t’a permis de tout remettre à plat, de tout poser sur de nouvelles bases solides et stables ?
Oui, c’est exactement ça !
- Et pourtant, tu me parlais tout à l’heure de ce manque de confiance en toi que tu ressens lorsque tu chantes ou composes ; mais, maintenant que tu me parles de Morningside, de ce que ce lieu signifie pour toi, de ton clip, de ton album et de ce nouveau parcours qui s’ouvre pour toi, on a l’impression que tu as enfin trouvé la confiance en toi-même que tu recherchais.
Oh, merci ! Oui, je pense que tu as raison. Foncièrement, ce n’est pas un problème de ne pas avoir confiance en soi, ou de ne pas se sentir totalement en sécurité, en paix avec soi-même, du moment que ça te convient et que tu en as conscience, que tu l’acceptes. Je n’essaie plus de repousser mes émotions ; je les accepte, je leur offre la place qu’elles doivent occuper. Et cela est déjà une véritable épreuve, afin de se sentir libre de les affirmer.
- Sur « Morningside », la dernière chanson, « Bedroom Talks », est une piste plus électronique et qui se distingue du reste de l’album. Pourquoi as-tu voulu composer un titre comme celui-ci, et pourquoi avoir choisi de le faire figurer à la fin du disque ?
Je ne sais pas vraiment. J’avais cette chanson sur mon ordinateur et je n’arrêtais pas d’y revenir sans vraiment savoir quoi en faire. Je n’avais pas prévu de la mettre sur l’album, car c’est l’une des dernières que j’ai composées. Mais je ne pouvais pas m’empêcher de la réécouter, encore et encore. J’ai donc jeté quelques idées dessus, et elle s’est imposée alors comme la chanson idéale pour clore le disque. Elle sonnait comme une dernière chanson. D’autre part, à la fin du processus de composition de l’album, je commençais à m’intéresser à la musique électronique et aux samples, afin de chercher l’inspiration en-dehors des accords de guitare. J’avais besoin d’essayer autre chose. J’écoutais tous les sons qui m’entouraient, je faisais attention à chaque sonorité et je réfléchissais à la manière de les incorporer dans ma musique. Peut-être que « Bedroom Talks » est une introduction à ma prochaine phase musicale ; qui sait ? En tout cas, elle me représente, elle illustre une part de moi qui aime pousser les choses plus loin et expérimenter des idées nouvelles et inédites.
- Est-ce donc un chemin que tu vas suivre sur tes prochains travaux, ou était-ce plus spontané, sur le vif ?
Je pense que je vais vraiment explorer la musique électronique et les samples, définitivement. Je ne veux pas trop m’avancer ni faire de promesses que je ne tiendrai pas, mais je m’intéresse de plus en plus au sampling. Ça me permet de découvrir des sons vraiment cools, ainsi qu’une manière totalement originale de les manipuler, de jouer avec.
- Pour quelqu’un d’aussi timide que toi, comment envisages-tu le fait d’être sur scène et de jouer en concert ? Est-ce difficile ? Est-ce une autre phase de ta musique, une seconde vie que tu lui donnes ? Est-ce que tu ressens l’adrénaline pulser avant ta performance ?
Oui, définitivement, je sens l’adrénaline monter d’un seul coup ! (rires) Je pense que ça devient de plus en plus facile, mais le processus se fait lentement. Je me sens toujours aussi nerveuse à chaque fois, et c’est assez difficile, car monter sur scène est tout sauf naturel pour moi, devant tous ces visages qui me regardent… Je ne suis pas quelqu’un qui ferait n’importe quoi pour ça ! Normalement, je suis une personne plutôt réservée, qui reste dans son coin sans se faire remarquer. Je commence à m’y habituer, notamment en me forçant à ne pas être égoïste en ne pensant qu’à mon anxiété avant de débuter un concert, et à rien d’autre. Si je devais décrire ce que je ressens, je dirais que j’essaie de ne pas penser à moi quand je joue en concert ; je songe à tous ceux qui sont là, le public, le groupe… Je songe au moment présent, à ce que nous partageons tous ensemble, à cet instant particulier. Je me dis « On est tous là, dans un même lieu, tous ensemble ! », et j’essaie alors de faire tomber les barrières mentales qu’il y a entre moi et le public. Et, dès que je réussis à sortir de moi-même pour, justement, entrer en totale cohésion avec ce public, tout devient plus simple. C’est comme se regarder, mais selon une perspective extérieure à soi-même, en se focalisant sur le fait de se connecter avec tous ceux qui sont présents, qui sont là pour toi. C’est comme quand tu organises une fête chez toi : tu dois d’abord t’occuper des autres, puis de toi.
- Quelles ont été les réactions que tu as reçues jusqu’à présent concernant « Morningside » ?
Mes amis proches m’ont énormément encouragée. Ils m’ont dit que c’était une suite parfaite de l’EP, tout en étant différente. Mais à vrai dire, j’essaie de ne pas trop penser aux réactions des gens concernant ma musique. Mon manager s’occupe de tout ça, et c’est très bien ainsi. Ce qui est bon signe, c’est que beaucoup de labels m’ont contactée pour diffuser l’album. Mais je me soucie avant tout de ce que pensent mes amis. Et ils ont tous l’air de l’apprécier, sans compter qu’ils sont toujours amis avec moi, donc ça va ! (rires)
- Comment est reçue ta musique dans ton pays d’origine, la Nouvelle-Zélande ?
Je ne sais pas trop, en fait. Nous avons eu beaucoup d’échos positifs, ces derniers temps. Tu sais, il s’agit d’un petit pays, en fait ; un peu comme si tout le monde connaissait tout le monde, ce qui peut être impressionnant pour des gens comme moi. Mais il existe des structures qui soutiennent les artistes de la meilleure façon possible ; dès qu’elles sentent qu’il y a du potentiel, elles se donnent à fond pour faire grandir le projet. En tout cas, j’ai le sentiment que les gens nous aiment et nous soutiennent. Nous avons fait deux concerts, l’un à Auckland et l’autre à Wellington, et on a joué les deux soirs à guichets fermés. Le public était à fond et content d’être là, avec nous. C’était de petites salles, d’une capacité d’environ deux cent cinquante personnes, mais les deux étaient combles. Ça signifie beaucoup pour moi. En Nouvelle-Zélande, j’ai la sensation de ne pas toucher que les gens qui s’intéressent à la musique indépendante ; il y a aussi des personnes qui écoutent des artistes plus mainstream, et c’est très important pour moi. Je ne veux pas être cantonnée à un genre ou à un courant particulier, mais laisser ma musique ouverte à tous.
- Que peux-tu me dire de la scène musicale néo-zélandaise actuelle ? Y a-t-il des artistes que tu aimes et dont tu souhaiterais nous parler ?
La chance que nous avons, c’est qu’il n’y a pas qu’un seul genre musical auquel les jeunes artistes s’intéressent en Nouvelle-Zélande. Ils s’essaient à tous les styles possibles et imaginables. La production artistique est vraiment très variée là-bas. Et, quand je vais voir des concerts à Auckland, je suis toujours impressionnée par la qualité de la musique que proposent les artistes ; elle est réellement très professionnelle. Les musiciens accordent énormément d’importance à l’univers qu’ils créent. Il y a très peu de moyens financiers qui sont attribués à l’art, en Nouvelle-Zélande ; de ce fait, tout ce qui est créé l’est par amour, par passion. Parmi les artistes que j’aime, il y a notamment Kane Strang, qui vient de signer avec le label Dead Oceans. J’aime également énormément Aldous Harding, qui est chez 4AD. Elle est incroyable. Et aussi Gareth Thomas, qui est moins connu, même en Nouvelle-Zélande, mais écrit des chansons magnifiques. Je pourrais continuer encore longtemps comme ça, il y a vraiment de nombreux musiciens néo-zélandais que j’adore.