[LP] Ghost Against Ghost – Still Love

Le trauma vu de l’intérieur, à travers une musique instrumentale tour à tour noire et bouleversante ; Ghost Against Ghost signe un album à fleur de peau, laissant sur nos chairs des blessures qui seront longues à cicatriser mais nous rappelleront à quel point notre rencontre avec le projet demeurera continuellement référentielle et indispensable.

Disque de l’isolement et, selon le propre aveu du producteur et compositeur Christopher Bono, du repli sur soi et d’une forme nécessaire et vitale d’hibernation humaine et artistique, « Still Love » de Ghost Against Ghost aurait pu être sombre et dense, voire pesant. Pourtant, malgré les nombreuses questions que l’artiste se pose et nous expose à travers un opus aux élans orchestraux baignés de riffs accrocheurs et puissants, mais n’oubliant jamais l’apaisement nécessaire à la valorisation de toutes les envies sonores et mélodiques, il se sert de son talent acquis au cours des années pour nous offrir des pistes tourmentées et éclatantes, entre résignation et espoir. Un chemin de croix pour mieux se relever, une prière pour mieux trouver le courage de marcher, pas à pas, vers la rédemption.

Dès les premières mesures, calmes mais ténébreuses, de « Son of Cessiphus », Christopher Bono distille un poison qui tourne rapidement à la substance nécessaire aux plénitudes instrumentales qui se préparent. Tout le potentiel de Ghost Against Ghost explose lors des dix minutes de « Still Love », alternant piano caressant et voix et batteries obsessionnelles et compulsives. Et c’est bien dans cette dichotomie que réside l’essence même de la thérapie à laquelle se livre le créateur, diffusant ses atmosphères ambient exactement là où elles s’avèrent nécessaires (« A Relapse Of Remembrance ») pour mieux laisser dériver ses pulsions primales et possessives (le diptyque progressif « The River Of The Intimate »). Le tout, sans jamais chercher à dépasser ses capacités déjà énormes et un potentiel qui n’est plus à prouver, accueillant des vagues psychédéliques et presque doom sur « Resume », un dépouillement lent et tout en écho grâce à « Unarm » ou l’existentialisme poignant du travail vocal précis et éthéré du final et lumineux « Guerison ».

Ce qui pourra alors sembler simpliste ou aisé à écouter pour certains s’avèrera devenir une expérience sensorielle peu commune et palpitante pour d’autres, aussi longtemps que l’on accepte de se laisser transporter à travers les errances spatiales et interstellaires d’un opus ne cédant à aucun moment à la répétition ni à la facilité, mais qui prouve, sur chaque arrangement, le soin particulier et pointilleux que Christopher Bono a apporté à chaque recoin de sa propre cellule, pour en faire un lieu thérapeutique et rassurant. Ainsi, « Still Love », malgré l’absence, malgré la souffrance, s’expose à nos yeux et nous aveugle pour mieux nous étreindre et nous consoler. Une œuvre complexe, mais ô combien sublime.

crédit : Shervin Lainez

« Still Love » de Ghost Against Ghost est disponible depuis le 14 avril 2017 chez Our Silent Canvas.


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Raphaël Duprez

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