[LP] Christine Ott – Tabu

En s’attaquant à l’œuvre de Murnau, Christine Ott ne fait pas qu’illustrer les images du créateur allemand ; elle en offre une description musicale essentielle, dépouillée et allant droit au cœur, complétant le long-métrage avec passion et une totale dévotion au matériau d’origine.

Dernier film du célèbre réalisateur Friedrich Wilhelm Murnau, surtout connu pour son indémodable et effrayant « Nosferatu », « Tabu » est une création à part dans le parcours du metteur en scène. Nous racontant l’histoire d’un amour impossible sur fond de croyances ancestrales, l’action se situe à Bora-Bora et nous convie à la passion qui unit le jeune Mahi et la magnifique Reri, héros d’un drame onirique et presque ésotérique où l’impossible côtoie la passion, autant picturale que tragique. Ainsi, en apportant, dans le cadre d’un ciné-concert, ses talents de compositrice bercée par les mouvements en noir et blanc d’une pellicule malheureusement trop rare, l’artiste française Christine Ott s’octroie la possibilité de transcender l’atmosphère envoûtante du long-métrage, tout en y apportant des couleurs modernes qui font de l’ensemble un chef-d’œuvre destiné à la postérité autant qu’à l’éternité.

Le piano, élément de langage principal d’une bande-son idyllique et feutrée, s’affirme à travers des moments intenses et sensibles comme « Consolation » ou « Paradise Lost », offrant des instants où les bruits ambiants se conjuguent au déroulement ininterrompu de la partition de l’interprète. De ce fait, lorsqu’elle choisit de faire intervenir une onde Martenot révélatrice de la sorcellerie inhérente au film (« Reri »), elle associe le drame et l’intimisme d’une projection fascinante et personnelle, qui accompagne aussi bien la pellicule que notre propre impression cérébrale. Le mystère se fait parfois oppressant, valorisant la tragédie et le doute (« Hitu, La Grande Montagne », « Cursed Lagoon ») avant de se métamorphoser en chorégraphie tribale, danse hypnotique et séductrice qui nous étreint et nous trouble (« Sorrow / Lover’s Dance », « Oriental Dance »). Sans aucun temps mort ni aucune faille, Christine Ott s’accapare les thèmes chers au réalisateur ; ceux-là mêmes qui, entre malédiction et croyances ancestrales et inconnues, sont entrés dans la légende à travers les étranges circonstances de tournage et les tourments vécus par l’équipe. Cette menace que l’on croise sur le disque, quand le clavier grave de « Mandat d’Arrêt / La Perle » nous prépare au fulgurant et émouvant climax qu’est « Tempête / The Tabu », conclusion d’un album définitivement inclassable.

« Tabu » figure d’ores et déjà parmi les bandes originales les plus mystiques et émotionnelles que tout un chacun se doit de posséder, mais représente plus que tout la quintessence d’une compositrice aussi avide de nouvelles découvertes que d’apprentissage et d’enseignement aux spectateurs que nous sommes. Grâce à Christine Ott, nous devenons acteurs d’événements se déroulant devant nos yeux avant de nous happer, tendrement, viscéralement. Un opus sublime et incontournable, que l’on espère avoir la chance de découvrir sur scène et sur écran, ou de l’autre côté du miroir…

« Tabu » de Christine Ott est disponible depuis le 16 décembre 2016 chez Gizeh Records.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.